Reconnue grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel MACRON en 2019, la lutte contre les violences conjugales constitue aujourd’hui une priorité reconnue par la société et largement prise en charge par les pouvoirs publics. Cependant, le nombre de femmes tuées par leur conjoint est stable depuis 2009 et oscille entre 115 et 149 chaque année (document 3) et les violences conjugales constituent un contentieux de masse difficile à endiguer. Il convient alors de s’interroger sur la manière dont l’Etat français fait face à ce problème sociétal. Il a notamment agi sur deux volets : d’une part en renforçant le traitement pénal des auteurs de violences conjugales (I), d’autre part en améliorant la prise en charge des victimes (II).

Tronc commun CRFPA - note de synthèse 2023

I. Un renforcement du traitement pénal des auteurs de violences conjugales

Afin de mieux protéger les victimes et de mettre en place une justice pénale efficace en matière de violences conjugales, les mesures prises par le pouvoir en place passent à la fois par des poursuites adaptées (A) et par des sanctions affermies (B).

A) Des poursuites pénales adaptées

Le parquet, qui a l’opportunité des poursuites, se situe au carrefour de nombreuses procédures et a donc un rôle primordial dans le traitement des violences conjugales. Ainsi, il lui appartient d’appliquer une politique pénale adaptée, alliant rapidité, efficacité et coordination avec les différents acteurs internes et externes à la Justice (juge d’instruction, JLD, juge des enfants, juge aux affaires familiales dans le cas du prononcé d’une ordonnance de protection, hôpitaux, assistant sociaux…).

Certains parquets ont par exemple prévu des mécanismes de signalement ou de dépôt de plainte simplifiée avec envoi de réquisitions judiciaires à l’hôpital et ont généralisé l’évaluation personnalisée des victimes et l’expertise psychiatrique de l’auteur pour mieux connaitre la personnalité de ce dernier afin d’apporter des réponses pénales adaptées (document 7).

Outre des poursuites pénales ciblées et individualisées par le parquet, la loi a également évolué vers des sanctions plus fermes à l’égard des auteurs.

B) Des sanctions affermies

Depuis plus de dix ans, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) fait peser sur les Etats membres une obligation positive de protéger la vie des victimes et de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher la réalisation de menaces contre l’intégrité physique de celles-ci. C’est dans ce contexte que la Turquie a été condamnée dans un arrêt du 9 juin 2009 car sa législation pénale n’était pas assez dissuasive pour les auteurs de violences (document 6).

La France, quant à elle, s’est dotée d’une série de lois spécifiques. Elle a, par exemple, créé une circonstance aggravante si les violences conjugales sont commises en présence d’un mineur article D-1-11-1 du code de procédure pénale, document 2) et aggravé les peines encourues pour les crimes, délits et contraventions quand l’infraction est commise par le conjoint, concubin ou partenaire de PACS (article 132-80 du code pénal, document 5). Dans le prononcé de la peine, le juge tient à la fois compte de la gravité des faits et de la personnalité de leur auteur, qu’il s’agisse d’éléments de nature à permettre un aménagement de peine ou au contraire de prononcer un emprisonnement ou toute autre sanction visant à l’éloigner de la victime (document 8).

Enfin, s’agissant de la phase post-sentencielle, le Garde des Sceaux, dans une circulaire du 9 mai 2019, a donné des instructions aux parquets pour renforcer la vigilance à l’égard des auteurs de violences conjugales au stade de l’exécution de la peine, par exemple en requérant l’exécution provisoire dès qu’elle est possible, ou encore un suivi socio-judiciaire en sortie de détention ou une injonction de soins et en établissant un circuit de priorisation des dossiers en lien avec le juge d’application des peines (document 9).

Ainsi, des sanctions plus fermes et un suivi post-sentenciel renforcé permettent à la fois une meilleure prise en charge de l’auteur des faits et une protection plus effective des victimes.

II. Une prise en charge des victimes de violences conjugales améliorée

Les lois en vigueur tendent vers une meilleure prise en charge des victimes de violences conjugales, notamment en les protégeant davantage et en leur permettant de s’émanciper de l’auteur des faits (A). Cependant, même si de nombreux pans de la loi ont traité le sujet des violences conjugales, le volet civil reste perfectible et les institutions peuvent être améliorées (B).

A) Des victimes mieux protégées

Tout d’abord, l’article 41-3-1 du code de procédure pénale instaure la possibilité d’octroyer un téléphone grave danger (TGD) à une personne victime de violences conjugales et sur laquelle plane une menace pour sa vie ou pour son intégrité physique (document 4).

Ensuite, outre les mesures mises en place sur le plan pénal, d’autres mesures ont été instaurées pour permettre aux victimes de sortir du mécanisme engendré par les violences conjugales. A titre d’exemple, la loi du 28 février 2023 a créé une aide universelle d’urgence destinée à aider les victimes à quitter définitivement le domicile conjugal et à sortir de la dépendance économique vis-à-vis du conjoint violent. Cette aide est qualifiée d’universelle car elle est accessible à toutes les victimes, elle est dite « d’urgence » pour permettre à ces victimes de faire face aux dépenses immédiates suscitées par leur départ du domicile. Cette aide se décline sous la forme d’un prêt à taux zéro rapidement octroyé par les organismes de prestations familiales ou bien d’un don, si la situation financière et sociale de la victime l’exige (document 1).
En matière civile, la loi du 23 novembre 2018 permet au locataire victime de violences conjugales de donner congé au bailleur en bénéficiant d’un préavis réduit à un mois, lui permettant ainsi de ne plus être solidaire du paiement des loyers avec le conjoint violent et de quitter plus rapidement le logement (document 12).

Enfin, et parce que les enfants peuvent également être victimes de ces violences conjugales, le code pénal et le code civil prévoient la possibilité, pour le juge pénal, de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de l’exercice du droit de visite et d’hébergement pour le parent qui serait condamné pour des violences contre son conjoint (document 2).

Si une volonté nette de mieux de protéger les victimes se dégage du droit positif, force est de constater qu’il existe encore des pans perfectibles, et notamment du côté des institutions et en droit civil.

B) Un volet civil et des institutions encore perfectible

Il subsiste encore des vides juridiques, notamment en droit civil, concernant la protection des victimes de violences conjugales. Le droit des régimes matrimoniaux est un exemple parlant, et plus précisément la technique des avantages matrimoniaux, selon laquelle un époux qui serait reconnu responsable du décès de son conjoint pourrait bénéficier, en vertu des dispositions du contrat de mariage, d’un avantage matrimonial. C’est pourquoi une partie de la doctrine milite pour la reconnaissance d’une « ingratitude matrimoniale » qui priverait le conjoint violent de revendiquer le bénéfice d’un tel avantage et pour une évolution jurisprudentielle allant dans ce sens (document 11).

D’autres idées, inspirées du système existant en Espagne depuis 2004, pourraient constituer des pistes d’amélioration des institutions et du circuit de traitement du contentieux des violences conjugales : la création d’une unité de police de protection des femmes, un système informatique permettant de rassembler toutes les informations sur les victimes et auteurs au niveau national, l’instauration d’un tribunal spécialisé en violences conjugales avec des juges spécifiquement formés (document 10).


La lutte contre les violences conjugales s’est accentuée en France ces dernières années, notamment au moyen d’une évolution législative significative. Cependant, le travail doit être poursuivi et d’autres pistes de réflexion doivent être trouvées pour faire baisser le nombre de féminicides, à l’instar de nos voisins espagnols.


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