Propos introductifs
Il nous faut débuter notre développement en rappelant que le Comité des ministres du Conseil de l’Etat, le 14 mai 2025, a mis en route la procédure juridique dans l’optique de créer ce tribunal spécial, faisant alors suite à une approbation politique obtenue à l’occasion d’un sommet spécial, organisé quelques jours plus tôt à Lviv, dans l’est de l’Ukraine.
Cet accord bilatéral porte en vérité création d’un tribunal spécial concernant le crime d’agression contre le territoire ukrainien. La compétence de ce dernier se fonde spécialement sur la compétence territoire de l’Ukraine. Au sens des dispositions contenues au sein de l’article 1er du statut de ce tribunal, il ressort que celui-ci est « habilité à enquêter, poursuivre et juger les principaux responsables du crime d’agression contre l’Ukraine ».
Suite à la signature de cet accord bilatéral, à Strasbourg, le président ukrainien a déclaré que ce tribunal spécial, alors en devenir, est constitutif d’une « véritable chance [pour l’Ukraine] » afin que justice soit faute au regard des agressions commises sur son territoire. Ce dernier a également déclaré qu’il espère voir de nombreux responsables russes jugés par ce tribunal et n’a d’ailleurs pas exclu le président russe, Vladimir Poutine.
Ces déclarations font en vérité suite à la signature historique, le 25 juin 2025, de l’accord bilatéral entre le président ukrainien et Alain Berset, le secrétaire général du Conseil de l’Europe. Ce tribunal spécial doit permettre de juger les dirigeants russes au regard des agressions commises, et notamment la commission des crimes de guerre que l’Etat ukrainien reproche depuis l’invasion de son territoire le 24 février 2022.
N’existe-t-il toutefois pas déjà d’autres juridictions pour pourraient connaitre de ces crimes ?
Cette question est intéressante à poser : toutefois, nous devons impérativement répondre par la négative. En effet, aucune des juridictions internationales qui existent aujourd’hui, même la Cour pénale internationale, ne sont in fine compétente à l’effet de connaitre puis de juger les dirigeants russes concernant le délit susmentionné. Ce traité doit alors palier cette difficulté de compétence.
Sous ce rapport, le secrétaire général du Conseil de l’Europe a déclaré que pour la toute première fois, « un tribunal international spécial » est conçu « dans le cadre du Conseil de l’Europe » dans l’objectif principal de connaitre des crimes d’agression. Ce tribunal spécial a donc pour objectif de poursuivre les individus ayant « [recouru] à la force en violation de la Charte des Nations unies. »
Le président Zelensky a, entre autres, évoqué les tribunaux qui avaient été créés spécifiquement pour connaitre des crimes commis par les nazis pendant la Seconde guerre mondiale. Il a considéré que ces tribunaux spéciaux, de même que ceux créés concernant les crimes commis en Yougoslavie, devraient constituer une sorte de référence afin d’apprécier la manière dont les dirigeants russes devront être poursuivis. En effet, ce dernier ayant évoqué ces tribunaux à l’occasion de son discours, il a ajouté qu’« ce crime doit être jugé de manière claire et approfondie ».
Il est également à noter que de nombreux détails doivent être réglés à l’égard de la création de ce tribunal, notamment son implantation. Il a été avancé l’idée de le baser à La Haye, proposition d’ailleurs saluée par le président ukrainien, mais rien ne semble pour l’heure acté. Ce dernier sera en outre financé par une quarantaine d’Etats, à l’exception, a priori, des Etats-Unis de Donald Trump.
Concernant la compétence de cette juridiction spéciale, il est important si ce n’est primordial de retenir qu’elle sera en mesure de poursuivre les hauts dirigeants russes, qui bénéficient de l’immunité personnelle pendant l’exercice de leur fonction : il faut bien garder à l’esprit que les condamnations qui pourraient être prononcées devront l’être à leur issue desdites fonctions.
Qui plus est, il est intéressant de souligner le fait que le tribunal en question détiendra la personnalité juridique internationale. En d’autres termes, cela revient à dire qu’il ne s’agira donc pas d’une structure nationale ou bien d’une structure hybride. Ceci a été décidé sur le fondement des dispositions contenues au sein de l’article 8 bis du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, de même que sur les critères relatifs aux crimes d’agression tels qu’ils découlent d’une résolution spécifique de l’Assemblée générale des Nations Unies (cf. en ce sens spécifique la résolution n° 3314).
Il ressort également de cet accord et des discussions qui l’entourent que ce tribunal sera en mesure de condamner des dirigeants russes (qu’ils soient politiques ou militaires) même s’ils ne sont pas personnellement présents.
Quelle est finalement la position de l’Etat français à ce sujet ?
C’est à l’occasion d’un communiqué publié par l’Etat français que la France salue la signature de cet accord bilatéral. Considérant la création de ce tribunal, il s’agit pour l’Etat français d’une « avancée historique » et qui revêt une nature somme toute particulière en ce qu’il s’agit du tout premier pas effectué vers l’établissement de cette nouvelle juridiction afin que les victimes de l’invasion injustifiée du territoire par les forces armées russes puissent obtenir réparation des préjudices dont elles se plaignent.
En ce sens, par ailleurs, l’Etat français a fait savoir qu’il était pleinement investi dans le cadre des travaux préparatoire dans le cadre de la création de cette juridiction afin de « lutter contre l’impunité des crimes d’agression commis par la Russie ». Ceci sera effectué « dans le cadre [spécifique] du Conseil de l’Europe ».
Références
https://fr.euronews.com/my-europe/2025/05/09/les-allies-de-lukraine-approuvent-la-creation-dun-tribunal-charge-de-poursuivre-la-russie
https://search.coe.int/cm#{%22CoEIdentifier%22:[%220900001680b678e9%22],%22sort%22:[%22CoEValidationDate%20Descending%22]}
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ukraine/evenements/article/ukraine-creation-du-tribunal-special-pour-le-crime-d-agression-de-la-russie