Propos introductifs

Dernièrement, certains maires ont décidé de montrer leur soutien à la cause palestinienne en hissant sur le fronton de leur mairie le drapeau palestinien. Cependant, les préfets compétents leur ont demandé de retirer ces drapeaux. Certains d’entre eux ont par ailleurs saisi le juge en référé. 

Les juges ont, sans exception, indiqué que les maires concernés devaient impérativement retirer ces drapeaux en ce sens où ceci contrevient au principe de neutralité des services publics. Ces décisions, à n’en pas manqué, ont fait couler beaucoup d’encre dans la presse régionale et nationale. Le maire de Gennevilliers, Patrice Leclerc (communiste) a respecté la décision de justice ainsi rendue mais il a tout de même évoqué la possibilité d’une justice à deux vitesses concernant ces différentes affaires. En effet, il rappelle que le drapeau israélien est hissé sur le fronton de la mairie de Nice depuis l’autonome 2023, alors même que le juge, qui avait été saisi en référé par nombre d’administrés, n’avait pas ordonné le retrait de ce drapeau. Il rappelle, à cet égard, que le juge, dans l’affaire niçoise, n’avait pas considéré qu’il y avait urgence à agir.  

Comment comprendre l’affaire niçoise ?

Se pose (légitimement) maintenant la question de savoir pourquoi les drapeaux palestiniens doivent être enlevés des frontons des mairies concernées tandis que le drapeau israélien peut rester hissé à Nice ? 

Cette question trouve sa réponse dans la procédure administrative. Il nous faut remonter à l’automne 2023 et aux massacres d’israéliens commis par le Hamas. A cette date, le maire de Nice, Christian Estrosi, prévoit que des drapeaux israéliens seront hissés sur le fronton de la mairie en hommage aux victimes. Plus de sept mois passeront sans que des administrés ne décident de saisir le juge en référé-suspension et demandent finalement de retirer lesdits drapeaux. Néanmoins, cette procédure nécessite, pour être valable, le cumul de deux conditions devant être rencontrées : il faut d’abord que « l’urgence le justifie », mais il doit en outre exister « un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Selon les administrés niçois, ces deux conditions étaient bien remplies. Or ces arguments ne furent pas retenus par le Tribunal administratif de Nice qui considéré que la condition tenant à l’urgence faisait défaut, considérant finalement que les drapeaux concernés étaient hissés sur le fronton de la mairie depuis plus de sept mois. C’est parce que cette toute première condition cumulative n’était pas rencontrée que le juge administratif niçois n’a pas eu à rechercher si la deuxième condition était rencontrée elle aussi. 

Un autre recours fut effectué par les mêmes auteurs. A cette occasion, les auteurs ne tendent pas à l’annulation de cette décision, qui serait justifiée par l’urgence, mais tendent à ce que le juge administratif vérifie la légalité de ladite décision. Il est finalement à retenir qu’il y a quelques jours, le maire de Nice a décidé d’enlever ces drapeaux, suite à la décision prise en ce sens par le Tribunal administratif de Nice. 

Qu’en est-il de la procédure d’urgence enclenchée dans le cadre de la mairie de Gennevilliers ?

Concernant les drapeaux palestiniens hissés sur le fronton de la mairie de Gennevilliers, nous devons souligner le fait que le juge fut très rapidement saisi -non pas par les administrés eux-mêmes, mais par le préfet, suite à plusieurs avertissements demandant le retrait des drapeaux. Ici, il est à noter que la procédure du référé préfectoral diffère du référé pouvant être introduit par un administré. Ainsi, et par opposition au référé porté par un administré, cette procédure ne doit pas respecter la condition de l’urgence. 

Cette demande préalable du préfet se comprend par l’usage, avant que ne soit éventuellement saisi le juge administratif. Ce qui distingue les affaires des drapeaux israéliens des drapeaux palestiniens réside en vérité dans le fait qu’aucun préfet n’a décidé de saisir le juge compétent. 

Concernant la situation de Nice, est-ce que si le préfet avait décidé de saisir le juge afin de demander à ce que les drapeaux israéliens soient retirés du fronton de la mairie, ce dernier lui aurait-il donner raison ? Il est fort à craindre que non car cette démonstration de solidarité s’inscrivait précisément et en vérité dans les hommages nationaux portés par le gouvernement français à cette époque.

Il nous fait finalement comprendre la décision dernièrement rendue par le tribunal administratif de Nice : en effet, par 2 ordonnances en date du 25 juin 2025, le tribunal, qui fut saisi en référé-suspension par des administrés, a finalement décidé de contraindre Christian Estrosi de retirer lesdits drapeaux. Pourquoi ? Cette décision se comprend dans la mesure où le contexte international a changé et que le conflit qui a lieu actuellement au Moyen-Orient s’intensifie. Par voie de conséquence, le critère tiré de l’urgence était bel et bien rencontré dans ce cas d’espèce. Et le juge de retenir que cette démonstration ne saurait être considérée autrement que « comme un soutien à l’Etat israélien » dans la mesure, par ailleurs, où tout drapeau revêt la nature d’une « revendication d’une opinion politique ».

Références

https://x.com/patrice_leclerc/status/1936087257603027095

https://nice.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/drapeaux-israeliens-deployes-en-mairie-de-nice-la-demande-de-suspension-est-rejetee

https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/06/26/christian-estrosi-retire-les-drapeaux-israeliens-du-fronton-de-la-mairie-de-nice_6616057_823448.html