Quelques propos introductifs s’imposent
Dans le cadre de notre présent développement, quelques propos introductifs s’imposent à nous. En effet, suite à la publication d’une vidéo devenue virale, en ligne, et dans laquelle il est clairement soutenu qu’il est possible pour les services de l’Etat d’actionner, à distance, non seulement les caméra et micro d’un téléphone portable, mais aussi l’activation de sa géolocalisation. Cette possibilité pourrait être utilisé par l’Etat, même à l’occasion d’une simple enquête administrative.
Il est impératif de souligner le fait que cette possibilité est bel et bien accordée aux services compétents de l’Etat mais il conviendra, immédiatement, d’insister sur le fait qu’il ne saurait s’agir d’une simple enquête administrative, mais bien de circonstances présentant un caractère particulièrement grave : cette pratique est strictement encadrée et surtout, la décision d’y recourir en effet revient préalablement à un juge.
Le contenu de cette vidéo est somme toute surprenant en ce qu’il y est indiqué qu’une loi aurait été votée il y a peu ; cette loi autoriserait les services de l’Etat, dans le cas d’une enquête administrative, à procéder de la sorte, plus exactement concernant une enquête diligentée dans le cadre d’une fraude, d’une suspicion de menace, ou encore dans le cadre d’un contrôle fiscal.
Cette loi, qui n’existe pas, aurait été votée dans l’objectif de répondre à un « plan de sécurité numérique » et plus exactement afin de lutter contre la criminalité en ligne. Ce qui est important, pour nous dans le cadre de notre développement, est de faire la part des choses entre ce qui est fantasmé, de ce qui est vrai, car les dispositions mentionnées dans cette vidéo ont bien été discutées par les parlementaires.
Les dispositions susmentionnées ont bien été discutées, débattues par les parlementaires
Pour comprendre ce qui relève en effet d’éléments objectifs, de ce qui relève plutôt de simples affabulations, il nous faut en vérité remonter à 2023. A cette date, les représentants des deux chambres du Parlement se sont intéressés au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour la période 2023 à 2027. Ce projet de loi, qui avait fait l’objet d’un vote, contenait bel et bien cette possibilité d’activation, à distance, des caméra et micro.
Toutefois, il est primordial de souligner le fait que le Conseil constitutionnel est intervenu dans le cadre de l’examen de la constitutionnalité de ce projet de loi, et donc de la conformité du texte par rapport au texte constitutionnel suprême (cf. en ce sens, la décision du Cons. const., du 16 novembre 2023, n° 2023-855 DC). A cette occasion, les juges du Conseil constitutionnel ont considéré une partie de ce texte comme méconnaissant la Constitution, et les droits et libertés que celle-ci garantit, notamment sous l’égide d’une méconnaissance du principe de respect de la vie privée. Ces derniers avaient alors précisé que la possibilité d’activer à distance les caméra et micro concernant un nombre trop conséquent d’infractions, et qu’il manquait l’élément nécessaire de prise en compte de la gravité de ces infractions pour y procéder valablement.
L’on comprend donc la censure du Conseil constitutionnel à cet égard : mais alors, pourquoi la vidéo contient-elle ces éléments d’information ?
Il y a peu, le 13 juin, le Parlement a voté en faveur de l’adoption de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dite loi narcotrafic. Cette dernière permet l’activation de ces dispositifs, à distance. De nouveau, les juges du Conseil constitutionnel ont été amenés à se prononcer sur la constitutionnalité de son contenu et ont décidé, la concernant, de ne pas censurer le texte. Ils ont cependant émis des réserves à son sujet.
En fait, concernant cette activation à distance, il fut retenu par les juges du Conseil constitutionnel qu’il doit revenir seul à un juge de décider ainsi. Plus spécifiquement, le juge devra intervenir dans l’objectif de décider du caractère nécessaire et proportionné de la mesure, en regard des faits en cause, selon les cas d’espèce dont il connait (cf. en ce sens, la décision Cons. const., du 12 juin 2025, n° 2025-885 DC). Concernant le narcotrafic, il conviendra préalablement et obligatoirement que les services de la police nationale apportent des éléments de preuve suffisamment sérieux, pour emporter la conviction du juge sur le caractère nécessaire de l’instauration de ces écoutes. Il ne saurait pas non plus s’agir de simples enquêtes administratives, comme le contenu de la vidéo susmentionnée le laisse entendre. Notons in fine que cette activation à distance intervient à titre subsidiaire, c’est-à-dire que la pose effective de caméra et/ou micro n’apparait, matériellement, pas possible.
Pour clore notre développement, il est primordial de bien garder à l’esprit que les services de police ne sauraient par conséquent, et de leur propre initiative, mettre en œuvre de telles manœuvres. Le juge, qui est également le gardien des libertés, intervient nécessairement dans la mise en place des activations concernées.
Références
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/2023855DC.htm
https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2025885dc/2025885dc.pdf
https://lcp.fr/actualites/justice-l-assemblee-autorise-l-activation-a-distance-des-telephones-portables-pour
https://factuel.afp.com/doc.afp.com.47EY3NV