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CRFPA : Préparation à l'épreuve de droit international et européen (sujet 2022)

L'épreuve de droit européen et international du CRFPA 2022 est composée de 2 questions sur un cas. Voici ici leur corrigé et des suggestions de documents pour mieux préparer cette épreuve.

CRFPA : Préparation à l'épreuve de droit international et européen (sujet 2022)

Crédit Photo : CRFPA 2022 droit international et européen



1. La société Blend pourrait-elle être sanctionnée par une autorité de concurrence ? (10 points)

Le droit de la concurrence est une compétence exclusive de l’Union européenne (Article 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou TFUE). Plus spécifiquement, le droit européen de la concurrence est régi par les articles 101 à 109 du TFUE et le Règlement sur les concentrations (Règlement CE n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises).
Il convient en premier lieu d’éclairer les notions d’entreprise et de concurrence en fonction du droit (A), puis de définir, toujours en droit, la notion d’autorité de concurrence et partant, sa compétence, notamment en matière de sanction (B).


A. Sur les notions d’entreprise et de concurrence en droit

En droit, l’article 101 TFUE encadre la définition de « concurrence déloyale » en précisant que « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet et ont pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur » (Article 101 TFUE). Les notions jurisprudentielles d’entreprise et de concurrence, auxquelles se réfèrent le droit de la concurrence, sont les suivantes. D’abord, une entreprise concerne « toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de fonctionnement » (Cour de justice de l’Union européenne ou CJUE, 23 avril 1991, Klaus Höfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH, C-41/90). Ensuite, « les règles de la concurrence de l’Union énoncées aux articles 101 et 102 TFUE tendent à appréhender les comportements, collectifs et unilatéraux, des entreprises qui limitent le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur » (CJUE, 6 septembre 2017, Intel Corp. Inc. contre Commission européenne, C-413 /14 P).


Droit de la concurrence : présentation, sources, autorités, concurrence déloyale, pratiques restrictives, antitrust



En l’espèce, la société Blend est bien une entreprise au regard de C-41/90, puisqu’étant une entité exerçant une activité économique. Elle est à ce chef concernée par les règles de la concurrence au visa de C-413/14 P. En outre, les rencontres avec la société Musset, société concurrente de la société Blend et l’un des deux principaux acteurs, avec cette dernière, présents en Europe sur le marché de la fabrication de tracteurs, revêtent bien un caractère susceptible de rentrer dans le cadre des « comportements, collectifs et unilatéraux, des entreprises qui limitent le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur » tel que visé par C-413/14 P. À ce titre, la société Blend et la société Musset se sont bien engagées dans des activités « susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres » ayant eu pour effet de « fausser le jeu de la concurrence àl’intérieur du marché intérieur » au titre de l’article 101 TFUE.

Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Quelques spécificités de l'article 101


En conséquence, la société Blend et Madame Wiesemann, au titre de sa qualité de dirigeante de la société Blend, sont bien soumises aux règles entourant le non-respect du droit de la concurrence et se sont exposées, partant, à des poursuites pour concurrence déloyale.

B. Sur la notion d’autorité de concurrence et de compétence en matière de sanction

En droit, bien que l’UE dispose d’une compétence exclusive en matière de droit de la concurrence au titre de l’article 3 TFUE, les articles 101 et 102 TFUE donnent toute latitude à des autorités nationales de pouvoir et de devoir faire respecter le droit de l’Union européenne qui prime sur le droit national (CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre Enel, C-6/64). Au visa des paragraphes 10 et 11 de la Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l’Union européenne, les autorités nationales de concurrence disposent d’une compétence en matière de sanction. En effet, le paragraphe 10 renvoie à la disposition du paragraphe 1 du Règlement (CE) n°1/2003 prévoyant que « lorsque les autorités de concurrence des Etats membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à des accords, décisions ou pratiques concertées, [elles] appliquent également l’article 102 du TFUE ». À ce chef, le paragraphe 11 dispose que « les actions en dommages et intérêts sont régies par les règles et procédures nationales des Etats membres ».

En l’espèce, la société Blend a violé les règles du droit de la concurrence en conduisant des « pratiques concertées » avec la société Musset.


Règlement (CE) No 1400/2002 de la commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile

En conséquence, une autorité de concurrence est tout à fait disposée à engager des poursuites contre la société Blend et partant, à la sanctionner pour non-respect des dispositions du droit de la concurrence.


2. Le juge français pourrait-il se déclarer compétent pour connaître d’une action en responsabilité engagée contre la société Blend par les agriculteurs résidant en France ? Le cas échéant, quelle est la loi applicable à l’action et le juge est-il tenu de l’appliquer d’office ? (10 points)

Les Règlements (CE) n°1/2003 et Directive 2014/104/UE donnent toute latitude aux juridictions nationales d’agir pour faire respecter le droit européen de la concurrence, conformément au principe de primauté du droit de l’Union européenne (CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre Enel, C-6/64).

Cour de justice de l'Union européenne, 15 juillet 1964, Costa contre Enel - Le principe de primauté


Le Règlement (UE) n° 1215/2012 (ou Règlement Bruxelles-I bis) comprend des dispositions régissant les compétences en matière de procédure en cas d’action en responsabilité délictuelle en matière de non-respect du droit de l’Union européenne. Le Règlement (CE) n°864/2007 (ou Règlement Rome-II) sur la loi applicable aux obligations non contractuelles comprend le champ d’application des juridictions nationales en cas de contentieux rattachés au droit international privé.

Il convient en premier lieu d’éclairer les dispositions du Règlement Rome-II sur la compétence éventuelle de la juridiction nationale française pour engager une action en responsabilité contre la société Blend (A), puis d’approcher la loi applicable à l’action et la latitude d’action du juge au visa du Règlement Rome-II (B).



A. Sur la compétence du juge français pour engager une action en responsabilité

En droit, au titre du Règlement Bruxelles-I bis, la compétence judiciaire dans le cadre d’une action contentieuse pouvant concerner les juridictions nationales de plusieurs Etats membres peut être attribuée à une juridiction nationale à l’exclusion des autres juridictions dans l’attente d’une décision finale de la première conformément au règlement de la litispendance au visa de l’article 29 du Règlement Bruxelles-I bis. L’article 7, point 2, du Règlement, dispose « qu’en matière délictuelle ou quasi délictuelle, [une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre] devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ». L’article 7, point 2, du Règlement Bruxelles-I bis, a été interprété par la CJUE de façon extensive, comme concernant toute juridiction nationale dans le cadre du marché intérieur, puisqu’entraînant une distorsion de la concurrence sur le marché intérieur de façon générale (CJUE, 22 juin 2022, Volvo AB et DAF Trucks NV contre RM, C-267/20).


L'application du Règlement Bruxelles I bis

En l’espèce, malgré le fait que le siège social de la société Musset soit à Manchester (Royaume-Uni) et le siège social de la société Blend à Hambourg (Allemagne), la distorsion de concurrence consécutive aux rencontres des dirigeants de ces sociétés concerne l’ensemble du marché intérieur. Les parties lésées résidant en France, comme celles résidant dans tout état membre de l’Espace économique européen (EEE) sont susceptibles d’engager une action contentieuse auprès de leur juridiction nationale.

En conséquence, sous réserve qu’une action ne soit pas préalablement engagée dans une juridiction nationale autre qu’en France, le juge français est bien apte à connaître une action en responsabilité délictuelle engagée contre la société Blend par les agriculteurs résidant en France.

B. Sur la loi applicable à l’action contentieuse et l’obligation d’office d’action du juge

En droit, au titre du Règlement Rome-II, l’article 6 concernant la concurrence déloyale et actes restreignant la libre concurrence dispose que « la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte restreignant la concurrence est celle du pays dans lequel le marché est affecté ou susceptible de l’être » (paragraphe 3, alinéa a). Selon l’article 6, paragraphe 4, « il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du présent article par un accord tel que mentionné à l’article 14 ».

En l’espèce, les agriculteurs français se trouvent être des parties lésées dans un marché effectivement « affecté ou susceptible de l’être » au visa de l’article 6, paragraphe 3, alinéa a. En outre, il ne peut être dérogé à la règle au visa de l’article 6, paragraphe 4.

En conséquence, la loi applicable à l’action contentieuse est la loi française et le juge est effectivement tenu de l’appliquer d’office.

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