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Deux séries de questions doivent être distinguées : d’une part, celle relative à la compétence juridictionnelle pour statuer sur la demande en divorce (I) ; d’autre part, celle tenant aux lois applicables à la situation internationale en cause (II).
À titre préliminaire, il convient d’indiquer que la situation présente un caractère international manifeste, sans qu’il soit nécessaire d’approfondir ce point : plusieurs éléments d’extranéité sont réunis, notamment la résidence habituelle des deux époux qui se situe dans des États différents.
I) La compétence juridictionnelle
L’analyse doit d’abord porter sur l’applicabilité du Règlement Bruxelles II ter (A), avant d’en examiner l’application concrète à la situation d’espèce (B).
A) L’applicabilité du Règlement Bruxelles II ter
Le Règlement (UE) n° 2019/1111 du 25 juin 2019, dit Bruxelles II ter, concerne la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi que les procédures d’enlèvement international d’enfants. Trois conditions d’applicabilité doivent être réunies : matérielle, temporelle et spatiale.
1. Champ d’application matériel
Selon l’article 1, §1 du règlement, celui-ci s’applique, quelle que soit la nature de la juridiction, aux matières civiles relatives notamment « au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage ».
En l’espèce, la demande porte sur un divorce : la condition matérielle est donc remplie.
2. Champ d’application temporel
L’article 100 précise que le règlement s'applique aux actions judiciaires engagées à compter du 1er août 2022.
La procédure envisagée devant être introduite en 2025, cette condition est également satisfaite.
3. Champ d’application spatial
En vertu de l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), les règlements européens sont directement applicables dans tous les États membres, sauf dérogation. Le considérant 96 du Règlement Bruxelles II ter précise que seul le Danemark n’est pas lié par son application.
En l’espèce, les juridictions envisagées (belges, italiennes ou françaises) relèvent d’États membres parties au règlement : la condition spatiale est également remplie.
En définitive, le Règlement Bruxelles II ter est pleinement applicable à la présente demande en divorce.
Il convient toutefois de rappeler que, conformément à l’article 6 du règlement, si aucun des chefs de compétence prévus aux articles 3 à 5 n'était applicable, il conviendrait de se référer aux règles nationales de compétence de l’État membre concerné, sauf exceptions liées à la résidence ou à la nationalité du défendeur. En l’espèce, cette réserve ne trouve pas à s'appliquer.
B) L’application du Règlement Bruxelles II ter
Deux points doivent ici être abordés : d’abord, la détermination des juridictions compétentes selon les critères du règlement (1) ; ensuite, la question éventuelle d'une litispendance en cas de saisine simultanée de plusieurs juridictions (2).
1) Détermination de la compétence
a) Interprétation de l’article 3
Les articles 4 (relative à la demande reconventionnelle) et 5 (relatif à la conversion d’une séparation de corps en divorce) du règlement n’étant pas applicables ici, l’analyse doit se concentrer sur l’article 3.
Cet article énonce plusieurs chefs de compétence alternatifs et non hiérarchisés, fondés sur :
- la résidence habituelle des époux,
- la dernière résidence habituelle des époux si l’un d’eux y réside encore,
- la résidence habituelle du défendeur,
- la résidence habituelle du demandeur sous certaines conditions de durée,
- ou encore la nationalité commune des époux.
Chaque critère est mobilisable indépendamment des autres et peut fonder à lui seul la compétence d'une juridiction d'un État membre.
b) Application de l’article 3 au cas d’espèce
En l’espèce, la situation est la suivante : l’épouse réside habituellement en Belgique, tandis que l’époux a fixé sa résidence habituelle en France.
Dernière résidence habituelle commune : Les époux ayant résidé ensemble en Belgique, et l’épouse y vivant toujours, les juridictions belges sont compétentes au titre de ce critère.
Résidence habituelle du défendeur : Si l’époux introduit la demande, l’épouse, en tant que défenderesse, résidant en Belgique, permettrait de saisir les juridictions belges.
À l’inverse, si l’épouse introduit la demande, l’époux, défendeur, résidant en France, fonderait la compétence des juridictions françaises.
Résidence habituelle du demandeur : L’époux, ayant sa résidence habituelle en France depuis plus de six mois avant l’introduction de la demande et étant ressortissant français, pourrait également saisir les juridictions françaises. L’épouse, quant à elle, résidant en Belgique depuis plus d’un an, pourrait saisir les juridictions belges.
Nationalité commune : Les deux époux partagent la nationalité italienne. Ce lien fonde la compétence des juridictions italiennes.
En synthèse, trois juridictions apparaissent compétentes :
Les juridictions belges : sur le fondement de la dernière résidence habituelle commune, de la résidence actuelle du défendeur, ou de celle du demandeur ayant plus d'un an de résidence en Belgique.
Les juridictions françaises : en qualité de lieu de résidence habituelle du demandeur (l’époux), et potentiellement du défendeur (l’époux si l’épouse agit en divorce).
Les juridictions italiennes : en raison de la nationalité commune des deux époux.
2) La potentielle litispendance
Dans l’hypothèse où chacun des époux saisirait une juridiction différente, une situation de litispendance pourrait se former, c’est-à-dire l’existence de deux procédures portant sur le même litige devant deux juridictions distinctes.
Le Règlement Bruxelles II ter prévoit une règle spécifique pour traiter cette situation à l’article 20, §1.
Il y est stipulé que :
« Lorsque des procédures en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage sont introduites entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents, la juridiction saisie en second lieu suspend d’office sa procédure jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie. »
En l'espèce, deux demandes en divorce seraient introduites entre les mêmes parties, devant des juridictions de deux États membres différents : une situation de litispendance serait donc caractérisée.
Conformément au texte, la juridiction saisie en second devrait immédiatement suspendre sa procédure.
L’article 20, §3 précise que, dès que la juridiction première saisie confirme sa compétence, la juridiction seconde devra se dessaisir.
Le critère déterminant est ainsi purement chronologique. L’article 17 du règlement précise que la date de saisine correspond à la date de dépôt de l'acte introductif d’instance auprès de la juridiction.
En conséquence, il est vivement conseillé à l’époux de saisir en premier la juridiction de l’État membre choisi, afin d’éviter toute difficulté liée à un éventuel dessaisissement.
Si ce conseil est suivi, et que l’épouse saisit ultérieurement une autre juridiction, cette dernière serait contrainte de se dessaisir en application stricte du critère chronologique posé par l’article 20.
II) Les lois applicables
Contrairement à la première question, il ne s’agit pas seulement ici de la loi applicable au divorce, mais de plusieurs lois applicables à différents aspects de la situation :
- la loi applicable au divorce (A),
- la loi applicable au régime matrimonial (B),
- la loi applicable à la prestation compensatoire (C),
- et la loi applicable aux effets du divorce sur l’enfant (D).
A) La loi applicable au divorce
La primauté du droit de l'Union européenne impose d'examiner en premier lieu l'applicabilité du règlement (UE) n° 1259/2010 dit Rome III (art. 55 et 88-1 de la Constitution française, CJCE, Costa c/ Enel, 15 juillet 1964).
1. Champ d’application matériel
Conformément à l'article 1, §1 du règlement, celui-ci s’applique aux situations de conflit de lois en matière de divorce et de séparation de corps.
Les exclusions prévues à l’article 1, §2 ne concernent pas la présente espèce.
En l’espèce, la demande concerne un divorce : la condition matérielle est remplie.
2. Champ d’application temporel
Le règlement s’applique aux procédures introduites après le 21 juin 2012 (articles 18 et 21).
La demande en divorce sera introduite en 2024 : la condition temporelle est également remplie.
3. Champ d’application spatial
Le règlement Rome III, issu d’une coopération renforcée, est contraignant pour les États membres y ayant participé, dont la France, la Belgique et l’Italie.
De plus, l’article 4 prévoit son application universelle : la loi désignée s’applique même si elle est celle d’un État tiers.
En l’espèce, le règlement Rome III est donc applicable.
4. Détermination de la loi applicable
Aucun choix de loi n’ayant été effectué entre les parties (art. 5 du règlement), il faut appliquer l’article 8, qui établit une hiérarchie :
- Résidence habituelle commune au moment de la saisine ;
- À défaut, dernière résidence habituelle commune (si l’un des époux y réside encore) ;
- À défaut, nationalité commune ;
- À défaut, loi de la juridiction saisie.
Les époux n’ayant plus de résidence habituelle commune, le premier critère ne joue pas.
La dernière résidence habituelle se situait en Belgique, et l’épouse y réside encore : c’est donc la loi belge qui sera applicable.
Si, hypothétiquement, la résidence belge avait pris fin il y a plus d’un an, la loi italienne aurait été désignée, au regard de leur nationalité commune.
B) La loi applicable au régime matrimonial
Il convient d’abord de vérifier l’applicabilité du Règlement (UE) 2016/1103 relatif aux régimes matrimoniaux.
Son chapitre III n'est applicable qu'aux mariages célébrés (ou aux conventions de choix de loi conclues) après le 29 janvier 2019 (article 69, §3).
En l’espèce, les époux se sont mariés en 2014 sans désigner de loi applicable : le règlement est donc inapplicable.
Dès lors, il faut se référer à la Convention de La Haye du 14 mars 1978, applicable aux mariages célébrés après le 1er septembre 1992.
Selon l’article 4 de la Convention, en l'absence de choix exprès, la loi applicable est celle de la première résidence habituelle commune après le mariage.
Les époux se sont installés à New York : leur première résidence habituelle est fixée dans l’État de New York, une unité territoriale des États-Unis.
En conséquence, c’est la loi de l'État de New York qui régira leur régime matrimonial, y compris sa dissolution.
Mutabilité ?
L’article 7 prévoit que la loi applicable pourrait changer en cas de résidence prolongée (plus de 10 ans) ou d’acquisition de la nationalité locale.
Or, les époux n’ont vécu que six ans en Belgique et sans en acquérir la nationalité : aucune mutabilité automatique n'est envisageable.
C) La loi applicable à la prestation compensatoire
La prestation compensatoire relève des obligations alimentaires en droit international privé.
Le Règlement (CE) n° 4/2009 renvoie pour la loi applicable au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007.
Selon l’article 3 du Protocole, la loi applicable est celle du lieu de résidence habituelle du créancier d’aliments.
En l’espèce, l’épouse — créancière potentielle — réside en Belgique : la loi belge s’appliquera.
D) La loi applicable aux effets du divorce sur l’enfant
Enfin, en ce qui concerne les effets du divorce sur l’enfant, c’est la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 qui trouve à s’appliquer.
L’article 15 prévoit que l’autorité saisie applique sa propre loi.
Ainsi, selon que la procédure est portée devant les juridictions françaises, belges ou italiennes, la loi nationale respective s'appliquera.
Cas pratique n°2
La question porte sur la qualification juridique du contrat conclu par Monsieur Dupont, dans le cadre du droit européen de l’agence commerciale.
La société pour laquelle il travaillait refuse de lui verser l’indemnité de fin de contrat prévue pour les agents commerciaux, au motif qu’il n’aurait pas eu le pouvoir de modifier le prix des biens vendus.
Dans l'Union européenne, l’agence commerciale est harmonisée par la directive du 18 décembre 1986.
Or, il est important de citer l’article 1er de cette directive : « 1. Les mesures d'harmonisation prescrites par la présente directive s'appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.
2. Aux fins de la présente directive, l'agent commercial est celui qui, en tant qu'intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l'achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée «commettant», soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.
3. Un agent commercial aux fins de la présente directive ne peut être notamment:
- une personne qui, en qualité d'organe, a le pouvoir d'engager une société ou association,
- un associé qui est légalement habilité à engager les autres associés,
- un administrateur judiciaire, un liquidateur ou un syndic de faillite. ».
Ainsi, selon l’article 1er de la directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente soit de négocier, soit de négocier et conclure des ventes ou achats de marchandises pour une autre personne.
La négociation figure ainsi parmi les critères essentiels.
Cependant, par un arrêt du 4 juin 2020 (aff. C-828/18), la Cour de Justice de l’Union européenne a précisé qu’un agent commercial n’a pas à disposer du pouvoir de modifier les prix pour être qualifié comme tel.
Les juridictions nationales doivent donc interpréter leur droit interne à la lumière de cette précision.
En l’espèce, bien que Monsieur Dupont n’ait pas eu le pouvoir de fixer les prix, il agissait comme intermédiaire indépendant pour démarcher des clients pour le compte d'une société de gaufriers.
Conclusion : Monsieur Dupont peut être qualifié d’agent commercial au sens du droit européen, et il est fondé à réclamer l’indemnité de rupture prévue à ce titre.