I. Sur l’action de M. PAT contre la SA GLOBAL et le président de la SAS RECYCLETOUT

Fondateur de la SAS RECYCLETOUT, pionnière dans le recyclage des déchets industriels, M. PAT accepte de céder 75 % des actions de sa société à la SA GLOBAL, maison-mère d’un grand groupe désireux de renforcer ses activités vertes. Attaché à la mission environnementale qu’il porte à travers RECYCLETOUT, M. PAT négocie le maintien d’une participation de 25 % ainsi qu’un siège au conseil d’administration.

Cependant, un an et demi après la cession, il constate que l’intégration promise au sein du groupe n’a pas été à la hauteur des engagements pris. Le président désigné par la SA GLOBAL pour diriger RECYCLETOUT agit sans égard pour les intérêts de la société, tandis que le groupe développe une activité concurrente au sein d’une filiale détenue à 100 %, largement favorisée. L’activité de RECYCLETOUT décline, les dividendes disparaissent et M. PAT redoute désormais la faillite de la société.

Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur les voies de recours dont dispose M. PAT à l’encontre du président de la SAS RECYCLETOUT et de la SA GLOBAL, tant que la société demeure in bonis, mais aussi en cas d’ouverture d’une liquidation judiciaire.

A. Dans l’hypothèse où la SAS RECYCLETOUT reste in bonis

Il faut d’abord examiner si M. PAT pourrait exercer une action ut singuli contre le président et la SA GLOBAL, si la SA GLOBAL est tenue par un devoir de loyauté en sa qualité d’associé, et si une action individuelle pourrait également être engagée contre eux.

1. Sur l’action ut singuli contre le président de la SAS RECYCLETOUT

a. Sur la recevabilité d’une action ut singuli

Lorsqu’un dirigeant agit au détriment de la société, cette dernière peut engager sa responsabilité par la voie de l’action sociale. Cette action se décline en deux mécanismes : l’action ut universi et l’action ut singuli, qui visent toutes deux à obtenir réparation du préjudice causé à la société.

L’action ut universi est conduite par les dirigeants eux-mêmes au nom de la société. Toutefois, dans la pratique, il est rare que des dirigeants fautifs poursuivent leur propre responsabilité. Cette action est donc le plus souvent engagée par les dirigeants nouvellement nommés, après le départ des anciens.

L’action ut singuli, quant à elle, est ouverte aux associés, qui peuvent agir au nom et pour le compte de la société contre ses dirigeants. Elle permet de réclamer l’indemnisation du préjudice subi par la société. L’article L. 225-252 du Code de commerce consacre ce droit en précisant que « les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit en se groupant, intenter l’action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général ». En matière de SAS, l’article L. 227-8 du même Code prévoit que les règles de responsabilité applicables aux administrateurs et directeurs généraux de SA s’étendent aux présidents et dirigeants de SAS.

b. Sur l’exercice de l’action ut singuli

En principe, seules les personnes habilitées à représenter une personne morale peuvent agir en justice en son nom (Cass. 1re civ., 13 févr. 1979, n° 77-15.851). De même, sauf pouvoir spécial, un associé n'a pas qualité pour agir au nom de la société (Cass. com., 6 déc. 1977, n° 76-11.061 ; Cass. 3e civ., QPC 7 juill. 2022, n° 22-10.447). L’action sociale ut singuli, qui déroge à cette règle, est donc strictement encadrée :

Seuls les associés peuvent l’exercer (C. com., art. L. 225-252 ; Cass. com., 26 janv. 1970, Bull. civ. IV n° 30 ; Cass. com., 9 janv. 2020, n° 19-80.924), que ce soit individuellement ou collectivement, sans condition tenant à la détention d’un pourcentage minimal du capital social. Lorsqu’un associé est une personne morale, son représentant légal agit en son nom. Le liquidateur judiciaire peut également exercer cette action en cas de liquidation, tout comme le ministère public en cas d’intérêt général. Toutefois, l’associé d’une société mère ne peut pas exercer une action ut singuli contre les dirigeants d’une filiale (Cass. com., 13 mars 2019, n° 17-22.128).

L’action engagée par un associé n’est recevable que si la société est régulièrement représentée à l’instance. En cas de conflit d’intérêts entre la société et son représentant légal, un mandataire ad hoc doit être désigné par le juge, à la demande de l’associé ou du représentant légal, voire d’office (C. com., art. R. 225-170 ; pour les SAS, renvoi de l’art. L. 227-1, al. 3 ; Cass. com., 9 nov. 2022, n° 20-19.077).

L’action ut singuli ne peut être dirigée que contre les dirigeants de droit (C. com., art. L. 225-252 ; Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-13.721 ; Cass. com., 29 mars 2017, n° 16-10.016 ; Cass. com., 11 oct. 2023, n° 22-10.271), à l’exclusion des dirigeants de fait.

Elle doit viser des fautes de gestion ayant causé un préjudice à la société.

L’action doit être intentée dans les trois ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation en cas de dissimulation (C. com., art. L. 225-254 ; renvoi pour les SAS par C. com., art. L. 227-8).

c. Sur les conséquences de l’action ut singuli

Lorsque l’action est recevable et que la faute du dirigeant est reconnue, le tribunal peut le condamner à verser à la société des dommages-intérêts correspondant au préjudice réellement subi. L’évaluation du montant tient compte notamment de la gravité de la faute, de la participation des dirigeants et d’éventuels avantages retirés.

En l’espèce, plusieurs éléments suggèrent que M. PAT pourrait exercer une action sociale ut singuli contre le président de la SAS RECYCLETOUT :

M. PAT, en qualité d’associé détenant 25 % du capital, est recevable à agir.

Il vise la responsabilité du président de droit de la SAS RECYCLETOUT.

Son intervention vise à suppléer l’inaction du président.

Il reproche une faute de gestion ayant entraîné une dégradation de l’activité et des résultats de RECYCLETOUT, menaçant son existence.

Ainsi, M. PAT pourrait engager une action sociale ut singuli :

Sur le plan procédural : il devra s'assurer que la SAS RECYCLETOUT soit représentée régulièrement, au besoin par un mandataire ad hoc, et introduire l’action dans le délai de trois ans.

Sur le fond : il lui appartiendra de démontrer que le président a commis des fautes de gestion à l’origine du préjudice subi par la société, pour obtenir sa condamnation à des dommages-intérêts.

2. Sur l’action contre la SA GLOBAL

b. Sur l’impossibilité d’une action ut singuli contre la SA GLOBAL, en sa qualité de dirigeant de fait

L’action ut singuli ne peut être exercée qu’à l’encontre du dirigeant de droit (C. com., art. L. 225-252 ; Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-13.721 ; Cass. com., 29 mars 2017, n° 16-10.016), non contre un dirigeant de fait.

Le dirigeant de fait est celui qui, sans mandat social officiel, dirige effectivement la société, de manière indépendante (C. com., art. L. 244-4 ; Cass. com., 12 juill. 2005, n° 03-14.045 ; Cass. com., 25 janv. 1994, n° 91-20.007 ; Cass. com., 10 janv. 2012, n° 10-28.067). Ce statut pourrait être reconnu à la SA GLOBAL si elle était prouvée avoir dirigé la SAS RECYCLETOUT en lieu et place de ses organes sociaux.

Même en présence d’une telle qualification, une action ut singuli contre la SA GLOBAL serait irrecevable. Toutefois, la SAS RECYCLETOUT pourrait agir en responsabilité contre son dirigeant de fait :

-       soit par l’intermédiaire de son président (hypothèse improbable en l'espèce),

-       soit par un mandataire ad hoc désigné à la demande de M. PAT.

En conclusion, M. PAT ne pourra exercer d’action ut singuli contre la SA GLOBAL. Il pourra seulement solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc afin d'engager une action en responsabilité contre la SA GLOBAL au nom de la SAS RECYCLETOUT.

c. Sur l’absence de devoir de loyauté de la SA GLOBAL, en sa qualité d’actionnaire

Contrairement au dirigeant social, l’associé n’est pas tenu d’un devoir de loyauté envers la société ni de respecter une obligation de non-concurrence, sauf stipulation statutaire ou extrastatutaire contraire, ou comportement fautif de concurrence déloyale (Cass. com., 27 févr. 1996, n° 94-11.241, Vilgrain ; Cass. com., 10 sept. 2013, n° 12-23.888 ; Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-14.407).

En l’espèce, le fait que la SA GLOBAL développe une activité concurrente par l’intermédiaire d’une autre filiale ne constitue pas en soi une faute, en l'absence d’engagement formel de non-concurrence. Seuls des actes de concurrence déloyale pourraient être sanctionnés.

Ainsi, la SA GLOBAL n’est pas tenue d’un devoir de loyauté envers la SAS RECYCLETOUT. Si M. PAT souhaite contester cette situation, il devra démontrer l’existence d’actes constitutifs de concurrence déloyale.

3. Sur l’action en réparation du préjudice personnel subi par M. PAT, en sa qualité d’associé : l’action individuelle

La responsabilité civile d’un dirigeant, qu’il soit de droit ou de fait, peut être mise en cause à titre personnel par un associé au moyen d'une action individuelle. Celle-ci trouve son fondement dans l’article 1240 du Code civil, lequel énonce :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Pour engager cette action, il suffit de démontrer l’existence d’une faute imputable au dirigeant. Cette faute peut consister en une violation des dispositions légales ou réglementaires, une méconnaissance des statuts ou encore un comportement contraire à l’intérêt social. Contrairement aux tiers, l’associé n’a pas à établir une faute séparable des fonctions du dirigeant, comme l’a affirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mai 2007 (Cass. 1re civ., 15 mai 2007, n° 06-12.317).

Toutefois, encore faut-il caractériser un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société elle-même. Sur ce point, la jurisprudence est constante : l’associé ne peut invoquer la perte de valeur de ses titres (Cass. com., 15 janv. 2022, n° 97-10.886), l’insuffisance des dividendes distribués (Cass. 3e civ., 22 sept. 2009, n° 08-18.483) ou encore la dépréciation du patrimoine social (Cass. com., 21 sept. 2004, n° 03-12.663), qui sont autant de préjudices directement liés à la situation de la société, et non propres à l’associé.

En l’espèce, M. PAT, actionnaire minoritaire de la SAS RECYCLETOUT, déplore la dégradation de l’activité et l'absence de dividendes. Néanmoins, cette perte économique est une conséquence directe des difficultés de la société. Même s’il parvenait à établir la faute du président et, potentiellement, celle de la SA GLOBAL, il serait très difficile pour M. PAT de démontrer que son préjudice n’est pas confondu avec celui de RECYCLETOUT.

En conclusion, faute pour M. PAT d'établir un préjudice distinct de celui de la société, l’action individuelle envisagée paraît vouée à l’échec.

B. Dans l’hypothèse où la SAS RECYCLETOUT est placée en liquidation judiciaire

En cas d'aggravation de la situation et d'ouverture d'une liquidation judiciaire, se pose la question de savoir si les dirigeants pourraient être poursuivis pour insuffisance d'actif.

1. Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

L’article L. 651-2, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit :

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. »

Cette action vise à sanctionner les dirigeants dont la mauvaise gestion a directement contribué à l'aggravation du passif. Le délai pour intenter cette action est de trois ans à compter du jugement prononçant la liquidation judiciaire, conformément à l’article L. 651-2, alinéa 4, du Code de commerce.

Or, la situation préoccupante de la SAS RECYCLETOUT, telle que décrite, laisse présager un état de cessation des paiements au sens de l’article L. 631-1 du Code de commerce :

« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. »

Si la restructuration s'avérait insuffisante pour redresser la société, une liquidation judiciaire pourrait être prononcée, en application de l’article L. 640-1 du Code de commerce :

« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »

Il est également utile de rappeler que, même en liquidation judiciaire, l'action ut singuli reste possible tant qu'aucune insuffisance d’actif n'est constatée ou alléguée (Cass. com., 27 juin 2006, n° 05-14.271 ; Cass. com., 28 mars 2000, n° 97-11.533). Mais dès que l’insuffisance d’actif est établie, seule l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif demeure ouverte.

En conclusion, en cas de liquidation judiciaire de la SAS RECYCLETOUT, le liquidateur pourrait engager une action pour insuffisance d’actif contre les dirigeants ayant contribué par leur faute à l'aggravation de la situation financière.

2. Sur les dirigeants de droit et de fait

La spécificité de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est qu’elle peut être dirigée non seulement contre les dirigeants de droit, mais également contre les dirigeants de fait, sans qu’il soit besoin d’établir une faute détachable des fonctions.

Depuis l’adoption de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi "Sapin 2", la simple négligence est désormais insuffisante pour engager la responsabilité des dirigeants. Il faut établir une véritable faute de gestion.

Les sommes recouvrées au titre de cette action sont versées dans le patrimoine de la société en liquidation, et réparties au marc le franc entre les créanciers, permettant de réduire le passif.

Dans le cas de la SAS RECYCLETOUT, tant le président (en sa qualité de dirigeant de droit) que la SA GLOBAL (en tant que dirigeant de fait, si cette qualité est reconnue) pourraient voir leur responsabilité engagée. Toutefois, il est important de noter que cette action ne pourrait être exercée que par le liquidateur judiciaire. M. PAT, en sa qualité d’associé, n’aurait aucun pouvoir d’initiative et, en outre, ne bénéficierait que très indirectement des sommes recouvrées, puisqu’en droit des procédures collectives, les créanciers sont payés en priorité avant les associés.

En conclusion, seule une action en responsabilité pour insuffisance d’actif, initiée par le liquidateur judiciaire, pourrait être dirigée contre le président de la SAS RECYCLETOUT et la SA GLOBAL, sans que M. PAT puisse espérer en tirer un bénéfice direct.

II. Sur la restructuration de la SAS RECYCLETOUT et la convention litigieuse

A. Sur l'effet de la transformation sur le mandat des dirigeants

Confrontée à des difficultés et aux critiques de M. PAT, la SA GLOBAL décide de restructurer la SAS RECYCLETOUT. Elle procède à un nouvel apport de fonds, introduit une raison d’être statutaire (« Plutôt que de jeter, il faut recycler ! RECYCLETOUT s’engage pour l’avenir de la planète, la protection de l’environnement et lutte contre le réchauffement climatique ») et transforme la SAS en SA avec conseil d’administration.

Il convient d’examiner l’effet de cette transformation sur les mandats de M. PAT et d’un autre administrateur, ainsi que sur l’application éventuelle de la clause statutaire prévoyant une indemnité « en cas de révocation pour toute autre cause qu’une faute grave ».

1. Sur la cessation des fonctions des dirigeants

La transformation d’une société entraîne, par principe, la cessation automatique des fonctions des dirigeants, les anciens organes disparaissant au profit des nouveaux (Cass. com., 22 mai 1973, n° 71-12.731).

2. Sur la qualification de cette cessation

Cette cessation ne constitue ni une révocation ni une démission ; elle est la simple conséquence mécanique de la transformation (Cass. com., 22 mai 1973, préc.). Il en va de même dans le passage d’une SA moniste à une SA dualiste ou lors d’un changement de mode de direction sans transformation (Cass. com., 4 avr. 2024, n° 22-19.991). Toutefois, si la transformation vise exclusivement à évincer un dirigeant, elle pourrait être requalifiée en révocation déguisée (Cass. com., 4 avr. 2024, préc.).

En l’espèce, la transformation entraîne la cessation des mandats existants sans qu'il soit caractérisé une révocation. La clause statutaire prévoyant une indemnité pour révocation n’a donc pas vocation à s’appliquer. De surcroît, rien n'indique que la transformation poursuive pour seul objectif d'évincer les dirigeants.

En conclusion, M. PAT et l'autre administrateur perdent leur mandat sans pouvoir prétendre à une indemnité. Leur maintien au sein du conseil suppose une désignation régulière selon les règles applicables aux SA.

B. Sur la remise en cause du contrat de location des camions à moteur thermique

Les mesures de redressement permettent à la SA RECYCLETOUT de retrouver une situation bénéficiaire. M. PAT revend sa participation à un FONDS orienté vers l’investissement vert. Ce dernier reproche aux dirigeants de ne pas atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, pointant notamment la location de camions à moteur thermique auprès d’une société dirigée par un administrateur de la SA RECYCLETOUT.

Il convient de déterminer si ce contrat peut être remis en cause, soit pour non-respect de la procédure des conventions réglementées, soit pour contrariété à la raison d’être statutaire.

1. Sur le non-respect de la procédure des conventions réglementées

Sont soumises à la procédure des conventions réglementées les conventions conclues entre la société et l'un de ses dirigeants ou certains de ses actionnaires (C. com., art. L. 225-38).

Cette procédure impose une double validation :

-       Une autorisation préalable du conseil d’administration (C. com., art. L. 225-38 et L. 225-40) ;

-       Une approbation ultérieure par l’assemblée générale.

En cas de non-respect de l'autorisation préalable, la convention peut être annulée si elle a causé un préjudice à la société (C. com., art. L. 225-42). À défaut de respect de la seule approbation par l’assemblée, la convention reste valable sauf en cas de fraude, et la responsabilité des dirigeants peut être engagée.

En l’espèce, le contrat de location entre la SA RECYCLETOUT et une société dirigée par un administrateur relève des conventions réglementées. La procédure devait être respectée :

-       Si l’autorisation préalable du conseil d'administration fait défaut, le contrat est annulable sous conditions ;

-       Si seule l'approbation de l’AG manque, seule la responsabilité des dirigeants peut être engagée.

2. Sur la contrariété de la convention litigieuse à la raison d’être statutaire

Aux termes de l'article 1835 du Code civil, les statuts peuvent préciser une raison d’être. Le conseil d'administration doit la prendre en considération dans ses décisions (C. com., art. L. 225-35).

Toutefois, une violation de la raison d’être ne suffit pas à obtenir l’annulation d’une convention conclue avec un tiers ; seul l’engagement de la responsabilité civile des dirigeants est envisageable, sous réserve de démontrer une faute de gestion.

En l’espèce, même si la location de camions thermiques apparaît contraire à la raison d’être de la SA RECYCLETOUT, seule la responsabilité des administrateurs fautifs pourrait être engagée.

III. Sur la cession du fonds de commerce à M. PAT

M. PAT acquiert le fonds de commerce de matériels agricoles de M. RENOUARD, séduit par l’existence d’un contrat de distribution avec la société AGRI AND CO.

Après la cession, il découvre que le stock de matériels a été récupéré par M. RENOUARD.

AGRI AND CO refuse d’honorer ses commandes. Il convient d’analyser ces deux déconvenues.

A. Sur les stocks

1. Définition et composition du fonds de commerce

Le fonds de commerce regroupe des éléments corporels (matériels, marchandises) et incorporels (clientèle, nom commercial, droit au bail), mais exclut créances et dettes.

La cession peut porter sur tout ou partie de ces éléments. En principe, sauf stipulation expresse, elle n'inclut pas nécessairement les stocks, sauf si ceux-ci sont essentiels à la clientèle.

2. Sur la cession des stocks

En l’espèce, l’acte de cession doit être examiné :

S'il inclut les stocks expressément ou par une mention générale sur les marchandises, M. RENOUARD n’était pas fondé à les récupérer ;

À défaut, leur conservation est légitime.

B. Sur le contrat de distribution

1. Principe de la non-transmission automatique

Par principe, les contrats en cours ne se transmettent pas lors de la cession du fonds de commerce, sauf disposition légale spécifique (bail commercial, contrat de travail).

Le contrat de distribution, même essentiel à l’activité, ne déroge pas à cette règle (Cass. com., 19 oct. 2022, n° 21-16.169).

2. Exception de la clause de transmission automatique

Seule une clause contractuelle prévoyant explicitement la transmission au cessionnaire pourrait lier AGRI AND CO à M. PAT (Cass. com., 25 oct. 2023, n° 21-20.156).

En l’espèce, en présence d’une telle clause, AGRI AND CO serait tenue de poursuivre ses relations contractuelles avec M. PAT ;

À défaut, son refus est légitime.