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EXERCICE I – LES ÉPOUX GUÉTES
A. Modalités d’imposition des loyers perçus et alternatives possibles
Préalablement, il convient de rappeler que les appartements appartiennent à la SARL Guétes, laquelle agit comme bailleur et encaisse donc directement les loyers, et non les époux Guétes.
En principe, une SARL est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) conformément à l’article 206 du code général des impôts (CGI), et ce, quelle que soit son activité, contrairement à l’EURL. Toutefois, par exception, les SARL de famille bénéficient d’un régime spécifique prévu par l’article 239 bis AA du CGI : elles peuvent opter pour le régime des sociétés de personnes (article 8 du CGI) si certaines conditions sont réunies.
Trois conditions cumulatives doivent être respectées :
(i) Les associés doivent appartenir à la même famille (frères, sœurs, conjoints, partenaires liés par PACS).
(ii) La société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole.
(iii) Tous les associés doivent consentir à l’option.
Sur la seconde condition, il est précisé que la location nue est soumise aux règles des revenus fonciers (CGI, art. 14), alors que la location meublée est assimilée à une activité commerciale relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) (CGI, art. 35, 5 bis), qu’elle soit exercée de manière habituelle ou occasionnelle.
Ainsi, une SARL de famille exerçant une activité de location meublée est bien éligible à ce régime fiscal particulier.
Dans le cas présent :
(i) Les associés, les époux Guétes, sont mariés, remplissant la première condition.
(ii) La SARL met en location des appartements meublés, activité qualifiée de commerciale, remplissant la seconde condition.
Il leur est donc possible, d’un commun accord, d’opter pour le régime des sociétés de personnes.
En définitive, deux régimes d’imposition sont envisageables :
(1) Maintenir l’imposition à l’IS ;
(2) Opter pour le régime des sociétés de personnes prévu à l’article 8 du CGI.
1. Hypothèse où la SARL reste soumise à l'impôt sur les sociétés
À défaut d’option exercée par les associés, la SARL Guétes resterait soumise à l’impôt sur les sociétés conformément à l’article 206 du CGI.
Les loyers perçus par la société n’auraient alors aucune incidence immédiate sur l’impôt sur le revenu des époux, la charge fiscale reposant entièrement sur la SARL au titre de son résultat fiscal.
Les associés ne subiraient une imposition personnelle qu’en cas de distribution de dividendes.
Ces derniers seraient, par principe, soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux global de 30 % selon l’article 117 quater du CGI (soit 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux).
Cependant, les époux auraient la possibilité d’opter pour l’imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu en application de l’article 200 A du CGI.
Dans cette configuration, ils bénéficieraient d’un abattement de 40 % sur les dividendes distribués (sous réserve que la distribution soit décidée en assemblée générale et que la société soit française), les frais et charges relatifs seraient déductibles, les déficits antérieurs sur les revenus de capitaux mobiliers seraient imputables sur les revenus de même nature, et une fraction de la CSG afférente resterait déductible du revenu global.
2. Hypothèse où la SARL opterait pour le régime des sociétés de personnes
Si les associés choisissaient d’opter pour le régime des SARL de famille, la SARL Guétes relèverait alors du régime fiscal des sociétés de personnes.
En application de l’article 8 du CGI, chaque associé serait personnellement imposé à l’impôt sur le revenu pour la quote-part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société.
Le bénéfice est considéré comme acquis à l’associé dès la clôture de l’exercice social, indépendamment de toute distribution.
Ainsi, le résultat de la SARL, constitué exclusivement des loyers, impacterait directement la fiscalité personnelle des époux.
N'étant pas concernés par les cas visés à l’article 238 bis K I du CGI, leur quote-part de bénéfice serait déterminée en tenant compte de la nature de l’activité exercée.
En l’occurrence, la SARL mène une activité de location meublée, classée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Le résultat imposable de la société devra être établi selon les règles des BIC avant d’être réparti entre les deux associés.
Conformément à l’article 50-0 du CGI, les SARL soumises au régime des sociétés de personnes sont exclues du régime des micro-BIC (sauf cas particulier des SARL unipersonnelles dirigées par l'associé unique).
Dès lors, la détermination du résultat imposable s’effectuera selon les règles du régime réel.
Dans le cas d’espèce, le résultat sera partagé par moitié entre Madame et Monsieur Guétes. Cependant, en raison de leur mariage, les sommes seront globalisées et soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Compte tenu d’un loyer mensuel de 1 000 euros par appartement et de trois appartements loués, le chiffre d’affaires annuel de la SARL s’élèverait à 36 000 euros.
Pour établir le résultat imposable, il conviendra de déduire notamment :
- certaines charges de copropriété et impôts locaux, tels que la taxe foncière ;
- les intérêts d’emprunt ;
- les dotations aux amortissements sur les appartements.
B. Conséquences en matière de fiscalité patrimoniale
Les époux s’interrogent également sur l’incidence de leur nouvelle situation en matière de fiscalité du patrimoine privé.
La question étant limitée à la fiscalité patrimoniale des particuliers, seules deux impositions sont pertinentes : l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la taxe foncière sur les propriétés bâties.
La propriété des biens appartenant à la SARL, c’est cette dernière qui reste redevable de la taxe foncière, conformément à l’article 1400 du CGI. Cette charge est déductible du résultat fiscal de la SARL. Les époux ne seront donc redevables de la taxe foncière que pour leur résidence principale.
Concernant l'IFI, selon l'article 964 du CGI, il s'agit d’un impôt annuel évalué au 1er janvier de l'année d'imposition. Il est dû par les personnes physiques possédant un patrimoine immobilier net supérieur à 1 300 000 euros.
Les couples mariés sont soumis à une imposition commune.
Dans le cas d’espèce, Monsieur et Madame Guétes doivent additionner la valeur de leur résidence principale et celle des parts sociales de la SARL représentant les trois appartements.
La résidence principale est estimée à 1 000 000 euros, mais bénéficie d’un abattement de 30 %, ce qui ramène sa valeur imposable à 700 000 euros.
La valeur brute des parts de la SARL Guétes s’élève à 750 000 euros (3 x 250 000 €), dont il faut déduire un emprunt de 150 000 euros, soit une valeur nette de 600 000 euros.
Ainsi, la valeur brute totale des biens imposables atteint 1 300 000 euros (700 000 + 600 000).
Pour obtenir l’assiette nette imposable, il conviendra de tenir compte des dettes afférentes aux biens imposables au 1er janvier, conformément à l’article 974 du CGI.
Parmi les passifs déductibles figurent notamment les impôts dus à raison des propriétés, comme la taxe foncière et l'IFI théorique.
Même en intégrant ces passifs, et à défaut de précision sur le montant de la taxe foncière, il apparaît que la valeur nette du patrimoine des époux Guétes resterait inférieure au seuil d’assujettissement de 1 300 000 euros.
Ils ne seraient donc pas redevables de l’IFI au titre de l’année 2024.
EXERCICE II – LA SOCIÉTÉ F
A. Création d'un groupe fiscalement intégré par A.F. : périmètre envisageable
Le régime de l'intégration fiscale permet à une société mère, dite « tête de groupe », de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés pour l'ensemble des résultats réalisés par elle-même et ses filiales.
L’article 223 A du CGI fixe les conditions d’application de ce régime. Ces conditions concernent à la fois (i) la société mère et (ii) ses filiales.
(i) Conditions tenant à la société mère
La société tête de groupe doit être imposée à l’IS dans les conditions de droit commun et ne doit pas être détenue, directement ou indirectement, à hauteur de 95 % ou plus par une autre société elle-même soumise à l’IS en France.
Pour constituer un groupe intégré, la société mère doit détenir au moins 95 % du capital (droits de vote et droits financiers) de ses filiales, en pleine propriété, de manière continue tout au long de l’exercice.
Le périmètre d’intégration est laissé à la discrétion de la société mère : elle peut choisir d’intégrer toutes les sociétés éligibles ou seulement certaines d’entre elles.
Toutefois, l’accord formel de chaque filiale est nécessaire pour leur intégration.
Chaque année, ce périmètre peut être ajusté.
(ii) Conditions tenant aux filiales
Seules peuvent être membres d’un groupe intégré les sociétés soumises à l’IS en France selon le droit commun, ayant un exercice comptable de 12 mois clos à la même date que celui de la tête de groupe.
La nature de l’activité exercée par les sociétés n’a, en revanche, aucune incidence.
L'article 223 A du CGI permet également d'intégrer indirectement des filiales françaises détenues via des sociétés étrangères implantées dans l’Union européenne ou l’Espace économique européen, sous réserve du respect de l'ensemble des autres conditions.
Cette ouverture est issue de la jurisprudence « Papillon » (CJCE, 27 novembre 2008), qui a conduit à admettre que le chaînage capitalistique entre sociétés du groupe puisse passer par des sociétés étrangères qualifiées de « sociétés intermédiaires ».
Bien que ces sociétés ne puissent intégrer le groupe fiscal en raison de la territorialité de l’impôt, elles doivent remplir des conditions similaires à celles exigées des sociétés françaises pour être reconnues comme « intermédiaires ».
L’option pour le régime d’intégration fiscale est exercée pour cinq exercices, renouvelable tacitement.
Application au cas d’espèce
La société IT, de droit italien et exerçant son activité en Italie, ne peut intégrer le groupe, faute d’être assujettie à l’IS français.
Il en va de même pour la société B, située en Belgique.
La société F2, en revanche, satisfait à toutes les conditions et pourra être intégrée au groupe.
Concernant la société F3, bien qu’elle soit détenue à 95 % par la société italienne IT, elle est en réalité détenue à 100 % par la société F.
La société IT remplissant les critères pour être qualifiée de « société intermédiaire » (société de capitaux soumise à un impôt comparable à l’IS), la détention indirecte par F est reconnue.
En vertu de la jurisprudence « Papillon », la société F3 pourra donc être intégrée dans le groupe.
La société F4 est une SNC relevant, en principe, du régime fiscal des sociétés de personnes (articles 8 et 206 du CGI) et non de l’IS.
Elle ne pourrait intégrer le groupe que si elle opte expressément pour l’assujettissement à l’IS, ce qui n’est pas précisé dans l’énoncé.
À défaut, il existe une situation d’« intégration sauvage », compte tenu de la participation de 95 % détenue par la société F, mais la SNC ne pourra être formellement intégrée sans option pour l’IS.
En conclusion, le groupe fiscal pourra être constitué autour des sociétés suivantes : F, F2 et F3.
B. Utilisation éventuelle du déficit de la société B par la société F
La société B, confrontée à des pertes récurrentes depuis plusieurs années, se trouve aujourd'hui dans une situation financière particulièrement critique, au point que, faute de solution viable, une liquidation judiciaire paraît inévitable.
Dans ce contexte, la société F s'interroge sur la possibilité d’exploiter les déficits accumulés par B afin d’optimiser son propre résultat fiscal.
En principe, en application de l'article 209 du Code général des impôts (CGI), seuls les résultats des entreprises exploitées en France sont soumis à l'impôt sur les sociétés français.
De surcroît, le régime de l'intégration fiscale est strictement réservé aux sociétés ou établissements stables assujettis à cet impôt en France.
À ce titre, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que la liberté d’établissement n'interdit pas à un État membre de limiter l'intégration fiscale aux seules sociétés résidentes, à condition que les bénéfices de ces sociétés soient effectivement imposables dans cet État.
En d'autres termes, il n'est pas possible, dans le cadre d'une intégration fiscale, d'imputer sur le résultat d'une société mère française les déficits d'une filiale étrangère.
Toutefois, la jurisprudence européenne a progressivement admis, sous conditions strictes, la possibilité d'imputer les pertes dites « définitives » de filiales européennes.
Dans l'arrêt Marks & Spencer (2005), la CJUE a reconnu qu'une société peut, à titre exceptionnel, déduire les pertes subies par une filiale établie dans un autre État membre, à condition de démontrer que la filiale a épuisé toute possibilité d'utilisation de ses pertes, tant sur ses bénéfices passés que futurs, et qu'aucun tiers ne pourrait les valoriser, notamment par acquisition.
Cette notion de « pertes définitives » est interprétée de manière particulièrement restrictive.
Depuis les arrêts Memira et Holmen (2019), la CJUE rappelle que l’impossibilité d'utiliser les pertes doit être démontrée de manière précise : il ne suffit pas que le droit interne de l'État d'implantation n'autorise pas leur transfert ; il appartient à la société mère de prouver que, même par la cession de la filiale, aucune valorisation ne serait possible.
Les juridictions françaises, après une certaine résistance, appliquent désormais cette exception avec rigueur.
Toutefois, la Cour administrative de Paris a récemment jugé que l'administration ne saurait exiger la démonstration d'une impossibilité « absolue » de valoriser les pertes par cession à un tiers, reconnaissant ainsi la déductibilité de pertes lorsque :
- la filiale a affiché des pertes récurrentes sur plusieurs exercices avant sa liquidation,
- la société mère justifie de démarches actives, mais vaines, pour trouver un repreneur,
- l’acquisition du seul portefeuille d’actifs de la filiale ne permet pas au cessionnaire de déduire les pertes correspondantes,
- et la liquidation de la filiale a conduit à l'extinction totale de ses activités et de ses actifs.
Dans la situation présente, la société B, implantée en Belgique, n’est pas soumise à l’impôt français.
Par conséquent, la société F ne pourra pas, au titre du régime de l'intégration fiscale, utiliser directement les déficits accumulés par B pour réduire son propre résultat imposable.
Toutefois, à titre exceptionnel, et sous réserve de démontrer l’impossibilité totale d'imputer ces pertes en Belgique, notamment après liquidation judiciaire, la société F pourrait envisager de faire valoir cette déduction sur le fondement de la jurisprudence Marks & Spencer.
C. Risque fiscal lié à l'acquisition des biens de la société IT par la société F2 à un prix majoré
La société IT, également confrontée à des difficultés financières, n’est pas (encore) en cessation de paiements, mais ses résultats sont nettement déficitaires.
Dans ce contexte, le groupe F a envisagé de faire acheter par sa filiale française F2 les biens produits par IT à un prix supérieur à leur valeur de marché.
Cette opération n’est pas neutre sur le plan fiscal.
En effet, conformément à l’article 57 du CGI, l'administration fiscale peut contrôler les « prix de transfert » pratiqués entre sociétés dépendantes établies dans des États différents, lorsqu’il en résulte un transfert indirect de bénéfices.
Selon cet article, lorsqu'une entreprise française est sous la dépendance ou contrôle une société étrangère, l’administration peut réintégrer dans son résultat imposable les bénéfices transférés à l’étranger par le biais d'une manipulation des prix d'achat ou de vente.
Le transfert peut prendre diverses formes : surévaluation ou sous-évaluation des prix, mais également toute autre modalité ayant pour effet de réduire artificiellement le résultat imposable en France.
Il s'agit d'une présomption simple : la société française a la possibilité de combattre la rectification en apportant la preuve que la transaction n’a pas été conclue à son détriment.
Dans le cas d’espèce :
Les sociétés F2 et IT appartiennent au même groupe : la première condition d'application de l'article 57 est donc remplie.
De plus, F2 est établie en France et IT en Italie : la seconde condition tenant à l'implantation dans des États différents est également satisfaite.
Par conséquent, les transactions entre F2 et IT relèvent bien du champ de l’article 57.
La pratique consistant à acheter des biens à un prix supérieur à leur valeur de marché est susceptible d’être requalifiée par l’administration comme un transfert indirect de bénéfices au profit de la société italienne IT.
En cas de contrôle, si l'administration parvient à établir une surévaluation manifeste des prix et l’existence de liens de dépendance, les bénéfices indûment transférés pourraient être réintégrés dans le résultat fiscal de F2.
La société française pourrait tenter de renverser cette présomption en démontrant que la surévaluation n'a pas eu d'impact négatif sur son propre résultat, mais cette démonstration est en pratique délicate.