Arrêt du 1er décembre 2020, contrôle judiciaire, liberté de la preuve, loyauté de la preuve, légalité de la preuve, irrecevabilité d'une preuve, droit au procès équitable
Suite à un rassemblement, des vidéos montrant l'adjoint au chef de cabinet du président de la République portant un casque de CRS et mettant des coups à un homme ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Le concerné a été mis en examen judiciaire avec l'interdiction d'entrer en contact avec les autres mis en examen.
Par la suite, un article publié sur le site Médiapart révèle l'existence d'une rencontre entre l'accusé et un gendarme réserviste présent lors des faits, également mis en examen dans cette affaire et donc la violation des obligations de leur contrôle judiciaire. Est joint à cet article des extraits sonores de leur conversation.
Les journalistes du site ont accepté de remettre aux enquêteurs les originaux des fichiers audio pour qu'ils en fassent une transcription, mais ont invoqué leur droit à la protection des sources journalistiques pour ne pas révéler les conditions d'obtentions des enregistrements.
Le service central de la police technique et scientifique rend un rapport concluant que les extraits sonores ont été édités par un logiciel en libre accès sur Internet et qu'aucun élément sur l'origine des enregistrements litigieux n'a pu être décelé.
[...] Doit-elle faire primer la protection des droits au procès équitable et appliquer dans la continuité de la jurisprudence l'obligation de loyauté et de légalité de la preuve puisque rien ne peut écarter la participation d'une autorité publique dans la recherche de la preuve. Ainsi, elle écarterait de la procédure lesdites preuves. À l'inverse, doit-elle se concentrer uniquement sur le fait que les journalistes qui ont fourni les extraits audio originaux aux enquêteurs sont des parties privées et donc leur appliquer le principe de la liberté de la preuve sans se soucier de l'origine incertaine des enregistrements et donc les considérer comme valables et les inclure à l'instruction du procès ? [...]
[...] Cependant certaines preuves même illégales peuvent être accueillies aussi bien devant les juridictions nationales qu'internationales. C'est le cas depuis un arrêt CEDH Schenkde de 1988. En droit pénal spécifiquement, le principe de la liberté de la preuve s'applique tout particulièrement aux parties privées qui ne sont d'ailleurs pas soumises au principe de légalité de la preuve, elles peuvent dans l'encadrement de la jurisprudence fournir des preuves illégales et recourir à des moyens illicites pour obtenir des preuves déterminantes pour le soutien de leurs prétentions au procès. [...]
[...] D'un point de vue plus pratique, la solution est inquiétante, car elle pourrait conduire à des dérives, notamment des détournements de procédure de la part de certains enquêteurs. En effet en suivant le raisonnement de la Cour de cassation et en appliquant cette solution, il suffirait à un agent public ayant recueilli une preuve de façon déloyale de la partager anonymement avec un journaliste pour qu'il le publie dans la presse et invoque son droit de protection de sa source pour que la preuve soit blanchie et puisse être versée à la procédure grâce au principe de la liberté de la preuve. [...]
[...] De ce fait, c'est le régime de la liberté de la preuve qui devrait être appliqué au cas de l'espèce. C'est pour cette raison que la Cour de cassation dans son arrêt en date du 1er décembre 2020 motive sa décision et le rejet du pourvoi en insistant sur le fait que « Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que les impératifs de loyauté et de légalité de la preuve ne s'appliquent pas aux journalistes, qui sont des personnes privées, tiers au procès ». [...]
[...] La chambre d'instruction de la cour d'appel avait rejeté la demande du collaborateur du président de la République et écarté son moyen de nullité. Elle avait déclaré les fichiers audio de sa rencontre illégale avec un autre mis en examen dans l'affaire Benalla recevables à la procédure en écartant les principes de légalité et de loyauté de la preuve. Les juges de seconds degrés avaient considéré que ces obligations ne s'appliquaient pas aux journalistes, parties privées qui avaient transmis les pièces aux enquêteurs. [...]
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