Arrêt du 26 juin 1991, nature juridique d'un bien, meuble, immeuble, stipulation contractuelle, clause de réserve de propriété
En l'espèce un couple propriétaire d'un immeuble conclu avec une société un contrat de location-vente leur permettant d'obtenir un prêt moyennant chaque mois une redevance, et ce, dans le but de faire installer plusieurs vérandas sur l'immeuble en question. Quelques mois plus tard, le couple demande l'annulation du contrat et le remboursement des mensualités déjà versées.
La Cour d'appel les déboute de leur demande le 8 juin 1989 au motif qu'ils ne sont pas propriétaires des vérandas, puisqu'au regard de la clause de réserve de propriété, il aurait fallu que le prêt soit remboursé en sa totalité pour que le couple se voie attribuer la qualité de propriétaire des vérandas.
[...] Pour répondre à la question qui aurait finalement dû se poser dans cet arrêt, il semblerait qu'aujourd'hui on y trouve la réponse à l'article 2370 du Code civil qui précise, depuis la réforme du 23 mars 2006, que « l'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ». Mais puisque le problème était mal posé il n'est pas certain qu'avec l'application de ce texte à l'arrêt d'espèce la solution aurait été vraiment différente. [...]
[...] Cette décision a tout de même été largement critiquée des doctrinaires dont Frédéric Zenati qui écrivait « On ne voit pas en quoi la non-appartenance des vérandas pouvait s'opposer à l'annulation du contrat », pour lui cette décision menant à la détermination de la nature juridique des vérandas n'avait pas de rapport avec la demande des requérant : l'annulation du contrat. Cette décision de la cour d'appel, finit par être cassée par la Cour de cassation qui décide que celle-ci n'avait en aucun cas à se rapporter aux stipulations contractuelles des parties mais uniquement à la loi pour déterminer la nature juridique d'un bien. II. [...]
[...] La loi donne certes des pistes, encore faut-il que les éléments de l'espèce s'y rattache, et la seule précision dont disposait la cour d'appel était que le chantier qui avait pour but la pose des vérandas n'était pas totalement achevé, et au regard de l'article 532 du code civil « Les matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ceux assemblés pour en construire un nouveau, sont meubles jusqu'à ce qu'ils soient employés par l'ouvrier dans une construction. ». La Cour a alors pu en déduire que les vérandas encore non posées constituent des meubles. La Cour d'appel aurait également pu se faire épauler par la jurisprudence, mais cette dernière n'a jamais été face à un tel cas non plus et n'a donc jamais pu se prononcer sur la nature juridique des vérandas avant ce jour. [...]
[...] Le couple se pourvoi alors en cassation. Dès lors la question posée à la Cour de cassation était de savoir si la convention des parties pouvait avoir une incidence sur la nature juridique d'un bien. La troisième chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative et casse et annule la décision rendue par la Cour d'appel au motif que seule la loi peut qualifier la nature mobilière ou immobilière d'un bien, en conséquence la convention des parties n'a aucune incidence sur cette qualification. [...]
[...] Mais plus loin dans son analyse il précise que « Le principe de l'interdiction de déterminer par voie conventionnelle la nature mobilière ou immobilière d'un bien n'en est pas moins posé et il est préoccupant. », en effet une bonne part de la doctrine à considérer cette affirmation de la cour de cassation comme une atteinte à l'autonomie de la volonté. Ce point de vue doit être immédiatement nuancé dès lors que le principe de la liberté contractuelle implique que le contenu du contrat est certes déterminé par les parties mais uniquement sous réserve du respect de l'ordre public et des lois « impératives » s'imposant au cocontractant. [...]
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