Avant-contrat, pacte de préférence, article 1123 du Code civil, dommages et intérêts, préjudice, contrat de vente, substitution
Mme Piéchut est propriétaire d'une maison ancienne dans le village de Clochemerle. M. Tronchet, son voisin, se montre intéressé par ce bien. En effet, s'il réunissait son terrain et celui de Mme Piéchut, il se trouverait alors propriétaire d'un domaine important. Au cours d'une conversation informelle, Mme Piéchut est mise au courant de ce projet mais n'envisage pas de vendre sa maison dans l'immédiat. Elle consent néanmoins à la proposer en priorité à M. Tronchet en cas de vente. Cet engagement est formalisé par écrit dans les jours qui suivent.
Quelques années plus tard, le moment de sa retraite arrivé, Mme Piéchut quitte le village pour couler des jours heureux sur la Côte d'Azur. M. Tronchet est alors très déçu de constater que l'achat de la maison lui a échappé puisque le bien ne lui a jamais été proposé, mais a été acquis par M. Tafardel. Celui-ci habitait depuis longtemps à quelques dizaines de mètres de là, mais il était jusqu'alors locataire et cherchait à acheter dans le village. M. Tronchet est d'autant plus contrarié que M. Tafardel savait qu'il se sentait à l'étroit dans sa propriété et qu'ils avaient déjà discuté autour d'un café de l'accord passé avec Mme Piéchut.
[...] Tronchet pourra avec certitude faire valoir son pacte de préférence auprès du juge afin d'obtenir des dommages et intérêts au titre du préjudice qui découle de son non-respect par Mme Piéchut. Cependant, à défaut de pouvoir produire suffisamment d'éléments de preuve et à moins d'obtenir confirmation par M. Tafardel de sa connaissance préalable du pacte ainsi que de la volonté de M. Tronchet de le faire valoir, il semble difficile d'obtenir la nullité du contrat de vente tout comme la substitution de M. Tronchet à M. Tafardel. Il est donc à craindre que M. [...]
[...] En revanche, la volonté de M. Tronchet de mettre en ?uvre ce contrat n'apparaît pas clairement. Hormis le fait que M. Tafardel « savait [que M. Tronchet] se sentait à l'étroit dans sa propriété », il n'est pas évident qu'au moment de la vente, M. Tafardel ait su que M. Tronchet serait toujours intéressé. Par ailleurs, dans le cas où M. Tafardel nierait les faits rapportés par M. Tronchet, la question de la preuve de cette double connaissance (et du pacte de préférence en lui-même, et de la volonté de M. [...]
[...] Dans ce cas, trois options peuvent être envisagées par le bénéficiaire du pacte lésé : il peut demander réparation du préjudice subi, mais peut également demander la nullité ou la substitution de sa personne au tiers dans le contrat de vente. Cependant, les deux dernières options mentionnées sont conditionnées à deux éléments cumulatifs : il faut que le tiers ait eu la connaissance de l'existence du pacte, ainsi que la connaissance de « l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ». En l'espèce, le pacte de préférence a bien été rompu, Mme Piéchut ayant cédé son bien à M. Tafardel sans le proposer, comme prévu dans le contrat, à M. Tronchet. Que peut alors faire ce dernier ? [...]
[...] La question de l'évaluation de ce préjudice suppose de sa part la production de preuves. La circonstance que son bien actuel soit voisin du bien cédé, que M. Tronchet soit « à l'étroit » dans celui-ci et qu'il ait attendu plusieurs années pour obtenir ce bien pourra sûrement jouer en sa faveur à cet égard. En revanche, M. Tronchet peut-il également demander la nullité de ce contrat de vente, ou bien se substituer à M. Tafardel dans ce contrat afin de devenir propriétaire du bien à sa place ? [...]
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