Responsabilité du médecin, médecine du travail, principe d'immunité, médecin salarié, fait générateur, responsabilité médicale, qualification pénale, intention de nuire, responsabilité personnelle, immunité civile
En l'espèce, un salarié (M. F) est reconnu invalide en janvier 2005 après avoir été placé en arrêt maladie en janvier 2002. Il est mis à la retraite en février 2010 alors qu'il est âgé de soixante ans. M. F saisit le juge du tribunal de grande instance pour solliciter l'indemnisation du préjudice qu'il avait subi du fait de tromperies et de défaut de soins de la part du médecin salarié (Mme D.) qui exerçait au sein de la même entreprise.
Par un arrêt en date du 16 novembre 2017, la Cour d'appel de Metz déclare irrecevable les demandes d'indemnisation formées par M. F contre le médecin du travail. Selon elle, les médecins du travail se trouvent dans une situation particulière puisqu'ils sont subordonnés vis-à-vis de leurs employeurs. En tant que préposé, le médecin salarié bénéficie d'une immunité, sauf en ce qui concerne les actes de harcèlement moral et celui de violation du secret professionnel. Par conséquent, la Cour d'appel ne retient pas l'existence d'une faute intentionnelle du médecin du travail pour les faits qui sont reprochés par le salarié.
[...] Cependant, ce n'est plus le cas aujourd'hui et depuis l'arrêt de 2004 précité, la Cour de cassation a reconsidéré sa position en appliquant ce principe d'immunité civile du préposé au domaine médicale. Ce revirement jurisprudentiel se justifie pleinement. Il n'y a pas de raison d'opérer la distinction entre les médecins salariés et les autres préposés : tous deux sont soumis à des contraintes relatives à l'organisation de leur travail tout en agissant pour le compte du commettant et dans l'intérêt de celui-ci. [...]
[...] La Cour de cassation avait ainsi pu juger que « le préposé titulaire d'une délégation de pouvoir, auteur d'une faute qualifiée au sens de l'article 121-3 du Code pénal, engage sa responsabilité civile à l'égard du tiers, victime de l'infraction, celle-ci fût-elle commise dans l'exercice de ses fonctions » (Cass. crim décembre 2013). Ainsi, si le médecin du travail salarié voit en l'espèce sa responsabilité civile personnelle engagée pour les faits de harcèlement moral et de violation du secret professionnel revêtant la qualification pénale, il bénéficie du principe de l'immunité du préposé pour ce qui concernerait tous les autres griefs et en l'absence de faute intentionnelle. [...]
[...] Le préposé en tout état de cause ne pouvait pas appeler son commettant en garantie ou exercer une action récursoire. Le commettant quant à lui, pouvait se retourner toujours contre le préposé fautif. La jurisprudence a modifié ce cas de figure depuis une décision de l'Assemblée plénière Costedoat en date du 25 février 2000, que l'arrêt en l'espèce reprend. La Cour de cassation rappelle en l'espèce sa jurisprudence en vertu de laquelle « n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». [...]
[...] La Cour avait ainsi pu juger que « le préposé qui poursuit la réparation du préjudice que lui aurait personnellement causé un tiers, lui-même cocontractant de son commettant peut se voir opposer sa propre faute par ce tiers » (Cass. com décembre 2013). Par ailleurs, cet arrêt s'inscrit dans un revirement jurisprudentiel puisque l'immunité personnelle du préposé a pendant longtemps, trouvé à s'appliquer dans le domaine médical. Aux lendemains de la jurisprudence Costedoat de 2000, la Cour de cassation avait refusé d'appliquer l'immunité civile dans ce domaine en raison de l'indépendance qui bénéficie à certains médecins dans le cadre professionnel. Ainsi, le médecin demeurait responsable personnellement. [...]
[...] On perçoit déjà la grande proximité entre ces termes de « commettant » et « préposé » et ceux d'employeur et de salarié employés par cet arrêt et utilisés par le droit du travail. Le commettant est en réalité, l'employeur et le préposé est le salarié. Les termes de commettant et préposé restent néanmoins plus larges que ceux d'employeur/ salarié et la relation commettant/ préposé peut tout aussi bien exister en dehors des relations de travail. Par ce régime de responsabilité, le commettant serait tenu envers les tiers d'une obligation d'endosser les actes dommageables commis par son préposé. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture