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Commentaire d'arrêt exemple en droit civil - L'arrêt Oxygène liquide (Cour de cassation, 2e chambre civile, 5 janvier 1956)

Cet arrêt Oxygène liquide rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 5 janvier 1956, concerne le principe général de la responsabilité du fait des choses et sa consécration jurisprudentielle en droit français.

L'arrêt Oxygène liquide (Cour de cassation, 2e chambre civile, 5 janvier 1956)

Credit Photo : Unsplash Moo Shua

En l’espèce, une société dénommée Oxygène liquide expédie des bouteilles contenant de l’oxygène, mais une explosion se produit lors du transport, blessant deux employés sous des circonstances inconnues. Cet événement donne alors lieu à une demande des deux victimes en réparation de leur préjudice, qui est rejetée par le Tribunal de Première instance. Les deux interjettent alors appel auprès de la Cour d’appel de Poitiers, qui rend un arrêt en 1952. Cet arrêt déboutant encore les deux victimes de leur réparation, ils se pourvoient devant la Cour de cassation qui décide finalement de casser l’arrêt pour manque de base légale.

Comment le principe de la responsabilité du fait des choses a-t-il été posé en droit ? Et quelles en sont les conditions d’application ?

D’après la décision rendue par la Cour de cassation, la responsabilité du fait des choses résulte d’éléments qui doivent être objectivement caractérisés, ce qui poursuit sa jurisprudence antérieure en la précisant.

I. La création prétorienne de la responsabilité du fait des choses

La responsabilité du fait des choses a été créée progressivement par les instances juridiques, d’abord par une reconnaissance d’une responsabilité hors celle du fait humain, puis par l’instauration de conditions à respecter

A. La responsabilité du fait des choses avant l’arrêt Oxygène liquide

Avant cet arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 janvier 1956, la responsabilité était d’abord limitée à celle du fait personnel ou du fait d’autrui. Les choses n’ayant pas de volonté intrinsèque, elles étaient nécessairement rattachées à l’action humaine et en particulier à leur propriétaire effectif. La question de la responsabilité des préjudices causés par des choses inactives a alors été longuement débattue. À partir de l’arrêt Jand’heur rendu le 13 février 1930, la responsabilité du fait des choses a commencé à être reconnue au profit du gardien d’une chose, considéré en général comme son propriétaire intentionnel et contractuel. Par la suite, la jurisprudence a évolué au fil de divers arrêts, notamment l’arrêt Franck qui instaure une définition plus précise de la « garde » sur une chose, pour savoir qui doit en être responsable. Enfin, il a fallu élaborer une distinction entre les choses animées ou non, les unes étant actionnées par l’action humaine et donc sous une autre forme de responsabilité, tandis que les choses inanimées agissent de leur propre fait. Dans l’arrêt Oxygène liquide, la Cour de cassation opère alors une nouvelle définition de la garde d’une chose qui consacre un principe général, qui s’appliquera aux cas d’espèce futurs. La Cour d’appel de Poitiers, juge de la décision de première instance dans le cas en question, précise que la garde doit s’entendre comme la « garde matérielle » et que la responsabilité ne peut pas donner lieu à réparation du préjudice ici puisqu’il s’agit d’une chose inanimée, et que les deux employés n’avaient pas de pouvoir exercé matériellement et directement sur l’oxygène transporté.

B. La nouvelle définition de la garde

L’arrêt Oxygène liquide rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est fondamental en ce qu’il définit les conditions d’application de la responsabilité du fait des choses ainsi que les effets rattachés, qui devront être utilisés dans le futur par les Cours et autres instances de jugement dans des affaires similaires. L’intérêt de cet arrêt est alors surtout pratique, puisqu’il permet d’apporter des solutions plus favorables à des cas dont la résolution était assez floue auparavant. D’après la Cour de cassation ici, la garde doit être caractérisée dans les faits par un usage ainsi qu’un pouvoir de surveillance et de contrôle sur « tous les éléments de la chose ». Cela peut alors se rapporter à l’exclusion des événements qui seraient liés à la force majeure, puisqu’issus de facteurs incontrôlables par les gardiens de la chose. Il existe alors toujours une présomption de garde pesant sur le propriétaire, mais la définition apportée par l’arrêt Franck de 1941 de la garde en tant que pouvoir d’usage, de direction et de contrôle, est encore précisée ici. Il s’agit alors d’une forme de dérogation à la jurisprudence de principe, pour faire tomber la présomption de qualité de gardien pesant sur le propriétaire. La garde dépend désormais de critères objectifs qui doivent tous être remplis à peine d’inapplicabilité, pour pouvoir engager la responsabilité du fait des choses et donner lieu à la responsabilité du préjudice subi par les victimes de l’accident dans le cas d’espèce.

II. Application et apports de l’arrêt Oxygène liquide

L’arrêt de la Cour de cassation de 1956 apporte des principes essentiels dans le cadre de la mise en oeuvre des principes de la responsabilité. En effet, la Cour consacre ici un principe général du droit qui devra être respecté par les Cours, et qui approfondit les évolutions déjà menées, notamment sur les caractères de la garde.

A. La décision des cours de première instance

Dans le cas d’espèce, le pourvoi exercé par les deux victimes, employés des sociétés dont il est question, donne lieu à la cassation des deux premiers arrêts rendus, notamment pour manque de base légale au niveau de la Cour d’appel de Poitiers. En effet, les Cours se sont ici bornées à rechercher la détention matérielle de la chose, qui pouvait être caractérisée ici du fait de la mission de transport des bouteilles qui reposait sur les deux employés et entraînait donc leur responsabilité sur la chose. Cependant, les circonstances à l’origine de l’explosion demeurant inconnues, la responsabilité du fait de ces personnes ne saurait être appliquée. Les premières décisions ont alors été rendues principalement sur le fondement des articles 1835 et 1836 du Code civil, qui exigent alors la preuve de la garde matérielle de la chose, entendue comme sa détention. L’application de ces seules règles n’a pas suffi selon la Cour à qualifier un cas de dérogation à la responsabilité du propriétaire de la chose, puisqu’il avait ici transmis cette responsabilité sur ses commettants, qui s’étaient également soustraits à cette responsabilité du fait préjudiciable de la chose inanimée et de l’absence d’action de leur part.

B. Les caractères obligatoires de la garde

L’arrêt Oxygène liquide de 1956 et la jurisprudence en découlant par la suite, consacrent et précisent la définition de la garde, dépassant la simple garde matérielle d’une chose reconnue par l’arrêt Franck et Jand’heur. Ici, il faut alors selon la Cour que soient simultanément réunis l’usage de la chose, le pouvoir de surveillance et de contrôle sur la chose dans sa globalité, et dans tous ses éléments intrinsèques. Cette notion de la garde ainsi consacrée permet de grandes évolutions dans la responsabilité du fait des choses, notamment au niveau des conditions de la garde qui sont désormais plus strictes, mais à la fois moins contraignantes du point de vue du propriétaire qui pourra être exonéré plus facilement. Par la même, l’arrêt précise certains principes ou conditions, qui pourraient faire défaut et ainsi permettre l’exonération du gardien de la chose reconnu dans les faits, par exemple en invoquant la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés.

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