L’absence de minimisation de la faute 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapport par la Chambre sociale de la Cour de cassation, les juges ont tout d’abord retenu que le comportement des collaborateurs du manager concerné ne saurait permettre de minimiser la faute que ce dernier a en effet commise et qui justifie son licenciement. Ici, il est retenu que les collaborateurs souhaitaient se débarrasser de lui, tandis qu’une collaboratrice avait fait preuve d’insubordination à son égard. Il n’importe donc pas que ces collaborateurs aient décidé d’adopter un comportement qui est de nature à générer de la souffrance : le comportement du manager ne saurait être excusé. 


Les juges ont donc eu à connaître de diverses situations et divers comportements qui ont résulté sur une situation qui s’est aggravée au fil du temps, chacun ayant recherché à motiver ses actions. Cette situation n’est pas inédite et est souvent connue des juridictions, dès lors que chacun considère que l’autre est responsable de harcèlement moral. En l’espèce, il est vrai que la décision prise par la Cour de cassation revêt une nature stricte mais elle se comprend à l’aune de la nécessaire clarification de la qualification desdits comportements observés et rapportés, les protagonistes pouvant aussi bien être victime et auteur d’un tel harcèlement. 

Les juges se sont par ailleurs penchés sur le comportement adopté par l’employeur dans cette affaire. Celui-ci, relativement équivoque, ne saurait intervenir à l’effet de minimiser la faute du manager, ce dernier ayant provoqué des souffrances à ses collaborateurs. En vérité, en dépit du fait que l’employeur a méconnu son obligation de protection de la santé des salariés, le licenciement pour faute grave du manager demeure justifié. De plus, contrairement à l’affirmation des juges de la Cour d’appel, la Cour de cassation considère que le comportement de l’employeur ne saurait résulter sur un quelconque dédouanement du manager qui a commis une faute, ce dernier devant d’ailleurs respecter l’obligation de vigilance quant à la santé et à la sécurité des salariés.  

Pour en décider de la sorte, la Cour de cassation a fondé son argumentaire sur les dispositions contenues au sein de l’article L. 4122-1 du code du travail. Il est impératif de rappeler que l’obligation de sécurité susmentionnée incombe à tout un chacun au sein de l’entreprise, peu importe finalement la position hiérarchique des acteurs effectivement visés. De ce fait chaque acteur peut être sanctionné dans le cadre de la méconnaissance de l’obligation visée. 

La définition de la notion de management toxique 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre sociale de la Cour de cassation, il ressort des constatations opérées qu’une définition de la notion de management toxique a pu être élaborée. Pour ce faire, il a été retenu les éléments suivants, corroborés par les individus concernés par l’affaire : le management toxique est en fait issu d’un comportement démesurément autoritaire, exempt d’empathie, visant à dévaloriser et exercer en effet une pression conséquente sur des collaborateurs donnés. En dépit d’un avertissement dont a fait l’objet le manager en cause, il est retenu par notre décision ici commentée que ce dernier a continué à adopter ce comportement. 

Nul doute que ces critères, particulièrement détaillés aussi bien par la Cour d’appel, puis repris par la Cour de cassation, pourront servir de base à la caractérisation de comportements pouvant revêtir la nature d’un harcèlement moral selon les dispositions contenues au sein de l’article L. 1152-1 du Code du travail.  


Quel comportement est attendu de la part de l’employeur lorsqu’il observe un tel comportement présumément toxique par un employé ? 

Cette question est intéressante car sa réponse ne réside pas dans la loi mais réside en vérité dans les règles prétoriennes, au grès des affaires connues par les juridictions. Notre cas d’espèce ici jugé et rapporté est intéressant, à cet égard, dans la mesure où il est relevé des mesures qui auraient pu être prises par l’employeur concerné. Ainsi, par exemple, il pourra s’agir de la mise en œuvre d’une enquête interne, de l’organisation d’un audit social, de l’appel à des intervenants extérieurs, ou encore la mise place d’une médiation. 

Il est intéressant également, à la lecture de cette décision, de relever que la porte n’est pas fermée quant aux choix qui peuvent en effet être pris par l’employeur lorsqu’il est confronté à de tels agissements au sein de son entreprise. Ici, l’on pourra retenir que la mise en place d’une médiation peut intervenir avant l’instauration d’une enquête interne voire un audit. En effet, cette médiation permet, le plus souvent, d’amoindrir les tensions entre les différents protagonistes concernés. Ce ne sera que pour le cas où les tensions continuent d’être observées et vécues que l’enquête devra être mise en œuvre. Cette enquête doit néanmoins revêtir un caractère sérieux et respecter la procédure, notamment celle du contradictoire, afin d’éviter toute contestation. 

Nous pouvons donc conclure que cette décision est intéressante à étudier pour diverses raisons, celle-ci contribuant, entre autres, à apporter des précisions sur le caractère toxique du management. 

Références

https://www.courdecassation.fr/decision/6819a1fdea7b3f881e0af49d

https://www.barthelemy-avocats.com/article/management-toxique-le-licenciement-pour-faute-grave-se-justifie/

https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/99252-le-management-causant-une-situation-de-souffrance-au-travail-constitue-une-faute-grave.html