Arrêt du 10 novembre 2015, droit général des sociétés, permis de construire, opération immobilière, responsabilité du gérant, liquidation judiciaire, faute personnelle, responsabilité personnelle, affectio societatis
En l'espèce, une société de promotion immobilière a obtenu un permis de construire, permis contesté par une SARL devant le tribunal administratif. Le tribunal administratif a rejeté ce recours pour défaut d'intérêt à agir.
La société immobilière décide alors d'assigner en justice la SARL afin d'obtenir son annulation ainsi que sa condamnation et le versement de dommages et intérêts aux motifs que cette dernière n'a été créée que dans le but de contester l'opération immobilière et de monnayer un éventuel désistement. Les juges du fond ont reconnu la responsabilité du gérant mais rejeté la demande d'annulation de la société. La SARL a été mise en redressement puis en liquidation judiciaire.
[...] Cour de cassation, chambre commerciale novembre 2015 - Peut-on prononcer la nullité d'une société du fait de l'illicéité de son objet réel ? Quid de la faute personnelle du gérant de la SARL ? L'arrêt de la Cour de cassation rendu par sa chambre commerciale le 10 novembre 2015 présente un contentieux des sociétés dans lequel sont en jeu les conditions de nullité d'une société du fait de son objet illicite à l'aune du droit français et du droit européen mais aussi le comportement du dirigeant fautif séparable de ses fonctions normales de direction. [...]
[...] En principe, la société est responsable de son propre fait et du fait de son dirigeant, des préjudices et des dommages subis par les tiers. Par exception, la responsabilité personnelle du dirigeant peut être engagée aux vues d'une faute séparable de ses fonctions définie et caractérisée par la jurisprudence faute en l'espèce, caractérisée par de multiples recours en opposition avec l'objet et l'intérêt social Une identification prétorienne de la faute du dirigeant Le principe de la faute détachable est défini par la jurisprudence issue de l'arrêt Seusse-Sati du 20 mai 2003 et est constituée "lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales". [...]
[...] La Cour de cassation est amenée à répondre à deux questions, la première, consiste à savoir s'il est possible de prononcer la nullité d'une société du fait de l'illicéité de son objet réel et la seconde, revient à se demander si le fait qu'un gérant d'une SARL exerce plusieurs recours dans un but d'enrichissement personnel et non dans l'intérêt de la société est constitutif d'une faute personnelle détachable de ses fonctions. Concernant la première question, la Cour de cassation répond par la négative en estimant que la nullité de la société est prononcée au nom du caractère illicite de son objet statutaire et non de son objet réel. [...]
[...] Toutefois, la position du droit européen peut laisser perplexe, d'une part dans la mesure où, logiquement, aucune société ne va inscrire sciemment un objet statutaire illicite et d'autre part, dans la mesure où l'objet réel d'une société peut se montrer, dans de particulières circonstances, bien plus représentatif quant à sa raison d'être et empêche alors la société d'être frappée de nullité du fait de son objet réel illicite ou contraire à l'ordre public. Une telle décision induit que le comportement des associés et notamment du dirigeant n'est pas nécessairement représentatif de la société et de son objet statutaire. Bien que la Cour de cassation n'accède pas à la demande de nullité de la société émanant des victimes, ces dernières ne restent pas sans recours dans la mesure où les juges reconnaissent l'engagement de la responsabilité du dirigeant lorsque ce dernier commet une faute détachable de ses fonctions normales de direction. [...]
[...] Elle relève ainsi que ces actions étrangères à l'objet social et à l'intérêt de la société ont été faites intentionnellement par le dirigeant qui a réalisé de "multiples recours étrangers à l'objet et l'intérêt de la société, a nécessairement agi dans un but d'enrichissement personnel". La Cour de cassation conclut que la répétition des recours étrangers à l'intérêt social caractérisait une faute intentionnelle, la volonté du dirigeant, qui par ces actions aspirait à "un enrichissement personnel" permettant d'engager sa responsabilité personnelle. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture