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Commentaire d'arrêt - L'arrêt Sicard du Conseil d'Etat du 27 avril 1962

On sait que le juge administratif contrôle la constitutionnalité des règlements par rapport aux articles de la Constitution : en d'autres termes, il contrôle la conformité de la norme inférieure par rapport à la norme supérieure, la norme suprême.

L'arrêt Sicard

Credit Photo : Visual Hunt epicioci


Les faits de l'espèce

Dans l'arrêt Sicard rendu par le Conseil d'État du 27 avril 1962, Jean Sicard et autres (les requérants) ont invoqué devant le juge administratif l'inconstitutionnalité de règlements.

Ils demandèrent l'annulation du décret n 59-1379 du 8 décembre 1959 pour excès de pouvoir. Ce décret portant règlement d'administration publique pour l'application d'une ordonnance avait été jugé par les requérants comme contraire aux dispositions de la Constitution du 4 octobre 1958 instituant la Ve République.

Le décret intéressait donc la situation des fonctionnaires en outre-mer.


Qu'est-ce qu'un règlement d'administration publique ?

Le règlement d'administration publique n'existe plus aujourd'hui. Il consistait en un règlement d'exécution : ce type de règlement était donc non autonome, pris par le Premier ministre, et ce, après avis du Conseil d'État.

Autrement dit, le règlement d'administration publique correspondrait au règlement (actuel) après avis du Conseil d'État.


Un recours pour excès de pouvoir ?

Quelles règles furent violées dans cet arrêt ? Le décret attaqué par les requérants a en fait méconnu les règles constitutionnelles prévues concernant la compétence, mais aussi le contreseing.

Ainsi, l'autorité signataire - celle ayant donc signé le décret concerné - n'était pas compétente pour le faire. Dans le cas d'espèce, le Président de la République avait signé ce décret et il fut contresigné par le Premier ministre.

Or il manquait le contreseing des ministres, contreseing prévu à l'article 22 de la même constitution : lorsque le Premier ministre signe un acte, les ministres le contresignent.


Les domaines de la loi et du règlement et ses conséquences sur le cas d'espèce

Le texte constitutionnel prévoit lui-même les domaines respectifs de la loi (article 34) et du règlement (article 37). Ainsi, l'article 34 est un article d'attribution tandis que l'article 37 est un article résiduel et donc ce qui n'est pas du domaine de la loi est du domaine du règlement. Ainsi, le domaine du législateur et donc du pouvoir législatif est circonscrit dans une liste exhaustive tandis que celui du pouvoir règlementaire concerne tout le reste.

Une précision s'impose : l'article 37 de la Constitution contient en réalité deux autres articles, du moins il renvoie implicitement à deux autres articles de la même constitution : en effet, il renvoie à l'article 21 qui prévoit le pouvoir réglementaire, mais aussi à l'article 13 qui prévoit pour sa part la signature du Chef de l'État pour l'ensemble des décrets ayant été délibérés en Conseil des ministres.

Dans le cas d'espèce, le règlement d'administration publique aurait dû être pris en application de l'article 21 de la Constitution puisqu'il constitue un texte pris par le Premier ministre et donc le pouvoir règlementaire.

Cependant, le décret fut signé par le Président de la République alors que l'article 13 n'était pas nécessairement applicable. De fait, les requérants dénoncent l'incompétence de l'autoritaire signataire.

Une nouvelle précision s'impose ici. En effet, il faut comprendre ce pour quoi le Chef de l'État de l'époque a décidé de signer ce règlement. De Gaulle considérait la fonction présidentielle d'une certaine manière : le Président de la République devait être puissant selon une théorie, la théorie Tricot. Par conséquent, il a décidé de signer de nombreux textes qui auraient dû être signés, en vertu des règles constitutionnelles, par le Premier ministre.


La décision du Conseil d'État

En dépit du fait que l'autoritaire signataire n'était pas la bonne, les juges du Conseil d'État décidèrent que dans la mesure où la signature obligatoire du Premier ministre ayant été présente sur le règlement concerné, celle du Président de la République n'aurait pas dû s'y trouver.

Dit autrement, les juges ont décidé que le règlement d'administration publique est légal quand bien même deux signatures furent apposées sur l'acte. Seule la signature du Premier ministre est opérante ; celle du Président de la République est pour sa part réputée "superfétatoire". Ils ont par conséquent modifié l'ordre des signatures et opéré une substitution de base constitutionnelle.


Source : Legifrance


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