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L'arrêt Chebab c/ France, CEDH, 23 mai 2019, Requête n°542/13

Dans cette décision ici jugée et rapportée par la Cour européenne des droits de l'homme, il s'agissait de l'usage de la force par un fonctionnaire des forces de l'ordre françaises à l'encontre du sieur Chebab.

Chebab vs France - arrêt du 23 mai 2019

Credit Photo : CEDH - eurojuris.fr

Celui-ci a été blessé à l’issue de son interpellation par un agent de la brigade canine. Le requérant critique, outre cet usage de la force, les investigations qui ont été effectuées par la suite eu égard à son interpellation. Pour lui, il y a eu violation des dispositions de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à la vie.

Les faits de l’espèce dans cette affaire

Les forces de l’ordre françaises furent appelées par un résident qui demandait leur intervention alors que deux hommes, selon lui, essayaient de cambrioler des appartements. Il leur avait également précisé qu’ils étaient tous deux menaçants à son encontre. A leur arrivée sur les lieux, deux fonctionnaires de la brigade canine ont interpellé les deux suspects présents non loin de la résidence.
Toutefois alors qu’ils les interpellaient, l’un des deux policiers a fait usage de son arme et a blessé le sieur Chebab au cou et à l’épaule. Pour justifier cet usage, le fonctionnaire a précisé que l’individu l’avait directement menacé avec un couteau (§6 et 7 de la décision).

Une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme ?

Le sieur Chebab, le requérant dans notre affaire, a invoqué les dispositions de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et a argué de la mise en danger de sa vie par le fait que le fonctionnaire en cause avait fait usage de son arme de service. Pour lui, également, les exigences résultant de ces mêmes dispositions n’ont pas été satisfaites par les autorités françaises dans le cadre des investigations menées à la suite de son interpellation.
- En vérité, ici et à l’unanimité, la Cour a décidé qu’aucune violation de cet article 2 ne fut constatée, plus précisément au regard de son volet matériel. Pourquoi ?
Ici, les juges ont jugé, compte tenu des circonstances, que le policier était en mesure d’utiliser son arme afin que le requérant soit utilement neutralisé. En effet, les deux fonctionnaires avaient été appelés en pleine nuit, pour une tentative de cambriolage, et faisaient face à deux individus ivres et agressifs. La Cour relève également « le caractère sincère et honnête de cette conviction » que l’individu en cause représentait au moment des faits une menace pour le policier (cf. §83). Cela ne fut pas remis en cause à l’occasion de l’enquête effectuée suite à l’usage de son arme. Les juges retiennent aussi que l’usage de son arme à feu par ce policier n’a pas dépassé ce qui était « absolument nécessaire » afin d’« effectuer une arrestation régulière », d’autant plus que rien ne permet d’affirmer que la force utilisée fut inutilement excessive (cf. §76 et 84).
- Cependant la Cour a décidé que l’article 2 susmentionné fut violé au regard de son volet procédural. Pourquoi en a-t-elle décidé ainsi ?
En l’espèce, les juges relevèrent que le requérant a demandé l’ouverture d’une information judiciaire au regard de l’usage de la force deux années après son interpellation. Ils retiennent que les autorités compétentes sont tenues d’agir d’office dès lors qu’une telle affaire est portée à leur attention et ne doivent pas attendre que cette initiative soit effectuée par une victime ou qu’elle soit contrainte de s’assurer de la responsabilité d’une procédure d’enquête (cf. §91).
Ils retiennent également que l’enquête, en l’espèce, a souffert de « lacunes [qui, selon eux,] auraient pu être évitées » (cf. §92) avant de souligner le fait que les autorités nationales ont elles aussi relevé ces erreurs qui n’ont pu valablement mener à la manifestation de la vérité.
En outre ils ont noté que les autorités françaises prononcèrent la nullité de la procédure du fait du caractère tardif de la notification de ses droits au requérant lors de sa garde à vue ; ils ont également retenu que les auditions effectuées par l’officier de police judiciaire de permanence la nuit de l’interpellation du requérant, et auquel était effectivement affecté le policier ayant fait usage de son arme, et celles menées par la suite par la police de la BAC concordaient quasiment exactement, sauf pour un paragraphe (cf. §94).
Du fait de ces différentes constatations, la Cour retint que la première phase d’enquête fut entachée de lacunes de la part des autorités compétentes, avant de souligner le fait qu’il y a eu un retard concernant l’ouverture d’une enquête eu égard aux blessures dont fut victime le requérant. Par conséquent pour elle, et à cause de ces diverses irrégularités inhérentes à la procédure, l’efficacité de celle-ci menée par le juge d’instruction fut impactée négativement au regard de la manifestation de la vérité.
De surcroit, elle le souligne, l’enquête a été effectuée par les collègues directs du policier de la brigade canine ayant fait usage de son arme et elle soutient que ce service d’enquête est directement à l’origine des irrégularités procédures effectivement constatées dans cette affaire. Elle avait déjà conclu à un manque d’indépendance de l’enquête, en pareilles circonstances, dans l’arrêt CEDH, 18/11/2014, Emars c/ Lettonie, n°22412/08, §85/95. Toutefois elle rappelle que peu d’actes d’enquête furent effectués par le commissariat concerné et que d’autres services d’enquêtes furent saisis le matin suivant l’incident, ce qui n’a pas in fine porté atteinte à l’impartialité de l’enquête (cf. §99).  
Pour clore, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme ont relevé que l’instruction ainsi que les procédures d’enquêtes effectivement menées furent à la fois « ni rapides ni effectives » avant de conclure sur le fait que les autorités françaises compétentes ne se sont pas acquittées de l’obligation procédurale résultant des dispositions de l’article 2 susmentionné (cf. §101).

Références
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-193082%22]}
https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=28912&opac_view=-1
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/23/la-france-condamnee-par-la-cedh-pour-enquete-lacunaire-sur-une-affaire-de-violences-policieres_5466082_3224.html
Communiqué de presse du Greffier de la Cour, CEDH 187 (2019), 23 mai 2019, disponible en ligne

 

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