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Arcom, pluralisme et indépendance de l'information

Dans une décision rendue le 13 février 2024, le Conseil d'Etat s'est intéressé à la question de l'appréciation du respect du pluralisme de l'information par l'Arcom. Qu'ont décidé les juges du Conseil d'Etat dans cette décision ? Décryptage.

Quels étaient les faits de l’espèce ?

Dans le cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil d’Etat, en date du 13 février dernier, il était fait mention des dispositions contenues au sein de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Plus spécifiquement, ces dispositions prévoient que les chaines de télévision sont obligées d’assurer non seulement l’honnêteté, le pluralisme mais également l’indépendance de l’information : sous ce rapport, il revient à l’Arcom (c’est-à-dire l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) de faire respecter ces obligations de nature légale à l’ensemble des chaines.

L’association Reporters sans frontières (ci-après RSF) a considéré que la chaine de télévision CNews ne s’acquittait pas de ses propres obligations issues de la loi et avait décidé de demander à l’Arcom de la mettre en demeure afin qu’elle les respecte finalement. C’est sans compter sur une décision de l’Arcom de ne pas prononcer une telle mesure que RSF décida de saisir le Conseil d’Etat.

Suite à cette saisie, il a été décidé par les juges de la plus haute juridiction de l’ordre administratif français que l’Arcom, qui s’est substitué au CSA en 2021, est tenue, afin d’apprécier le respect du pluralisme de l’information par une chaine de télévision peu importe la chaine visée, de considérer l’ensemble des courants de pensée et d’opinions qui sont incarnés par l’intégralité des participants aux programmes en effet diffusés, en prenant en compte de manière égale les chroniqueurs, les animateurs et les invités, et non exclusivement le temps d’intervention effectif des personnalités politiques qui participent auxdits programmes.
Il fut également décidé qu’il revient à l’Arcom de vérifier l’indépendance de l’information de la chaine visée en prenant en considération l’entièreté des conditions de fonctionnement de la chaine mais aussi eu égard à la programmation de la chaine en cause : ainsi l’Arcom ne doit pas uniquement s’intéresser à la séquence d’un extrait d’un programme pris indépendamment du reste de la programmation de la chaine.

C’est bien parce que l’Arcom n’est pas parvenu à démontrer qu’elle avait procédé à l’examen de ces différents aspects que le Conseil d’Etat a jugé qu’il lui reviendra de réexaminer dans un délai de six mois la demande de mise en demeure formulée contre CNews par RSF. Il conviendra alors que l’Arcom considère les précisions qui ont été apportées par le Conseil d’Etat dans le cas de l’espèce en regard des obligations légales en la matière.

Quel a été le cheminement juridique du Conseil d’Etat en l’espèce ?

Dans notre cas d’espèce, il a tout d’abord été retenu par le Conseil d’Etat que les critiques, qui avaient été formulées par RSF à l’encontre aussi bien du droit français (et notamment son texte constitutionnel suprême) que des règles contenues au sein de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, doivent être écartées.

Outre ces premières considérations, le Conseil d’Etat retient que la notion de pluralisme de l’information ne saurait se cantonner au seul temps de parole des personnalités juridiques. En effet, il a tout d’abord considéré que le pluralisme en question ne se cantonne pas au temps de parole des personnalités politiques qui participent au programme concerné. Dans ses griefs, RSF reprochait à cette chaine d’information de ne pas mettre en avant, de manière suffisante, des points de vue divers, spécifiquement lors de débats sur des questions par nature polémiques. Sous ce rapport, l’Arcom avait considéré, de façon à apprécier le respect du pluralisme de l’information, qu’elle devait uniquement prendre en considération l’équilibre des temps de parole effectivement accordés aux personnalités politiques (cf. §16 de la décision).

Ainsi, selon elle, la chaine CNews ne manquait pas à ses obligations légales, d’où une fin de non-recevoir formulée par l’Arcom à l’encontre de RSF. Face à cette décision, le Conseil d’Etat retient que l’Arcom ne doit pas se cantonner à ce décompte des temps de parole mais se doit de veiller à l’expression pluraliste des courants de pensée et des courants d’opinion en considérant tous les participants à ces programmes, et donc, non uniquement les personnalités politiques mais aussi les chroniqueurs, ou les animateurs ou tout autre invité auxdites émissions.

Précision faite par le Conseil d’Etat : l’Arcom doit définir elle-même ces modalités. Quid enfin de l’indépendance de l’information, grief porté par RSF considérant le principal actionnaire de la chaine ? Il ressort de cette décision que pour le Conseil d’Etat, cette notion se détermine en regard de l’intégralité des conditions de fonctionnement d’une chaine donnée mais aussi des caractéristiques propres à sa programmation (cf. §15, 18 et 19 de la décision) et non sur l’unique fondement d’exemples précis de séquences. Ainsi, l’Arcom est contrainte de se déterminer de nouveau à ce sujet.

Compte tenu de ces éléments rapportés par le Conseil d’Etat dans cette décision du 13 février 2024, il revient à l’Arcom de procéder à un nouvel examen, dans un délai déterminé à six mois, eu égard au respect par CNews de ses obligations légales en ce qui concerne d’abord le pluralisme puis l’indépendance de l’information.

Il convient de noter que dans le cas d’espèce, le juge administratif suprême ne s’intéresse pas au respect des exigences du pluralisme ainsi que de l’indépendance de l’information par les programmes propres à la chaine CNews. En vérité, il détermine et spécifie les principes que l’Arcom doit mettre à l’œuvre au regard du respect par les chaines, quelles qu’elles soient, de leurs obligations tirées de la loi : ici, le Conseil d’Etat retient que l’Arcom bénéficie d’un pouvoir étendu d’appréciation dans le cadre de l’exercice desdites prérogatives qu’elle détient de la loi.

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