Quels étaient les faits ? 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Chambre sociale de la Cour de cassation, il s’agissait d’une collaboratrice parlementaire, en qualité de cadre, d’un ancien député, et qui était liée à ce dernier par un contrat à temps partiel. Cette collaboratrice exerçait ses missions au sein de la permanence parlementaire du député. Il est relevé que l’épouse du député exerçait également un tel poste mais ne bénéficiait pas du même statut. Suite aux élections législatives qui avaient été organisées en 2017, le député a convoqué sa collaboratrice à l’occasion d’un entretien préalable et lui a notifié son licenciement dans la mesure où le mandat de ce dernier n’a pas été renouvelé. Ce contrat a pris fin au terme d’une préavis dont elle fut dispensée.

Cette collaboratrice, considérant qu’elle a subi une inégalité de traitement concernant sa rémunération à l’occasion de l’intégralité de sa relation de travail qui la liait au député, a décidé de saisir le Conseil des prud’hommes afin d’en obtenir réparation. Celle-ci considère qu’elle a été victime d’une discrimination basée spécifiquement sur un motif que le code du travail français interdit, à savoir : sa situation de famille. L’ancien député fut condamné par la Cour d’appel de Lyon qui donna raison à la collaboratrice évincée. Mécontent de cette décision, l’employeur décida de former un pourvoi en cassation.

 

Quelle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation ? 

En l’espèce, l’employeur a considéré qu’en vertu des dispositions contenues au sein de l’article L. 1132-1 du Code du travail, le droit du travail protège la situation de famille de la salariée mais ne protège pas les comparaisons qui ont pu être effectuées concernant d’autres individus, eux-mêmes apparentés à l’employeur. 

Il considère que la Cour d’appel de Lyon n’a pas appliqué correctement le texte susmentionné en ce qu’elle s’est basé sur sa propre situation familiale afin de démontrer la discrimination dont se plaint la salariée (il existait effectivement un lien conjugal entre l’employeur et l’autre salariée concernées). Celui-ci fait également grief à l’arrêt rendu par les juges du second degré d’avoir mal interprété les conclusions qu’il a apporté au dossier : celui-ci prétend avoir justifié cette différence de traitement, non pas du fait du lien conjugal susmentionné, mais par l’existence de conditions particulières intervenant dans le cadre de ses fonctions (horaires atypiques par exemple). Pour la salariée évincée, ces arguments ne peuvent être valables, celle-ci faisant en effet savoir que sa propre situation professionnelle avait été comparée à celle de l’épouse de l’ancien député et ce, de manière défavorable ; en outre, pour elle, la différence de traitement se fondait directement et uniquement sur le lien familial entre l’autre collaboratrice et l’ancien député. Or ceci constitue notamment une violation des dispositions contenues au sein des articles L. 1132-1 et L. 3221-3 du code du travail. 

 

Rejet du pourvoi

Le pourvoi fut rejeté par les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Ce faisant, ils s’alignent sur les constatations opérées par les juges du second degré, et retiennent l’argument tiré de l’absence de lien familial entre la salariée concernée et l’ancien député, ce qui in fine est prohibé par les dispositions de l’article L. 1132-1 précité. En jugeant ainsi, la Cour de cassation a bel et bien approuvé que la parenté et la non-parenté peuvent valablement constituer le socle d’une discrimination, interdite par le droit du travail. Lorsque l’employeur motive une différence de rémunération entre les deux salariées, la situation familiale de l’une étant avantagée (c’est-à-dire son épouse) constitue l’élément central de cette différence de traitement. Ici, la différence de traitement est fondée sur un critère qui est interdit par la loi française.  

 

Que faut-il comprendre de cette décision ?

Cette décision rendue le 9 avril dernier est importante dans la mesure où elle renseigne sur la notion de situation de famille en tant que motif de discrimination. Les juges de la Chambre sociale ont d’ailleurs, à cet égard, interprété cette notion de manière extensive. Par conséquent, dans le cadre de cette décision, les juges ont retenu que l’absence de lien familial avec l’employeur est également en mesure de fonder une discrimination interdite au sens du droit du travail français (au même titre, d’ailleurs, que l’existence de ce lien familial : cf. par exemple, Cass. soc., 10/02/1999, n° 96-42.998). L’appréciation de la discrimination ne s’apprécie donc plus nécessairement en positif. 

 

Protection des salariés contre les discriminations

Cette décision s’inscrit également dans une volonté affirmée de la Cour de cassation, qui vise à protéger les salariés contre toutes les discriminations, dans le sillon de la volonté également affichée de la Cour de justice de l’Union européenne. Les juges européens, en effet, s’intéressent à toutes les discriminations, qu’elles soient indirectes ou directes, en élaborant et appliquant une définition à la fois large et fonctionnelle de la discrimination : cf. par exemple, CJUE, 17/07/2008, Coleman, Aff. C-303-06).

 

Références 

https://www.courdecassation.fr/decision/67f615ad3b0cdae54cf3d7f4

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007039605

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019071126

https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-303/06