Arrêt du 2 juin 2015, redressement judiciaire, licenciement économique, plan de cession, responsabilité délictuelle, intérêt à agir, mandataire judiciaire, indemnités de licenciement, Code de commerce, loi du 26 juillet 2005, AGS Agence de Garantie des Salaires, indemnisation d'un préjudice
Le 24 novembre 2003, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société General Trailers France, filiale du groupe General Trailers. Deux commissaires à l'exécution du plan ont été désignés, et un plan de cession partielle a par la suite été arrêté, prévoyant le licenciement de 600 salariés.
Les commissaires à l'exécution du plan ont assigné en responsabilité civile pour octroi de crédits ruineux la société Bank of Scotland, qui, en 2000, avait mis en place un montage financier pour favoriser la restructuration du groupe General Trailers. 109 des salariés licenciés se sont joints volontairement à cette action pour obtenir réparation de leurs préjudices consécutifs à la perte de leur emploi, soit la perte pour l'avenir des rémunérations qu'ils auraient pu percevoir et l'atteinte à leur droit de voir leurs chances de retrouver un emploi optimisées, faute d'avoir pu bénéficier de formations qualifiantes. Un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 18 juillet 2013 déboute les salariés de leur demande, estimant que leur action est irrecevable. Ces derniers forment alors un pourvoi devant la Cour de cassation pour contester cette décision.
[...] La Cour de cassation apporte alors une définition par la négative du préjudice distinct. Il s'agit d'un préjudice qui n'est pas subi collectivement et indistinctement par tous les créanciers. Par conséquent cette notion reste floue, il faudra une appréciation au cas par cas pour savoir quel type de préjudice est considéré comme distinct et lequel ne l'est pas. En tout état de cause, cet arrêt s'inscrit dans une lignée jurisprudentielle constante puisque la même solution avait déjà été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre sociale du 14 novembre 2007. [...]
[...] C'est dans cet état d'esprit que la Cour de cassation vient par ailleurs réfuter l'argument de la Cour d'appel selon lequel il y aurait une absence d'intérêt à agir qui serait lié à l'indemnisation préalable des salariés. II. La réfutation de l'absence d'intérêt à agir liée à l'indemnisation des salariés La Cour de cassation est claire sur ce point, peu importe que le préjudice des salariés ait été réparé par l'allocation d'indemnités de rupture par un autre arrêt devenu irrévocable ou par l'intervention de l'AGS, l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action Cette décision paraît donc s'inscrire dans une volonté de protection des salariés licenciés A. [...]
[...] La Cour de cassation renvoie donc l'affaire devant une autre Cour d'appel qui sera chargée de déterminer non pas si l'action est recevable, puisque la Cour de cassation l'admet largement, mais d'établir si les salariés pourront obtenir une réparation de la part de la banque pour le préjudice lié à la perte de leurs emplois. Car en effet, si la Cour de cassation admet la recevabilité de l'action, cela ne signifie pas pour autant qu'il sera automatiquement fait droit à la demande des salariés. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une décision favorable aux salariés licenciés, qui gardent la possibilité d'obtenir la réparation intégrale de leur préjudice si cela n'a pas déjà été le cas préalablement grâce à l'indemnité de rupture du contrat et par l'intervention de l'AGS. [...]
[...] Par conséquent, la décision rendue par la Cour de cassation le 2 juin 2015 se révèle être une garantie supplémentaire pour les salariés victimes, en refusant une lecture trop stricte du principe de réparation unique et en permettant à ces salariés d'obtenir une réparation complète du préjudice qu'ils ont subi. En l'espèce, les salariés licenciés faisaient valoir que les plafonds de l'AGS ne couvraient pas l'intégralité de leur préjudice, notamment leur perte de chance de retrouver un emploi en raison de l'absence de formation qualifiante, argument qui n'est pas entré en ligne de compte dans la décision de la Cour d'appel qui craignait une double indemnisation?. [...]
[...] L'action en réparation des salariés licenciés serait par ailleurs irrecevable, selon l'article 31 du Code de procédure civile, du fait qu'ils avaient déjà obtenu l'allocation d'indemnités de rupture, et donc ne pouvaient pas prétendre à une deuxième réparation de leur préjudice, faute d'intérêt à agir. Dans cet arrêt, la question posée à la Cour de cassation est la suivante : les salariés licenciés dans le cadre d'un plan de cession, faisant suite à la mise en redressement de la société les employant, peuvent-il agir individuellement en responsabilité délictuelle contre un tiers pour obtenir réparation de leur préjudice ? Ou bien cette action relève-t-elle du monopole du commissaire à l'exécution du plan ? [...]
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