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Promesse unilatérale de vente : l'exécution forcée est-elle contraire aux droits de l'homme ?

La promesse unilatérale de vente est un avant-contrat qui précède la signature du contrat définitif devant le notaire. Mais cela reste un contrat avant tout. Le propriétaire est le seul à s'engager envers un acheteur potentiel, à vendre son bien à un prix défini en lui donnant en exclusivité, "une option" pour un temps limité (3 mois) au cours et au terme duquel le bénéficiaire conclut ou non la vente. Pendant ce laps de temps, le vendeur ne peut pas proposer son bien à une tierce personne ni renoncer à le vendre.

L'exécution forcée est-elle contraire aux droits de l'homme ?

Credit Photo : Pexels Pexels Monstera

Au contraire, le bénéficiaire a la possibilité d'annuler lors du délai de rétractation en lettre recommandée avec accusé de réception. À la fin du délai de rétractation, l'annulation est toujours possible, mais il ne pourra pas récupérer ses indemnités d'immobilisation, sans compter des dommages et intérêts que pourrait réclamer le vendeur. L'acheteur a un avantage certain !

De ce désavantage unilatéral, est-ce contraire aux droits de l'Homme de contraindre le vendeur à exécuter la promesse unilatérale de vente alors qu'il ne le souhaite plus ?

Dans un premier temps, nous verrons les arguments qui accueillent l'exécution forcée de la promesse unilatérale de vente comme contraire aux droits de l'Homme par rapport au principe constitutionnel de liberté et de droit de propriété puis celle du contentieux du regret.

Ensuite, nous verrons que cette exécution forcée n'est finalement pas contrairement aux droits de l'Homme par son essence de consentement volontaire et irrévocable ainsi que par la force obligatoire du contrat et sa légitimité.

 

I°) L'exécution forcée en apparence contraire aux droits de l'Homme

A.   Atteinte au droit de propriété et au principe constitutionnel de liberté

L'exécution forcée n'est possible que si le vendeur souhaite, tout compte fait, renoncer à vendre son bien, malgré la promesse unilatérale de vente qui l'engage. Il souhaite donc conserver son droit de propriété sur ce bien, mais en même temps empêche l'acheteur potentiel d'accéder à la propriété. Ce qui entraîne un paradoxe.

Pour certains, étant donné que la promesse unilatérale de vente est un simple acte préparatoire, le promettant n'a qu'à sa charge une obligation de faire (v. par ex. JCP 2011. 1141, obs. D. Mainguy), et donc semble révocable.

L'action de l'obliger à exécuter le contrat comme sanction au lieu de dommages et intérêts peut être considérée comme une atteinte au principe constitutionnel de liberté. Après tout, un contrat est un consentement simultané entre les deux parties pour cristalliser la conclusion. Au contraire, la promesse unilatérale de vente fige le consentement d'un contrat futur accepté par le vendeur à un moment T donné en attente du consentement ou non de l'autre partie à l'instant T+1 donné. Il y a un décalage. Si bien que l'exécution forcée entraînerait un forçage du transfert de propriété tout autant qu'un forçage du consentement du promettant à un instant T+1.

Ainsi, forcer une personne à consentir à un contrat et à le conclure en dépit de la rétractation constituait une atteinte disproportionnée au principe de la liberté contractuelle (M. Fabre-Magnan, "De l'inconstitutionnalité de l'exécution forcée des promesses unilatérales de vente" : D. 2015 p. 826).

 

B.   Le contentieux du regret

Techniquement, le promettant a effectivement donné un consentement "définitif" à l'instant T donné, mais il existe un "contentieux du regret". Le promettant qui s'est engagé souhaite revenir sur ce consentement avant l'expiration du délai d'option. Souvent, son but est de profiter d'une meilleure opportunité de vendre à un meilleur prix.  Il est normal que le promettant soit sanctionné pour défaut d'aboutissement de la promesse unilatérale de vente si le bénéficiaire souhaitait lever l'option. Mais la révocation de son engagement doit-elle être sanctionnée en équivalence et/ou en nature ?

Jusqu'à la réforme de 2016, la jurisprudence statue sur l'obtention d'une réparation par équivalence par le bénéficiaire victime de la révocation (Consorts Cruz, 15 déc. 1993, n° 91-10.199) en se reposant sur la règle traditionnelle selon laquelle on ne pouvait faire exécuter les obligations de faire en nature (C. civ., art. 1142 anc., V. Consorts Cruz, préc.).

Ainsi la Cour de cassation et la troisième chambre civile ont considéré dans d'autres affaires, que la levée d'option après la rétraction du promettant, dans sa volonté de non-obligation de faire, excluait la rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir et, en conséquence, elle refusait d'ordonner la réalisation forcée du contrat, car ne permettrait pas une vente ordonnée (Cass. 3e civ. 15-12-1993 n° 91-10.199 : RJDA 3/94 n° 274 ; Cass. com. 13-9-2011 n° 10-19.526 F-D : RJDA 1/12 n° 25, Cass. 3e civ. 6-12-2018 n° 17-21.170 FS-D : RJDA 5/19 n° 323, Civ. 3e, 11 mai 2011, n° 10-12.875 ; Civ. 3e, 6 sept. 2011, n° 10-20.362 ; Com. 13 sept. 2011, n° 10-19.526).

Quel intérêt a l'acheteur de lever son option quand il sait que le vendeur ne le souhaite plus ? À part obtenir des dommages et intérêts ? Pourquoi attendre de lever l'option après la rétractation, si la volonté d'acheter était là à 100% dès le début ? Cela permet donc de protéger le vendeur de manoeuvres fallacieuses.

II°) L'exécution forcée de la promesse unilatérale n'est pas contraire aux droits de l'Homme

A.   Un engagement volontaire et irrévocable : droit de propriété et de liberté contractuelle préservée

La promesse de vente est un engagement de la part du vendeur qui a valeur de vente le concernant et n'attend que l'accord de l'acheteur pour le finaliser selon l'article 1124 modifié par l'ordonnance du 10 février 2016 qui indique que "Le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire, de sorte que la formation du contrat promis malgré la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne porte pas atteinte à la liberté contractuelle et ne constitue pas une privation du droit de propriété" est déjà un acte de vente.

Le promettant donne son consentement à un contrat. Pour la Cour de cassation, le promettant a consenti à un contrat et, dès lors, l'atteinte à sa liberté contractuelle ne peut être invoquée. L'objet du consentement du promettant n'est pas simplement l'engagement à conclure, mais la conclusion même du futur contrat, "dont les éléments essentiels ont déjà été déterminés".

En somme, il est tout simplement impossible pour le promettant de revenir sur un consentement qu'il a déjà exprimé ; le sort de la promesse ne peut dépendre que du bénéficiaire qui, tenu par un droit potestatif d'option, pourra s'exprimer en décidant de lever l'option. Le "droit d'opter" qu'accorde le promettant aux termes de l'article 1124, alinéa 1er, n'est que la conséquence d'un véritable consentement qu'il exprime.

Enfin, il n'y a pas privation du droit de propriété, car celle-ci a été librement consentie, or il n'y a de privation de propriété, que si le transfert s'opère contre la volonté du propriétaire (Cons. const. 12 nov. 2010, n° 2010-60 QPC; Cons. const. 6 oct. 2010, n° 2010-43 QPC).

De ce fait, l'engagement est considéré comme irrévocable, le contrat est par essence conclu selon l'alinéa 2 de l'article 1124 qui notifie qu'une "révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis".  L'engagement du promettant et son irrévocabilité est notifié comme constitutionnel et donc ne porte atteinte ni à la liberté contractuelle ni au droit de propriété.

Le promettant aurait dû sinon se réserver dans la promesse une possibilité de la révoquer pour être dans son droit (l'article 1124, al. 2 du Code ci ; vilB. Mercadal, Mémento Droit commercial n° 11946).

 

B.   La préservation de la force obligatoire du contrat et sa légitimité

De plus, l'exécution forcée "revêt une sorte de supériorité naturelle" parce qu'elle respecte la nature même du contrat. L'essence d'une obligation est d'être exécutée, le fait de sanctionner en nature prolonge et renforce la force obligatoire du contrat. Cette mesure forcée permettrait en aval de respecter la parole donnée en amont et appliquerait deux maximes traditionnelles : Pacta sunt servanda (les conventions doivent être respectées) et Nemo potest proprio facto se ad obligatione liberare (personne ne peut se libérer d'une obligation par son propre fait).

 Ainsi il en résulte que tant que l'exécution en nature du contrat est possible, les parties se doivent d'y procéder. De plus, en permettant l'effectivité du droit de créance, elle a un effet dissuasif, qui dissuaderait le débiteur de se soustraire à ses obligations et l'oblige à fournir au créancier le bien convenu.

Et ainsi, la force obligatoire du contrat et son efficacité est maintenue, car sinon à quoi bon faire un contrat s'il peut être révoqué facilement et sans conséquences ? Ainsi la promesse unilatérale de vente n'est pas faite à la légère et conserve sa force d'engagement et d'efficacité en tant que contrat.

 

En conclusion, l'action d'exécuter de force la promesse unilatérale de vente n'est pas contraire à la liberté contractuelle, ni au droit de propriété par le simple fait que le promettant s'est engagé et a consenti à la vente même si celle-ci est en différée. On peut cependant s'interroger sur le bien-fondé d'un consentement à un temps donné T en attente de la validation du futur acheteur à un temps donné T+1.

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