La discrimination positive : une notion américaine appliquée en droit du travail français ?

La notion de « discrimination positive » provient des Etats-Unis et a pris naissance dans les années 1960. À cette époque, il s’agissait de contrebalancer, corriger les inégalités dont étaient victimes les minorités raciales dans le pays. 

Cette notion a été difficilement acceptée en droit français et pour cause, les dispositions contenues au sein de l’article 1er du texte constitutionnel suprême prévoient le principe d’égalité devant la loi. En effet, ces dispositions prévoient très clairement, et fermement, que « La République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction de race ou de religion. » 

Comme précisé ci-dessus, cette notion a été introduite en droit français de manière difficile, au travers notamment de normes strictes et dans bien des cas de manière véritablement indirecte. 

 

Comment s’illustre la notion de discrimination positive en droit français ?

Pour débuter notre développement sur cette notion de discrimination positive en droit du travail français, il est important de revenir sur les dispositions contenues au sein de l’article L. 1132-1 du Code du travail. Ces dispositions prévoient que l’égalité de traitement constitue le socle du droit du travail national. Cela revient donc à dire, en d’autres termes, qu’est prohibée toute forme de discrimination, de distinction entre les salariés qui serait en vérité motivé par des critères reposant, par exemple, sur leur sexe ou encore leur origine. 

Ces premières constatations étant effectuées, n’est-il pourtant pas vrai que certains textes autorisent des mesures spéciales concernant certaines catégories de publics ? En effet certains textes existent en ce sens et prévoient de telles mesures : toutefois il nous faut impérativement garder à l’esprit que ces mesures existent uniquement lorsque celles-ci répondent à un objectif d’intérêt général. Ceci illustre donc bien leur existence juridique mais surtout le respect d’un cadre strict les concernant. L’on peut relever deux exemples : tout d’abord, les dispositions contenues au sein de l’article L. 1143-1 du Code du travail qui permet l’instauration de plans d’action concernant l’égalité entre les hommes et les femmes ; ou bien encore, l’instauration de politiques spécifiques, en ville, et qui contribuent, encouragent l’emploi des jeunes issus de certains quartiers. 

 

Il est donc nécessaire de comprendre que de telles mesures sont autorisées et justifiées en ce sens où elles opèrent une différenciation qui ne revêt pas la nature d’un traitement arbitraire ; elles sont au contraire, à la fois, justifiées et encadrées. 

 

Pourquoi les cas français de discriminations positives ne sont-ils pas plus nombreux ? 

Comme nous l’avons précisé dans notre propos introductif, notre texte constitutionnel suprême revêt un obstacle de taille dans l’expansion de cette notion et de son application en droit du travail français. En effet le principe d’égalité doit être impérativement respecté et le Conseil constitutionnel y veille avec force et ferveur lorsqu’il rend ses décisions. 

Il est donc intéressant de relever la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel à cet égard. Ainsi, selon lui, la notion d’égalité n’empêche en aucun cas « que des situations différentes soient traitées différemment ». Il en est par ailleurs de même concernant des situations qui sont identiques : celles-ci peuvent être traitées de manière différente. Néanmoins, le Conseil constitutionnel rappelle que la différence de traitement qui en découle « [doit] être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. » Ces règles découlent directement de la décision du Conseil constitutionnel, rendue en date du 18 novembre 1982 (cf. n-82-146 DC). 

Il est par conséquent important de retenir qu’une mesure de discrimination positive, pour être acceptée juridiquement et conforme à la Constitution française, doit se fonder sur une différence de situation devant nécessairement être appréciable d’un point de vue objectif ; recherche un but légitime et donc un intérêt général ; qu’enfin, la mesure doit être proportionnée à l’objectif susmentionné. 

Pour le cas où ces différents critères ne seraient pas respectés, la mesure ne saurait être acceptée et serait nécessairement déclarée comme étant contraire à la Constitution. 

 

Une notion strictement encadrée 

Il est clair, compte tenu des éléments rappelés de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que cette notion est strictement encadrée. Il en est de même concernant la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière. Par exemple, la Cour a pu retenir qu’une mesure qui favorisait un groupe déterminé sans qu’une justification suffisante ne soit apportée est impossible. Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui avait été inscrite dans une convention collective et qui avait pour effet de favoriser des salariés en fin de carrière. Cette mesure a été annulée puisqu’elle était dépourvue de motif objectif (cf. en ce sens, Cass. soc., 06/06/2006, n-04.41.410).

Notons enfin, concernant les quotas, que ces derniers demeurent prohibés, à l’exception de cas déterminés et justifiés, tels que les travailleurs handicapés, par exemple. 

 

Quels sont les recours possibles ? 

Dans l’hypothèse où un salarié ou bien un candidat considère qu’il a été victime d’une discrimination, peu importe sa nature, celui-ci est en mesure de saisir tout d’abord le Conseil des prud’hommes à ce sujet ; en informer le Défenseur des droits qui pourra, s’il suspecte de telles discriminations, préconiser des sanctions ; ou encore fonder une action sur la base juridique de l’article L. 1132-1 susmentionné ou sur la base juridique des principes généraux du droit européen. 

Retenons que sur plus plan européen, la Cour de justice de l’Union européenne approuve certaines mesures de discrimination positive lorsque celles-ci n’ont pas pour effet d’établir une priorité systématique à telle ou telle catégorie de publics (par exemple une discrimination positive fondée sur le sexe). 

On l’a vu, cette notion de discrimination positive en droit français n’a pas réellement trouvé une place importante d’autant plus que celle-ci doit nécessairement respecter des principes de valeur supérieure et ne saurait échapper au contrôle de constitutionnalité. 

 

Références

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045391841

https://www.legifrance.gouv.fr/cons/id/CONSTEXT000017667392#:~:text=et%20relative%20...-,Décision%2082%2D146%20DC%20%2D%2018%20novembre%201982%20%2D%20Loi%20modifiant,listes%20électorales%20%2D%20Non%20conformité%20partielle

https://www.rh-partners.com/la-discrimination-positive-un-atout-pour-les-femmes/