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L'arrêt Manoukian du 26 novembre 2003

Il s'agit d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 novembre 2006 relatif à la rupture fautive des pourparlers et à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de réaliser les gains escomptés du contrat.

L'arrêt Manoukian du 26 novembre 2003

Credit Photo : Pexels


Faits de l'espèce

La société « Alain Manoukian » avait engagé avec les actionnaires de la société « Stuck » des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société. Les pourparlers engagés entre la société « Alain Manoukian » et les actionnaires de la société « Stuck » ont conduit à l'établissement d'un projet d'accord de cession. Par la suite, la société « Alain Manoukian » a appris que les actionnaires de la société « Stuck » avaient consenti à une autre société, la société « Les Complices », une promesse de cession des actions de leur société. Dès lors, la société « Alain Manoukian » a demandé à ce que les actionnaires de la société « Stuck » et la société « Les Complices » soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers.


Procédure

Les actionnaires de la société « Stuck » ont été condamnés par la Cour d'appel à payer à la société « Alain Manoukian » la somme de 400 000 francs à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture fautive des pourparlers. Ces derniers se sont donc pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel.

La société « Alain Manoukian » s'est également pourvue en cassation puisque celle-ci fait grief à la Cour d'appel d'avoir limité à 400 000 francs la condamnation prononcée à l'encontre des actionnaires de la société « Stuck », somme ne comprenant que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles avait fait procéder la société « Alain Manoukian » à l'exclusion donc du préjudice subi par la victime du fait de la perte de chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat.

La société « Alain Manoukian » reprochait également à la Cour d'appel d'avoir mis hors de cause la société « Les Complices » alors que celle-ci s'était engagée par avance envers les actionnaires de la société « Stuck » à prendre à sa charge une éventuelle indemnité prononcée contre ces derniers en cas de rupture des pourparlers auxquels ces derniers auraient pu se livrer avec un tiers.


Problèmes de droit

Trois problèmes de droit peuvent être identifiés dans l'arrêt Manoukian :

- Existe-t-il une obligation de bonne foi pendant les pourparlers ?
- Le préjudice indemnisable subi par la victime résulte-t-il de la perte de chance qu'avait cette dernière de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ?
- Le fait pour un tiers de conclure un contrat promettant de prendre à sa charge d'éventuelles condamnations pour rupture abusive des négociations constitue-t-il une faute délictuelle ?


Solutions de la Cour de cassation

Concernant la première question, la Cour de cassation considère qu'il existe bel et bien une obligation de bonne foi pendant les pourparlers. Ainsi, la rupture unilatérale et de mauvaise foi des pourparlers peut être sanctionnée. En l'espèce, la Cour de cassation considère que la solution de la Cour d'appel est parfaitement justifiée en ce qu'elle a condamné les actionnaires de la société « Stuck » à payer à la société « Alain Manoukian » la somme de 400 000 francs à titre de dommages et intérêts. En effet, les parties étant parvenues à un projet d'accord, il n'était pas anormal pour l'acquéreur de penser que la cession allait avoir lieu. Cependant, le fait que les cédants aient mené des négociations parallèles avec un tiers, négociations qui ont abouti à la conclusion d'un contrat avec ce tiers, est fautif dès lors que ces derniers n'avaient informé la société « Alain Manoukian » de cette conclusion qu'une quinzaine de jours après tout en continuant à lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la société retardait la signature du protocole.

Concernant la deuxième question, la Cour de cassation considère que la « faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels » ne peut être la cause « du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ». Ainsi, c'est uniquement le dommage causé par la rupture abusive qui est réparé et l'on ne peut pas espérer voir réparer ce que l'on aurait pu gagner par la conclusion du contrat. La Cour de cassation a donc décidé de n'accorder à la victime que la réparation des frais exposés durant la négociation.

Concernant la troisième question, la Cour de cassation considère qu'il n'était pas possible de retenir la responsabilité civile de la société « Les Complices » puisque celle-ci a simplement exercé un droit, droit relevant de la liberté contractuelle et qui ne constitue donc pas une faute. En effet, « le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manoeuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ».


Commentaires

Depuis cet arrêt Manoukian du 26 novembre 2003, la Cour de cassation maintient fermement l'orientation de sa jurisprudence. Il ressort ainsi de cet arrêt l'attachement de la jurisprudence française à la libre rupture des pourparlers. En effet, celle-ci considère que si la sanction était la conclusion forcée du contrat cela remettrait en cause le principe de la libre négociation et donc de la libre rupture des pourparlers.

La faute dans la rupture des pourparlers, qui doit donc être caractérisée, est réparée sur le fondement de l'article 1382 ancien du Code civil (article 1240 nouveau du Code civil), mais la réparation du dommage est limitée. En effet, il ne sera possible d'obtenir que le remboursement des frais exposés durant la négociation et qui n'ont pas débouché sur la conclusion du contrat espéré. Il faut donc admettre qu'il n'y a, en droit français, qu'une réglementation à minima des pourparlers.


Source : Arrêt Manoukian


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