L’encadrement juridique de la responsabilité des parents 

Aux termes de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil, les pères et mères sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Cette responsabilité repose sur une présomption de faute ou de responsabilité du fait d’autrui, même en l’absence de faute personnelle des parents, de sorte que soit garantie l’indemnisation des victimes, tout en exerçant une fonction éducative à l’égard des représentants légaux.

Avant Fullenwarth, la jurisprudence exigeait que l’enfant ait commis une faute civile pour que la responsabilité parentale puisse être engagée, mais une telle exigence posait des difficultés, notamment pour les jeunes enfants ou les faits involontaires. 

La Cour de cassation a ainsi été amenée à clarifier et assouplir ce régime, en faveur d’une protection plus étendue des victimes.

Les faits et la portée de l’arrêt Fullenwarth

Dans l’affaire Fullenwarth, un enfant de treize ans avait blessé un camarade en classe, en lançant une flèche à l’aide d’un arc artisanal. 

Pour autant, l’enfant n’avait pas manifesté d’intention malveillante, ni conscience de la gravité de son geste, de sorte que la Cour d’appel avait refusé d’engager la responsabilité des parents, faute de faute prouvée.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a pourtant censuré l’arrêt de la juridiction du fond, retenant que : « Pour que soit présumée, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 [ancien article 1242], la responsabilité des père et mère, il suffit que soit établi que le fait de l’enfant est la cause directe du dommage, sans qu’il soit nécessaire que ce fait présente les caractères de la faute. »

Ce raisonnement abandonne donc l’exigence de la faute de l’enfant, au profit de la seule imputabilité d’un fait causal dommageable. 

En résumé, dès lors que l’enfant a matériellement causé le dommage, les parents sont présumés responsables.

Les conditions de la responsabilité parentale après Fullenwarth

Le fait causal de l’enfant mineur

Le critère central issu de Fullenwarth est celui du fait causal. Peu importe que ce fait résulte d’une faute ou d’un comportement purement involontaire : il suffit qu’il ait directement provoqué le dommage, de sorte que le fait en question puisse être non fautif, involontaire, ou même accidentel.

Exemple : un enfant fait tomber un objet qui blesse un tiers, même sans intention ou maladresse particulière. 

La minorité de l’enfant au moment des faits 

La responsabilité ne s’applique que si l’auteur du fait est mineur non émancipé. Cette condition est appréciée au jour du fait générateur, et s’aligne sur le régime de l’article 1242, excluant tout enfant ayant atteint la majorité ou émancipé par décision judiciaire.

La cohabitation avec les parents 

La cohabitation n’exige pas une résidence permanente au sens strict. Selon la jurisprudence, elle implique une communauté de vie et d’autorité. L’enfant placé provisoirement peut néanmoins être considéré comme cohabitant si les parents conservent un pouvoir d’encadrement. 

Les conséquences pratiques de l’arrêt Fullenwarth

L’arrêt Fullenwarth institue une présomption de responsabilité difficilement réfragable, et la charge de la preuve s’en trouve allégée pour les victimes, puisqu’il leur suffit depuis de démontrer que le mineur a causé un dommage pour engager automatiquement la responsabilité des parents. Ces derniers peuvent tenter de s’exonérer, mais à condition de démontrer une cause étrangère.

L’arrêt a également permis une indemnisation plus large et rapide des victimes, notamment en matière scolaire, domestique ou sportive. Il n’est plus nécessaire de démontrer la capacité de discernement ou la conscience de l’acte de l’enfant. Cela s’applique même aux enfants très jeunes ou porteurs de troubles.

Enfin, l’arrêt rappelle que la responsabilité des parents est aussi un outil d'encadrement de l'autorité parentale. En engageant leur responsabilité quasi automatique, la jurisprudence encourage une surveillance effective et continue des enfants, quel que soit leur âge. 

Une jurisprudence confirmée et affinée

L’arrêt Fullenwarth a été confirmé par de nombreux arrêts, notamment ceux dits : Gabillet, Derguini et Lemaire du 9 mai 1984, qui ont réaffirmé que l’absence de discernement ne fait pas obstacle à l’imputabilité du fait. Ainsi, même un enfant de trois ans peut engager la responsabilité de ses parents s’il est à l’origine d’un dommage. 

Le fondement de la responsabilité parentale s’est ainsi progressivement détaché de l’analyse morale ou psychologique, le droit ayant opté pour une logique de répartition des risques, où la responsabilité est assumée par celui qui a autorité sur l’enfant, indépendamment de la volonté ou de l’intention de ce dernier.

L’arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984 constitue une pierre angulaire du droit de la responsabilité civile, car en supprimant l’exigence de faute, il a renforcé l’effectivité du droit à réparation pour les victimes. Sa portée dépasse largement les seules situations scolaires ou familiales : elle traduit un basculement du droit vers une logique objective et distributive du risque.

Pour les juristes comme pour les praticiens du droit, Fullenwarth reste une référence incontournable, régulièrement mobilisée dans les contentieux impliquant des mineurs, et illustre parfaitement la manière dont la jurisprudence peut faire évoluer en profondeur l’interprétation d’un article fondamental du Code civil. 

Références : 

  • Cour de cassation le 9 mai 1984 n°79-16.612) ;

  • Article 1242 alinéa 4 du Code civil (anciennement 1384)

  • « Les grands arrêts de la jurisprudence civile » -  Henri Capitant, François Terré et Yves Lequette, DALLOZ – 2015 ; 
  • « Droit des obligations 2025 » - Stéphanie Porchy-Simon, DALLOZ – 2025.