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Proposition d'un nouveau délit routier suite à l'affaire Pierre Palmade

Suite à l'affaire Pierre Palmade qui a récemment défrayé la chronique, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a décidé de proposer la création d'un nouveau délit routier. Il s'agirait d'un délit « d'homicide routier » qui concernerait les accidents mortels dus à l'utilisation de l'alcool et de la drogue. Toutefois se posent certaines questions à ce sujet. Décryptage.

Proposition d'un nouveau délit routier suite à l'affaire Pierre Palmade

Crédit Photo : Délit routier © Archives Thibault Toulemonde

Proposition d’un nouveau délit routier

A l’occasion d’une interview, Gérald Darmanin a précisé qu’il souhaitait la mise en œuvre d’un nouveau délit routier, et plus spécifiquement un délit « d’homicide routier » alors qu’il s’exprimait sur l’affaire Pierre Palmade. Souvenez-vous, début février 2023, l’humoriste avait été impliqué dans un accident de la circulation alors même qu’il était sous l’emprise de produits stupéfiants.
Le ministre de l’Intérieur a précisé, sous ce rapport, qu’il travaillait avec le Garde des Sceaux pour que soit prévu le délit « d’homicide routier » au regard des accidents mortels consécutifs à l’usage de la drogue et de l’alcool. Interrogé, celui-ci a mentionné le fait que cette réflexion était en cours depuis fin 2022, soit bien avant la survenue de cette affaire médiatique, et « sur proposition des associations ». Il souhaiterait également profiter de cette proposition pour que soit acté le retrait des 12 points du permis de conduire à toutes les personnes qui auraient consommé de la drogue et qui auraient été contrôlés positifs à ces substances. Cela permettrait de contrecarrer les règles actuellement en vigueur en la matière et qui prévoient que ce retrait n’est possible que si l’usager est en situation de récidive.

Que prévoit la loi actuelle ?

Il est intéressant de noter ce que contient la loi actuelle. En effet, il est prévu qu’un individu qui est impliqué dans un accident de la circulation et qui a entrainé la mort d’au moins une personne peut être reconnu coupable d’homicide involontaire. Or les dispositions contenues dans le Code pénal, à ce jour, ne prévoient pas d’infraction particulière dans ce cas précis, ce code prévoyant notamment que l’automobiliste impliqué dans un accident mortel doit nécessairement être à l’origine de celui-ci, soit parce qu’il a commis une infraction au Code de la route, soit parce qu’il a commis une imprudence manifeste. Certaines circonstances sont considérées comme aggravantes, ce qui est le cas dans la consommation de stupéfiants ou lorsque le taux d’alcoolémie est supérieur aux limites autorisées par la loi.

Quid de la précédente proposition de loi analogue ?

Il faut noter qu’une proposition de loi analogue « visant à prévenir et sanctionner la délinquance routière » fut déposée à l’Assemblée nationale en novembre dernier. Son article 4 prévoit notamment la qualification juridique de « l’homicide routier » qui s’appliquerait à tous les homicides involontaires résultant d’un accident de la circulation. A priori, il ne s’agirait pas de refondre, de réformer les éléments constitutifs de cette infraction ni même l’ensemble des peines qui sont applicables en pareil cas.

Une proposition d’opportunité pour un contenu vide ?

Ce type de proposition de loi fait l’objet de vives critiques. En effet, il s’agirait principalement de satisfaire les attentes des associations de défense des victimes d’accidents de la circulation routière, ces dernières considérant qu’un accident mortel consécutif à l’usage de la drogue ou de l’alcool par un conducteur ne devrait pas être dénommé « homicide involontaire ». Cet usage est, pour elles, un comportement à risque et strictement volontaire.
En outre, si la création d’un nouveau délit routier est louable sur le papier, il n’en reste pas moins que si de nouvelles sanctions applicables à celui-ci ne sont pas créées, alors il serait dénué de sens et de portée juridique forte.

Une proposition à l’origine de questionnements

Tout d’abord il est opportun de relever le fait que cette annonce est intervenue dans la continuité de l’accident de la circulation dont Pierre Palmade, figure emblématique de l’humour français, est à l’origine. Elle est donc la conséquence d’une réaction à chaud suite à un drame médiatique mais non nécessairement isolé.
Ensuite se pose la question de savoir s’il ne s’agit pas plutôt d’un glissement certain vers la notion d’homicide volontaire. C’est ce qu’a notamment souligné le sénateur Jean-Louis Fichet. Ce dernier souligne par ailleurs qu’un individu qui fait usage d’un produit stupéfiant et qui utilise sa voiture par la suite ne se pose pas nécessairement la question de savoir s’il va effectivement, ou non, donner la mort à autrui. Pour lui, le simple fait de retirer le qualificatif « involontaire » à l’infraction en cause n’a pour autre conséquence ultime que d’amplifier davantage la notion. Ce dernier se pose finalement la question sur une possible application à d’autres cas particuliers dans l’hypothèse d’un vote favorable au Parlement ce qui pourrait être potentiellement dommageable.
Il peut aussi être utile de relever qu’en l’état du droit pénal français actuel, il reste une possibilité à tout juge de requalifier juridiquement un homicide involontaire en homicide volontaire. Si des règles existent déjà en la matière, pourquoi vouloir en créer de nouvelles surtout si le contenu de celles-ci est encore trop imprécis ? Surtout pour ne pas vouloir renforcer les règles déjà existantes au lieu de (toujours ou presque) réagir suite à une affaire qui a défrayé la chronique ?
On le voit donc, la réflexion autour de cette proposition devrait être plus approfondie et les questions qu’elle pose devraient être véritablement prises en compte afin de renforcer efficacement la lutte contre les délits routiers. Retenons, en fin de compte, que cette proposition apparait actuellement comme étant sans véritable intérêt sur le plan répressif. Reste pour le moment à espérer que les parlementaires, à l’occasion de la procédure législative, s’empareront de ces questionnements et tenteront de pallier les difficultés pratiques dont cette proposition est à l’origine.

Références
https://www.actu-juridique.fr/ntic-medias-presse/cette-semaine-chez-les-surligneurs-un-nouveau-delit-dhomicide-routier-pour-quoi-faire/
https://www.publicsenat.fr/article/societe/le-delit-d-homicide-routier-propose-par-darmanin-le-risque-de-la-coquille-vide
https://www.francetvinfo.fr/societe/drogue/drogue-et-alcool-au-volant-quatre-questions-sur-le-delit-d-homicide-routier-que-gerald-darmanin-souhaite-creer_5667548.html
https://www.liberation.fr/societe/police-justice/creation-dun-delit-dhomicide-routier-cest-un-peu-de-pommade-sur-une-cicatrice-20230219_4MF37RWS3VA6NF2RV4INI75D7Q/

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