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Les principes de neutralité et laïcité appliqués à un salarié de droit privé oeuvrant pour une collectivité publique

Dans une décision rendue le 19 octobre dernier (cf. décision n 21-12.370), la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'une cour d'appel qui considérait que le licenciement d'un salarié était discriminatoire du fait de propos tenus sur son compte personnel Facebook, propos contraires aux principes de neutralité et de laïcité. Pourquoi a-t-elle décidé ainsi ? Décryptage.

Neutralité et laïcité

Credit Photo : Wikipedia

 

Les faits de l'espèce et la solution retenue

Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté, il s'agissait d'un individu embauché d'abord en CDD puis en CDI par une mission locale avant d'être finalement mis à disposition d'une commune. Celui-ci sera licencié pour faute grave par ladite mission locale. Celle-ci a considéré que les propos qu'il avait tenus sur son compte personnel Facebook, mais accessible à tout un chacun étaient incompatibles avec l'exercice de ses missions. Il avait notamment tenu des propos de nature politique et religieuse, et ceux-ci furent considérés comme portant atteinte à l'obligation de neutralité du salarié ; cette atteinte fut, pour la mission locale, caractérisée par un manquement au devoir de réserve ainsi qu'au respect de la laïcité.

Les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation décideront finalement de casser et d'annuler la décision rendue par les juges d'appel en ce que ces derniers n'ont pas recherché si le fait de consulter le profil Facebook de l'individu concerné « permettait son identification » en tant que conseiller d'insertion sociale et professionnelle, « notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels [il] exerçait ses fonctions ». Pour la Cour de cassation, les juges d'appel n'ont pas non plus recherché si les propos en cause « étaient susceptibles de caractériser un manquement à l'obligation de réserve du salarié [mis à disposition d'une collectivité territoriale] en dehors de l'exercice de ses fonctions. » Cette affaire sera de nouveau jugée par la Cour d'appel.

Au-delà de ces considérations prétoriennes, cette affaire constitue pour nous l'occasion de revenir sur cette notion d'obligation de réserve en droit français.

L'obligation de réserve : qu'est-ce que c'est ?

L'obligation de réserve est une notion d'origine prétorienne qui trouve son fondement dans la décision Bouzanquet du Conseil d'Etat du 11 janvier 1935 (cf. décision n 40842). Elle implique que tout agent public doit s'y conformer. Dans la pratique, elle implique le respect d'un comportement respectueux.
Ce respect peut, par ailleurs, revêtir une importance plus ou moins conséquente eu égard à la profession, mais aussi au rang hiérarchique de l'agent, et ne trouve pas à s'appliquer uniquement que dans le cadre du service, mais également en dehors de celui-ci, c'est-à-dire dans la vie privée de l'agent. Autrement dit, cela signifie que l'agent ne doit pas adopter un comportement qui porterait atteinte à l'image du service auprès des usagers et qui résulterait finalement sur l'émergence d'une suspicion sur son aptitude à respecter en effet les différents principes appliqués au service public.
Dans une décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme (cf. 14/03/2002, De Diego Nafrica c/ Espagne, n°46833/99), les juges avaient retenu que, du fait de leur statut, les membres de la fonction publique peuvent être soumis à une obligation de réserve.

Dans notre cas d'espèce, les juges de la Cour de cassation ont examiné l'affaire en deux temps distincts.

D'abord, elle s'est penchée sur l'obligation de réserve telle qu'appliquée à un salarié de droit privé qui est embauché par une mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Il convient de relever que ce type de mission locale appartient au service public de l'emploi et que, dès lors qu'elle est constituée sous la forme d'une association, elle devient une personne de droit privé gérant un service public. Par voie de conséquence, les principes de laïcité d'une part, de neutralité d'autre part doivent y être appliqués : le salarié de droit privé qui est embauché par une telle mission locale, elle-même constituée sous forme d'association, doit respecter ces deux principes et est également soumis à une obligation de réserve, même en dehors de l'exercice de ses fonctions, et donc dans sa vie privée.

Ensuite, la Cour de cassation s'est penchée sur l'obligation de réserve telle qu'appliquée à un salarié de droit privé qui est mis à disposition d'une commune, et donc, d'une collectivité territoriale.
Il se peut que, dans la pratique, des salariés de droit privé soient mis à la disposition d'une collectivité territoriale du fait de leur « qualification technique spécialisée » ; toutefois, bien que salariés de droit privé, ces derniers oeuvrant dans un service public sont également soumis à l'ensemble des règles d'organisation, mais aussi de fonctionnement dudit service, ainsi qu'aux différentes obligations incombant aux fonctionnaires (cf. en ce sens les dispositions de l'article L.334-1 du Code général de la fonction publique). Il en est également de même au regard des différentes règles de nature déontologique qui s'imposent non seulement aux fonctionnaires, mais aussi aux personnels de droit privé qui sont effectivement mis à disposition des collectivités territoriales (cf. dispositions contenues au sein du décret n°2008-580 du 18 juin  2008).

Au vu de ces différentes constatations effectuées par les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation, il peut être conclu que tout salarié de droit privé, effectivement mis à disposition d'une commune, doit nécessairement respecter non seulement les principes de laïcité et de neutralité, mais il est par ailleurs contraint de respecter l'obligation de réserve même en dehors de l'exercice de ses fonctions. Cette obligation de réserve, qui est pour rappel plus ou moins exigeante eu égard à la fonction tout d'abord, mais aussi du rang hiérarchique de l'agent ensuite, relève explicitement de l'appréciation souveraine des juges du fond.

 

Sources : Légifrance, Le mag juridique, Landot avocats, Le portail de la fonction publique

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