Consultez
tous nos documents
en illimité !

ABONNEZ-VOUS

à partir de
9.95 €
sans engagement
de durée

Voir les offres

Inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux

Proposition d'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux et dans la Constitution suite à la fin de protection fédérale aux Etats-Unis.

Le Parlement européen s'est prononcé la semaine dernière pour l'inscription du droit à l'avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

Credit Photo : Mathieu Cugnot / Parlement européen

Quelques heures seulement après l’annonce de la fin de la protection fédérale du droit à l’avortement aux Etats-Unis, qui fait suite au renversement de l’arrêt Roe v. Wade, la France suivie d’autres pays européens ainsi que le Parlement européen ont décidé de proposer des mesures pour que ce droit durement acquis soit préservé et davantage protégé. Ainsi, Renaissance (qui remplace la LREM) mais également la NUPES ont déposé un projet de loi constitutionnelle allant en ce sens. Quelques jours plus tard les eurodéputés se sont, eux aussi, emparés de ce sujet. Ces propositions revêtent-elles la nature d’une fausse bonne idée ? Décryptage.

Une volonté européenne de renforcement de la protection du droit à l’avortement

Témoins du recul avéré de la protection du droit des femmes à recourir à l’avortement outre-Atlantique, les eurodéputés se sont emparés de la question de sa protection pour les citoyennes européennes. En effet début juillet, le Parlement européen a proposé au Conseil de l’insérer dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec 324 voix pour.
Il s’agit ici d’une proposition somme toute empreinte d’un symbole fort puisque la Charte des droits fondamentaux dispose de la même valeur que les traités européens et dispose donc, en ce sens, d’une valeur juridique contraignante pour les 27 Etats membres.
Cependant il nous faut préciser que pour être utile, une telle modification de cette Charte des droits fondamentaux requiert l’unanimité des Etats membres de l’Union européenne, unanimité sans laquelle il sera en effet impossible d’y inscrire le droit à l’avortement. Toutefois on le sait aujourd’hui les 27 Etats membres sont plus que divisés sur un certain nombre de sujets, le droit à l’avortement compris. Pour tenter de contrer cette difficulté d’ordre procédural, le Parlement européen réuni en session plénière en a également profité pour demander au Conseil de remettre en cause cette règle qui pose problème notamment pour les Etats membres qui souhaiteraient plus de protection des droits à l’échelle européenne. Les eurodéputés, dans leur résolution, avaient notamment déploré un net recul du droit des femmes dans certains Etats membres de l’organisation internationale…
Emmanuel Macron avait déjà proposé une telle inscription lors de sa présidence de l’Union européenne. Le Parlement européen fut précédé de plusieurs propositions allant dans le même sens en France. Qu’en est-il ?

Une volonté nationale de renforcement de la protection du droit à l’avortement

Quelques heures après la décision de la Cour Suprême américaine, Renaissance sous l’impulsion de sa présidente à l’Assemblée nationale Aurore Bergé, et la NUPES d’après une proposition de Mathilde Panot, ont chacune avancé l’idée de déposer un projet de loi constitutionnelle qui viserait à protéger sur le plan constitutionnel le droit à l’avortement en France. La proposition d’Aurore Bergé a par ailleurs rapidement reçu le soutien du gouvernement, la Première ministre ayant tweeté à ce sujet que « nous devons graver cet acquis dans le marbre ». Toutefois ces propositions posent certains questionnements auxquels nous allons répondre.
D’abord, ce droit pourrait-il être réellement remis en cause voire totalement interdit en France ? En vérité si un grand nombre de députés conservateurs parvenaient à obtenir une majorité à l’Assemblée nationale, cette idée de supprimer ou restreindre plus ou moins fortement le droit à l’avortement pourrait voir le jour. Néanmoins Gwénaële Calvès, Professeure de droit public, en doute fortement aussi bien pour la France que pour d’autres pays européens, à l’exception notable de la Pologne. Pour elle, donc, la loi Veil du 17 janvier 1975 n’est pour l’heure pas remise en cause dans l’Hexagone.
De plus, on sait que ni la Constitution ni le bloc de constitutionnalité ne comprennent directement une telle protection du droit à l’avortement. Ce droit n’est-il toutefois pas déjà protégé par le Conseil constitutionnel ? En fait le Conseil constitutionnel est intervenu, dans le cadre de sa jurisprudence, afin de le garantir, celui-ci ayant considéré que le droit à l’avortement résulte de l’application des droits fondamentaux contenus au sein du bloc de constitutionnalité. Plus exactement encore, s’il est vrai que ce droit ne dispose d’aucune valeur constitutionnelle, il est cependant considéré comme étant conforme à la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 et plus précisément son article 2.
Toutefois malgré cette protection prétorienne du droit à l’avortement, il faut noter que ce droit est davantage protégé en droit français en ce qu’il est consacré par des dispositions législatives, dont son fondement même : la loi Veil. N’oublions pas, effectivement, une précision de taille : toute jurisprudence peut être l’objet d’interprétation et peut en fin de compte être renversée. Au surplus cette hypothèse semble peu probable du fait que la loi Veil fut renforcée par le vote et l’entrée en vigueur d’autres lois, elles aussi soumises aux Sages du Conseil constitutionnel qui les ont jugées conformes à la Constitution.

La proposition d’inscription constitutionnelle de ce droit : une fausse bonne idée ?

On le voit, il existe un certain nombre de protections du droit à l’avortement en France. Force est tout de même de constater que certaines propositions actuelles visent à l’inscrire dans la Constitution. Or pour Anne Levade, Professeure de droit public, inscrire l’avortement dans la Constitution, « c’est se tromper de problème ». En effet, rien ne pourrait interdire les parlementaires français de limiter l’application de la loi dans le temps, et donc pour ses effets dans le futur.
Surtout et en dépit d’une telle inscription à valeur symbolique, il serait impossible d’inscrire dans la norme suprême l’ensemble des dispositions qui permettent l’encadrement de l’exercice effectif de ce droit, ces dispositions pouvant faire l’objet de modifications plus ou moins régulières. Tel fut en effet le cas en février 2022 par l’adoption de l’allongement du délai légal pour recourir à une IVG. Si le Parlement est en mesure d’en allonger le délai, il peut aussi décider de le restreindre plus ou moins fortement et ce, même si ce droit est inscrit dans la Constitution…

Références
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20220701IPR34349/inclure-le-droit-a-l-avortement-dans-la-charte-des-droits-fondamentaux-de-l-ue
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/07/le-parlement-europeen-demande-l-inscription-de-l-ivg-dans-les-droits-fondamentaux-de-l-ue_6133808_3210.html
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/07/07/acces-a-l-ivg-en-france-des-obstacles-perdurent-en-depit-de-recentes-avancees_6133817_4355770.html#:~:text=En%20France%2C%20l'avortement%20est,14e%20semaine%20de%20grossesse).
https://www.francetvinfo.fr/societe/ivg/vrai-ou-fake-le-droit-a-l-avortement-est-il-deja-integre-dans-la-constitution-comme-l-affirme-jean-francois-cope_5223988.html

 

Besoin d'un tuteur ? Nous pouvons vous aider !

Obtenir de l'aide pour mon devoir