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Élection ou nomination du Premier ministre ? Un point sur cette notion de droit constitutionnel

Souvenez-vous de la campagne présidentielle de 2022. Alors que celle-ci battait son plein et que le deuxième tour opposait le Chef de l'Etat sortant à Marine Le Pen (RN), Jean-Luc Mélenchon avait considéré que les élections législatives à venir constitueraient ce qu'il appelait le troisième tour de la présidentielle.

Élection ou nomination du Premier ministre ? Un point sur cette notion de droit constitutionnel

Credit Photo : THOMAS COEX/AFP

Il avait en effet appelé les électeurs français à voter pour son parti (qui comprendra par la suite divers partis de la gauche française pour devenir la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale, ci-après la NUPES) afin de l’élire Premier ministre et ainsi instaurer une cohabitation au sommet de l’Etat. Alors : élection ou nomination du Premier ministre ? Qu’en dit la Constitution ? Réponses.


« Elisez-moi Premier ministre ! », Jean-Luc Mélenchon

Alors que les résultats finaux de l’élection présidentielle n’étaient pas encore officialisés, Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise, avait répété à de nombreuses reprises son souhait que les électeurs français qui s’étaient mobilisés pour le porter en troisième place de cette élection l’élisent Premier ministre. Si les électeurs en décidaient ainsi lors des élections législatives à venir, et qu’ils décidaient de donner une majorité à l’Assemblée nationale à sa nouvelle alliance politique, la NUPES, il souhaiterait accéder au poste de Premier ministre et ainsi instaurer une cohabitation avec Emmanuel Macron. Cette ambition peut s’expliquer par une volonté détournée de pouvoir appliquer son programme présidentiel avorté du fait de sa défaite.
Toutefois, malgré la force de ce message clair et qui a pour objectif de continuer à mobiliser son électorat et celui de la gauche française, il n’en demeure pas moins qu’il n’existe pas, en droit constitutionnel français, d’élection du Premier ministre.


L’utilisation d’une formule inexacte

La lecture de l’article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958 renseigne sur la question. Il y est en effet prévu qu’il renvient exclusivement au Chef de l’Etat de nommer le Premier ministre, et non de l’élire. Il s’agit ici plus spécifiquement d’un des pouvoirs du Chef de l’Etat qu’il tient du texte suprême, et qui est un pouvoir non contresigné (notons également ici qu’il en est de même au regard de l’acte actant la fin des fonctions du Premier ministre après l’acceptation par le Président de la République de sa démission). Cela signifie que cet acte présidentiel de nomination du Premier ministre est dépourvu de toute obligation de contreseing. D’ailleurs cet acte intervient antérieurement à la nomination des autres membres du Gouvernement (cf. sous ce rapport, art. 8, al. 2, de la Constitution).


Une marge de manœuvre plus ou moins étendue

S’il revient effectivement au Président de la République de prendre un tel acte de nomination, il n’en reste pas moins qu’il nous faut souligner ici deux hypothèses très importantes au regard de la marge de manœuvre dont il dispose dans la pratique. En ce sens, ce choix est déterminé par le strict respect de la majorité parlementaire en place à l’Assemblée nationale ainsi que par le contexte politique pouvant varier d’un quinquennat à l’autre.
Ainsi pour le cas où le Chef de l’Etat bénéficie d’une majorité parlementaire au sein de l’Assemblée nationale et donc que cette majorité concorde avec sa propre majorité présidentielle, il peut librement choisir et nommer son Premier ministre. Emmanuel Macron a pu le faire en nommant Elisabeth Borne, Première ministre en début de semaine.
Or dans le cas inverse il se peut que le Président de la République n’obtienne pas de majorité parlementaire. A cet égard, même si son pouvoir de nomination qu’il tient de la Constitution demeure valable, sa liberté de choix est impactée et restreinte. Au surplus, il est intéressant d’observer qu’en pareille hypothèse le Président de la République s’efface quelque peu lors de la nomination des ministres et autres membres du Gouvernement. Néanmoins il détient toujours ce qui peut s’apparenter à un véritable droit de véto eu égard aux nominations inhérentes aux domaines des affaires étrangères et de la défense.


Une possible cohabitation future : une marge de manœuvre limitée du Chef de l’Etat

Au vu des considérations précédentes, si la NUPES obtenait une victoire au sein de l’Assemblée nationale, la liberté de choix d’Emmanuel Macron serait fortement impactée. Pourquoi ? Pour deux raisons principales et de nature purement politique. D’abord, la NUPES semble être fermement opposée à la nomination d’un autre Premier ministre que Jean-Luc Mélenchon. Aussi, ce dernier pourrait tout à fait arguer de sa propre légitimité qui résulterait de cette victoire populaire et politique aux législatives et qui contraindrait le Chef de l’Etat dans son choix.
Néanmoins il nous faut ici retenir que nous parlons également de politique et non uniquement de droit. Le Chef de l’Etat pourrait, sous ce rapport, se montrer particulièrement habile en cas d’une telle victoire. En effet, celui-ci pourrait mener des manœuvres visant expressément à scinder, à diviser cette nouvelle et potentielle majorité alors même qu’elle viendrait d’être fraichement élue. Comment ? En décidant de nommer un autre membre de la France Insoumise ou un autre membre de l’alliance NUPES. Ces membres pourraient bien évidemment refuser arguant d’une allégeance auprès de leur leader mais l’un d’entre eux pourrait aussi légitimement accepter, et in fine être nommé Premier ministre. Il pourrait alors apparaitre difficile de comprendre pourquoi l’Assemblée nationale procéderait à la censure de ce nouveau gouvernement qui résulterait de cette nomination (cf. art. 50 de la Constitution), ou bien encore de ne pas approuver le programme qui pourrait lui être présenté (cf. art. 49 de la Constitution). Ajoutons également que le gouvernement en fonction mettrait en œuvre le programme commun de la NUPES et s’opposerait ainsi aux volontés politiques du Chef de l’Etat : il est donc difficilement envisageable que l’Assemblée nationale s’oppose à cette nomination, autre que celle de Jean-Luc Mélenchon, ainsi qu’à celle du nouveau gouvernement…
Pour clore, outre les règles constitutionnelles en matière de nomination du Premier ministre, il est bien évidemment utile de rappeler qu’il s’agit dans notre développement d’un ensemble d’hypothèses au regard des actions qui pourraient être menées par le Chef de l’Etat. Qui sera nommé Premier ministre ? Réponse dans quelques semaines à l’issue des élections législatives...


Références
Pauline Türk, Les Institutions de la Ve République, éd. Gualino, Paris, p.50 ; pp.70-71
https://www.nouvelobs.com/elections-legislatives-2022/20220425.OBS57652/melenchon-peut-il-etre-elu-premier-ministre-comme-il-le-demande-aux-francais.html
https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur
https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/jean-luc-melenchon-demande-aux-francais-de-l-elire-premier-ministre-en-votant-aux-legislatives-3e5418ee-bfef-11ec-8a9b-dbc446233504

 

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