Les deepfakes : de quoi parle-t-on ?
Les deepfakes sont constitutifs d’images ou bien de vidéos modifiées. Ceux-ci sont créés grâce à une technique particulière d’intelligence artificielle qui emploie et applique des données dites d’apprentissage afin de créer de contenus (relatifs à des individus ou des objets) qui copient la réalité.
Plus exactement les deepfakes, aussi appelés en français les « hypertrucages », sont définis par l’article 3 du règlement UE 2024/1689 du 13 juin 2024, dit Règlement sur l’IA, comme « une image ou un contenu vidéo ou audio » qui est en vérité créé ou manipulé par l’intelligence artificielle, qui présente des ressemblances avec des individus ou des objets, et qui peut « être perçu à tort par une personne comme authentiques ou véridiques ».
Il nous faut ici noter que les deepfakes constituent un nouveau moyen de communication et un nouveau moyen d’expression effectivement utilisés dans nombre de domaines variés, et qui relève donc de la liberté d’expression.
S’ils sont par principe licites, à condition de respecter les critères (consentement, transparence et respect du droit d’auteur) posés au niveau européen par le règlement susmentionné et au niveau national par la loi SREN du 21 mai 2024, leur utilisation peut néanmoins être illicite.
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Quelles sont les catégories de deepfakes ?
Il existe de plus en plus de deepfakes présentant un double caractère illicite et frauduleux. À cet égard il existe différentes catégories que nous allons évoquer brièvement. Ainsi, il pourra s’agir d’une usurpation d’identité d’une personnalité connue, dans la majorité des cas, afin de manipuler l’opinion publique par exemple. Il pourra aussi s’agir une atteinte à l’image et une attente à la vie privée d’un individu en droit civil lorsque l’image (ou bien la voix) est utilisé sans obtention préalable de son accord au sens des dispositions de l’article 9 du code civil.
Quelles sont les règles juridiques de lutte contre cette catégorie de deepfakes ?
Il apparaît intéressant de noter que le droit (français et européen) était perfectible à l’égard de la lutte contre ce type de deepfakes illicites. C’est en ce sens que sont intervenus au niveau du droit de l’Union européenne le Règlement sur l’IA susmentionné, mais aussi le Règlement général sur la protection des données du 27 avril 2026, et au niveau national, notamment, la loi n-2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite loi SREN.
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Le consentement d’une personne dont la voix ou l’image sont utilisées :
Ici, ce sont les dispositions de l’article 226-8 du Code pénal qui prévoient que le fait de diffuser un deepfake qui utilisent la voix et/ou l’image d’un individu sans avoir obtenu préalablement son consentement, pour le cas où il n’est pas précisé dans la publication en cause le caractère artificiel, ou si la mention de l’utilisation de l’intelligence artificielle fait défaut, est puni d’1 an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à 2 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque le deepfake est diffusé en ligne.
Notons aussi que l’image et la voix d’une individu revêtent la nature d’une donnée à caractère personnel au sens du droit de l’Union européenne et du RGPD susmentionné dont les différentes dispositions prévoient aussi des sanctions d’ordre pécuniaire.
Quid de l’obligation de transparence et de sa méconnaissance ?
Lorsque l’obligation de transparence prévue par le règlement européen sur l’intelligence artificielle est méconnue, ce dernier prévoit en son article 99 qu’une amende administrative peut être prononcée et le montant de celle-ci peut s’élever à 15 millions d’euros, ou bien s’élever à 3% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’année précédente si le deepfake est créé par une entreprise.
Qu’en est-il du caractère pornographique d’un deepfake ?
La loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique a mis en place une infraction particulière concernant les deepfakes représentant la voix et/ou l’image d’un individu, et présentant un caractère sexuel sans avoir obtenu de manière préalable de la personne concernée par celui-ci. C’est en ce sens qu’intervient dorénavant l’article 226-8-1 du Code pénal : le droit français prévoit ainsi dans ce cas une peine de 2 ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende. L’article 15 de cette même loi prévoit que ces peines sont portées à 3 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende pour le cas particulier d’une publication en ligne du deepfake.
Quid finalement d’une utilisation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ?
Le droit ne reste pas non plus silencieux concernant l’utilisation d’une œuvre en effet protégée par le droit d’auteur alors que celle-ci n’est pas autorisée.
Plus spécifiquement, concernant cette dernière hypothèse, ce ne sont pas les dispositions du code civil ou du code pénal qui s’appliquent mais les dispositions du code de la propriété intellectuelle, plus exactement les dispositions contenues au sein de son article L.335-2. Ceci démontre que le droit, et ses nombreuses branches trouvent à s’appliquer dans le cadre particulier de la diffusion, la publication de deepfakes. A ce sujet, il est tout à fait envisageable de considérer des poursuites par l’auteur, ou par les ayants droit de celui-ci, dans l’hypothèse où une œuvre en effet protégée par le droit d’auteur est utilisée dans le cadre de la réalisation d’un deepfake, lorsque son consentement (ou celui de ses ayants droit) n’a pas été obtenu. Il s’agira ici de poursuites en contrefaçon. Au sens des dispositions de l’article L.335-2 susmentionné, la peine peut s’élever à 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
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En conclusion, il est important de garder à l’esprit que le droit entourant les deepfakes est mouvant, qu’il se fortifie ce qui, in fine, permet et continuera de permettre aux victimes de mieux faire valoir leurs droits.
Références
https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000047533100/
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202401689
https://www.village-justice.com/articles/deepfake-hypertrucage-connaitre-reglementation-premunir,52460.html