Arrêt du 28 mai 2003, affaire du bermuda, liberté du salarié, liberté de se vêtir, port du voile, licenciement, tenue correcte, nullité du licenciement, juge des référés, article L 120-2 du Code du travail, proportionnalité
La désormais célèbre « affaire du bermuda », sur laquelle la Cour de cassation s'est prononcée le 28 mai 2003, a permis de poser les jalons du débat. En l'espèce, un salarié, agent technique, est licencié pour avoir porté un bermuda, malgré les interdictions de sa hiérarchie. Il saisit le juge des référés d'une demande en annulation de son licenciement, et de réintégration. Son action échoue devant le conseil des prud'hommes et la cour d'appel de Rouen.
[...] Avec l'application de cette disposition, ce sont ainsi de nombreuses pratiques d'entreprise qui deviennent suspectes, notamment celles qui portent atteinte à la liberté de se vêtir à sa guise. Si la disposition ici envisagée limite le pouvoir de l'employeur, en exigeant qu'il soit exercé de manière justifiée et proportionnée, elle n'en est pas moins ambivalente. Affirmer que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » signifie que toute restriction est légitime, dès lors qu'elle répond à cette double condition. [...]
[...] L'articulation entre le pouvoir et les libertés est ainsi au c?ur de l'arrêt rendu par la chambre sociale du 28 mai 2003, comme de ceux qui l'ont précédé, qui consacrent le pouvoir de l'employeur d'imposer des contraintes vestimentaires à ses salariés en même temps qu'ils reconnaissent leur liberté de se vêtir à leur guise. Car, en soulignant sur le fondement de l'article L. 120-2 du Code du travail (art. L. 1121-1 C. trav nouv.) que l'employeur ne peut imposer aux salariés de contraintes qui ne soient justifiées et proportionnées, la Haute Juridiction admet l'existence d'un pouvoir de l'employeur sur la tenue vestimentaire de ses salariés. [...]
[...] L'argument de la discrimination était d'ailleurs invoqué par le porteur du bermuda devant le conseil des prud'hommes de Rouen (Cons. prud. Rouen août 2001 n° 01-544), mais il était voué à l'échec. Seule pouvait être invoquée la discrimination à raison du sexe, écartée du fait notamment que « la situation n'est ( . ) pas identique entre les sexes en matière vestimentaire ». Reste l'atteinte au droit à la vie privée, reconnu comme un droit constitutionnellement garanti (Cons. const déc décision 99-422). [...]
[...] Elle l'a été ensuite, par le législateur, dans des cas spécifiques tels que le licenciement consécutif à une grossesse médicalement constatée (L. 75-625 du 11 juillet 1975), avant de voir son domaine s'étendre en 1982 par l'adoption de l'article L. 122-45 du Code du travail. Ce domaine n'en est pas moins resté très circonscrit. La perspective que l'on pouvait pressentir s'inverse à la suite de l'arrêt Clavaud (Cass. soc avr n° 87-41.804). Celle-ci sera expressément consacrée dans un arrêt du 13 mars 2001. Depuis, un licenciement dont le motif est attentatoire à une liberté fondamentale est sanctionné par la nullité (Cass. [...]
[...] Dans ce cas, l'employeur met en avant l'intérêt de l'entreprise rapporté le plus souvent à sa réputation. En l'espèce, l'employeur invoquait à l'encontre du porteur de bermuda, « les usages sociaux en matière vestimentaire, qui réservent aux femmes certains vêtements » ainsi que « l'intérêt de l'entreprise de présenter à ses clients une image conforme à leur attente ». À l'étude de la jurisprudence, on peut constater que les tribunaux ne sont pas insensibles aux arguments des employeurs, et font une application très souple des exigences de justification et proportionnalité prévues à l'article L. [...]
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