Quels sont les faits de l’espèce ?

Dans notre cas despèce ici jugé et rapporté par le Conseil dEtat en date du 12 février 1960, il sagissait de la contestation de deux textes qui prévoyaient la création de contraventions pour usage de faux moyens de paiement. Mécontente de ces prises de décisions par le gouvernement provisoire de l’époque, la société Eky a décidé de saisir le Conseil dEtat pour excès de pouvoir et en demanda lannulation. Pour celle-ci, les textes en cause méconnaissent les dispositions de larticle 8 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 (ci-après DDHC), dont la mention est faite par le Préambule de la Constitution de 1958, mais également les dispositions de larticle 34 de la Constitution contraire aux dispositions de larticle 4 du Code pénal.

Il convient néanmoins de noter que le Conseil dEtat a décidé de rejeter ce pourvoi dans la mesure où lordonnance mise en cause en lespèce avait en réalité été édictée par le gouvernement en application du pouvoir législatif quil détient. Celui-ci retint également que les articles de nature constitutionnelle susmentionné disposent dune valeur équivalente ou supérieure à la loi et au règlement même lorsque les deux normes constitutionnelles susmentionnées sont en contradiction.

A quelle question le Conseil d’Etat eut-il à répondre ?

Pour la société demanderesse, lordonnance du 23 décembre 1958 et le décret du 23 décembre 1958 qui prévoyait linstauration des contraventions susmentionnées méconnaissaient le principe de légalité des infractions inséré à larticle 8 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen, cette dernière renvoyant par ailleurs au contenu du Préambule de la Constitution de 1958. Pour la société, le fait pour le gouvernement davoir décidé de ladoption desdits textes résulte sur un excès de pouvoir de sa part, doù lannulation quelle demandait auprès du Conseil dEtat.

Ici, il sagissait de savoir sil est possible pour le juge administratif dexaminer une ordonnance qui a été prise sur la base de larticle 92 de la Constitution ? Cela revient à dire, en dautres termes, quil était demandé au juge administratif suprême de caractériser la valeur juridique accordée au Préambule de la Constitution de 1958.

Qu’ont décidé de retenir les juges en l’espèce ?

En lespèce, les juges ont décidé de rejeter les demandes formulées par la société Eky. Pour eux, lordonnance revêtant la nature dun acte de nature législative, elle ne peut être contestée à loccasion dun recours pour excès de pouvoir (ces contestations dépendent, au contraire, du juge constitutionnel suprême, le Conseil dEtat ne disposant pas de la compétence pour contrôler la conformité des lois à la Constitution et donc den contrôler la constitutionnalité). De même, le décret susmentionné ne méconnait pas les dispositions de larticle 8 DDHC ni même celles de larticle 34 de la Constitution. En décidant ainsi, le Conseil dEtat a approuvé sa décision prise dans un arrêt précédent, le 7 juin 1957, Condamine, à loccasion duquel il avait pour la toute première fois reconnu la valeur juridique attribuée à la DDHC.

Cette décision sinscrit de surcroit dans le cadre des arrêts Dehaene (07/07/1950) et Syndicat général des ingénieurs-conseils (26/06/1959) également rendues par le Conseil dEtat et à loccasion desquelles il avait pu reconnaitre audit préambule la nature dun principe général du droit ce qui, in fine, a pour effet de le rendre opposable à lensemble des autorités réglementaires, alors même quaucune disposition législative ne le prévoit.

Il est tout dabord intéressant dans noter que parce que le Conseil dEtat a mis en balance un article contenu au sein du Préambule de la Constitution et un décret, celui-ci a de manière implicite affirmé la valeur juridique de celui-ci. De ce fait, par cette décision, il mit un terme aux tergiversations inhérente à la nature et à la force que détient le préambule.

En outre, par laffirmation de cette valeur juridique spécifique, ce qui est remarquable réside dans lextension des normes devant être respectées par les autorités administratives lorsquelles souhaitent prendre une décision, une mesure. Il est intéressant également de noter que lensemble des dispositions du préambule ne disposent pas dune égale portée. Certaines dentre elles étant relativement imprécises, ceci fait alors obstacle à leur possible invocabilité auprès du juge administratif si elles ne sont pas assorties dun texte dapplication.

Dans cette décision, également, il est utile de noter que le Conseil dEtat a distingué les actes de nature législative des actes de nature réglementaire. De fait, notre décision ici commentée intervient à leffet de déterminer et expliciter les domaines relevant de la loi des domaines relevant du règlement, des articles 34 et 27 du texte constitutionnel suprême. Le Conseil dEtat décide ici que le pouvoir de détermination des contraventions ainsi que des peines qui trouvent à sappliquer (décret du 23 décembre 1958) sont de la compétence du pouvoir réglementaire. Ce faisant, il ne peut accéder à la demande de la société Eky qui arguait de la contradiction entre ce décret et larticle 8 DDHC et larticle 34 de la norme constitutionnelle suprême. Il convient ici de comprendre que le Conseil dEtat, en lespèce, a procédé à la conciliation entre les deux articles de nature constitutionnelle, larticle 34 créant une exception à larticle 8 susmentionné. Larticle 4 du Code pénal, qui prévoyait quil revient à la loi de prévoir les peines en matière de contravention, est donc abrogé de manière implicite.  En tout état de cause, ces dispositions de larticle 4 méconnaissaient les dispositions de larticle 34 de la Constitution qui, hiérarchiquement parlant, lui est supérieur.

Références

https://www.doctrine.fr/d/CE/1960/DE9504758723725562

https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/discours-et-interventions/le-conseil-d-etat-et-la-constitution

https://etudes.cjfa.eu/lessons/lecon-27-les-composantes-du-bloc-de-constitutionnalite/