Propos introductifs 

Commençons notre développement par un rappel des dispositions contenues au sein de l’article L.523-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et dont elles découlent de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. 

En effet celles-ci disposent qu’il est possible pour une autorité administrative de décider de l’assignation à résidence ou bien, pour le cas où la mesure susmentionnée n’apparaît pas suffisante, et lorsqu’une appréciation in concreto a été opérée, décider de placer un demandeur d’asile en rétention dès lors que son comportement menace l’ordre public, mais également si celui-ci a effectué une demande d’asile à une autorité administrative distincte de celle expressément prévue dans ce même article, et faire l’objet des mesures qui y sont mentionnées, pour déterminer les éléments sur la base desquels sa demande d’asile de fonde. Il convient de préciser maintenant que la décision de placement en rétention administrative doit se motiver par le risque de fuite que présente l’individu. 

 

Qu’ont retenu les juges du Conseil constitutionnel ? 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil constitutionnel en date du 23 mai 2025, il était question de la rédaction de l’article L.523-1 du CESEDA, tel qu’il résulte de la loi du 26 janvier 2024 susmentionnée. Les juges du Conseil constitutionnel ont en effet été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité et ont eu à répondre à la question de savoir si des dispositions législatives contenues au sein de cet article sont ou non conformes au texte constitutionnel suprême. Comme précisé ci-dessus, et pour être plus précis, la question prioritaire de constitutionnalité portait sur les dispositions de l’alinéa premier et l’alinéa second de cet article. Il s’agissait par conséquent de s’intéresser à la constitutionnalité ou non des mesures qui peuvent être prises par l’autorité administrative à l’égard d’un demandeur d’asile (assignation à résidence ou placement en rétention en cas de comportement constituant une menace à l’encontre de l’ordre public, ou bien  l’assignation à résidence et lorsqu’il existe un risque de fuite de l’étranger en situation irrégulière sur le territoire national, le placement en rétention, dès que ce dernier a déposé une demande d’asile auprès d’une autorité administrative qui n’est pas compétente pour l’enregistrer en effet. 

Dans notre cas d’espèce, les requérants considéraient que le fait de permettre un tel placement en rétention administrative pour le cas d’un demandeur d’asile qui présenterait soit un risque de trouble à l’ordre public ou bien un risque de fuite et alors même qu’il n’est pas prévu de procédures d’éloignement méconnaît en vérité la Constitution, et plus exactement les dispositions contenues au sein de son article 66. Pour rappel, ces dispositions constitutionnels protègent et garantissent la liberté individuelle. 

Dans sa décision rendue le 23 mai, les juges du Conseil constitutionnel ont accepté la demande ainsi formulée par les requérants concernant les dispositions législatives en cause. 

 

Pourquoi ont-ils jugé de la sorte ? 

En l’espèce, les juges ont procédé au rappel de sa ligne prétorienne en indiquant ainsi que même s’il n’existe pas de principe ou de règle de nature constitutionnelle qui interviennent à l’effet d’assurer à un individu étranger des droits ayant un caractère général et absolu concernant précisément l’accès ainsi que le séjour sur le territoire français, que ces conditions d’entrée et de séjour peuvent être réduites par une autorité publique prenant des mesures de police administrative (devant néanmoins respecter des mesures spécifiques), il revient en vérité au législateur de garantir une balance entre la nécessaire prévention des troubles à l’ordre public d’une part, le respect des droits et des libertés qui sont reconnus à l’ensemble des individus résidant sur le territoire national. 

Il est utile de relever que la liberté individuelle mentionnée par les requérants, et garantie par les dispositions de l’article 66 du texte constitutionnel suprême, fait bien partie de ces droits et libertés mentionnées. Ceci signifie en d’autres termes que cette liberté ne peut valablement pas être paralysée par une mesure qui ne serait pas nécessaire dans la mesure où, pour rappel, toute atteinte en effet portée à l’encontre de l’exercice d’une liberté doit remplir les conditions d’adaptation, de nécessité et de proportion par rapport aux objectifs poursuivis. 

En l’espèce, les juges ont retenu que les dispositions en cause furent adoptées par le législateur afin de poursuivre l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, disposant d’une valeur constitutionnelle, mais aussi l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière. 

À cela, néanmoins, les juges ont décidé que cet objectif n’était pas suffisant à l’effet de justifier un tel placement en rétention, dès lors que le demandeur d’asile n’a pas fait l’objet d’une mesure d’éloignement, sur la base d’une simple menace contre l’ordre public. D’autant plus que la gravité mais aussi l’actualité de la menace en cause n’ont pas été appréciées au sens de l’alinéa premier de l’article du CESEDA susmentionné. 

Par ailleurs, la notion de risque de fuite, au sens du second alinéa dudit article, n’était pas caractérisée de manière suffisante à l’effet de motiver un tel placement en rétention. 

Par voie de conséquence, les juges ont décidé que les dispositions contenues aussi de cet article ne respectent pas celles de l’article 66 du texte constitution suprême et partant, ils les ont déclarées inconstitutionnelles avec un effet immédiat. 

Ceux-ci ont néanmoins précisé que l’inconstitutionnalité concernant uniquement les dispositions relatives au placement en rétention de l’individu et ne concernent donc pas les dispositions relatives à l’assignation à résidence pour ces mêmes motifs.

 

Références

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/20251140QPC.htm

https://www.actu-juridique.fr/breves/qpc/qpc-placement-en-retention-administrative-du-demandeur-dasile/

https://www.gisti.org/spip.php?article7411