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Le problème des arrestations préventives

En marge de nombreuses manifestations qui ont eu lieu ces dernières semaines en France, notamment contre la réforme des retraites, ont eu lieu de très nombreuses arrestations préventives. En quoi cela consiste-t-il ? Pourquoi est-ce problématique ? Décryptage.

Le problème des arrestations préventives

Credit Photo : Lucas BARIOULET

Des arrestations préventives vivement critiquées

A la suite de nombreuses manifestations organisées dans le cadre de la lutte contre le passage en force de la réforme des retraites, de très nombreuses gardes à vue ont été constatées. Pour l’immense majorité, si ce n’est la totalité d’entre elles, aucune poursuite judiciaire ne fut prononcée. En outre, de nombreuses voix se sont élevées afin de contester ces arrestations qualifiées d’ « arbitraires » par ces manifestants qui ont passé plusieurs heures au commissariat.

En réponse à ces arrestations, l’Adelico (ou Association de défense des libertés constitutionnelles) s’en est émue et a rapidement décidé de former un recours devant le Tribunal administratif de Paris afin de faire cesser « sans délai » de telles pratiques en marge des manifestations parisiennes. L’association critiquait notamment la politique arbitraire de maintien de l’ordre menée par le Préfet de Police, Laurent Niñez. En outre l’association en question, comme d’autres associations ont pu le faire sur le territoire national après avoir procédé au même constat, considérait que ces arrestations de nature préventive constituent une atteinte à plusieurs libertés fondamentales reconnus à tout un chacun. Il s’agit, selon elle, d’atteintes portées à l’encontre de la liberté d’aller et venir (cf. décision du Conseil constitutionnel du 12/07/1979, n° 79-107 DC) ; la liberté de manifester (découlant des dispositions de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen d’août 1789) ; la liberté de réunion (entérinée par la loi du 30 juin 1881) et enfin le droit à la sûreté (cf. articles 2 et 7 de la DDHC susmentionnée).
Néanmoins, force fut de constater que les juges du Tribunal administratif, qui ont rendu une décision en urgence, ont décidé de rejeter la requête ainsi formée. Pourquoi ont-ils décidé ainsi ?

Le rejet de la requête formée en marge des manifestations parisiennes

Dans le cadre de cette requête formée en urgence, et donc en référé devant le juge administratif parisien, l’association en question arguait qu’outre les arrestations, effectuées en marge de plusieurs manifestations parisiennes, les gardes à vue qui ont pu s’en suivre n’ont donné lieu, dans la plupart si ce n’est dans la totalité des cas, à des procédures judiciaires qui ont utilement permis de prononcer des sanctions pénales à l’encontre des intéressés. C’est bien tout l’inverse qui a pu être constaté par les représentants de cette association : quasiment tous les cas constatés et relevés de gardes à vue furent classés sans suite.
Ce constat permet, selon ses représentants, d’apporter la preuve irréfutable que la politique de maintien de l’ordre dans la capitale est en infraction totale avec le principe de nécessité et le principe de proportionnalité. Plus spécifiquement, ces deux principes irriguent pleinement la possibilité attribuée aux pouvoirs publics compétents de limiter, de restreindre les droits fondamentaux. Ils interviennent alors, dans la pratique, tout d’abord au stade de l’évaluation de cette restriction, mais également dans sa mise en œuvre effective. Par voie de conséquence, ces deux principes doivent résulter sur une prise en compte des autorités compétentes qui doit s’illustrer par la nécessité d’atteindre un équilibre entre les moyens effectivement utilisés pour restreindre de telles libertés tout d’abord, ensuite l’objectif effectivement et finalement recherché.
En vérité, concernant la requête en cause, les juges ont décidé de la rejeter dans la mesure où ces derniers ont retenu que les interpellations dont il est fait mention dans la requête, de même que le nombre de classements sans suite mentionné par l’association requérante ne sauraient être de nature à « établir que [Laurent Nuñez] aurait eu recours à des arrestations préventives. » Les juges ont poursuivi leur raisonnement en énonçant que, au vu des éléments avancés, le préfet a permis de procéder à des arrestations d’individus contre qui il pouvait exister une ou des raisons « plausibles de [les] soupçonner » valablement soit d’avoir commis, soit d’avoir tenté de commettre une ou plusieurs infractions.
Toutefois, pour bien comprendre tout le sens et toute la portée de cette décision rendue par le Tribunal administratif de Paris, il faut relever que le fait de placer un individu en garde à vue revêt la nature d’une « opération de police judiciaire ». Une fois cela constaté, sans surprise, les juges ont retenu qu’il était impossible pour eux de pouvoir utilement et légalement connaitre des litiges en question et qui découlent du placement en garde à vue des individus concernés. Par voie de conséquence, il appartient exclusivement au juge judiciaire de pouvoir efficacement et juridiquement se prononcer sur de tels placements. C’est bien au vu de ces différentes constatations qu’il fut retenu que la requête formulée par l’Association Adelico est considérée comme irrecevable, faute de relever en effet de la compétence des juridictions administratives.

La problématique de telles arrestations

Selon Emmanuelle Jourdan-Chartier, responsable de la Ligue des Droits de l’Homme lilloise (ci-après LDH), ce constat d’arrestations préventives qui pour elle existent bien, compte tenu du manque de poursuite judiciaire constatée à l’issue des gardes à vue, est proprement un système « scandaleux » et qui vise à « impressionner et décourager » les manifestants. Pour elle, le fait que la LDH soit en amont des cortèges doit permettre de garantir de telles pratiques et permettre de montrer ce en quoi doit consister la « police républicaine. »
Elle a également annoncé l’instauration d’un observatoire des libertés publiques et pratiques policières, composé d’observateurs non militants qui devront respecter une charte déontologique et qui auront pour principale mission de documenter le comportement des forces de l’ordre à l’occasion des cortèges lillois. Les autorités compétentes ont d’ailleurs été informées de cette mise en place.

Références
https://www.blast-info.fr/articles/2023/retraites-lassociation-de-defense-des-libertes-constitutionnelles-saisit-la-justice-pour-mettre-fin-aux-arrestations-preventives-pEV5S78-S8WYF7b2x_MhCw
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/reforme-des-retraites-des-interpellations-preventives-en-marge-de-la-mobilisation-de-ce-mardi-a-lille-2743886.html
https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/manifestation-et-maintien-de-l-ordre-une-association-saisit-la-justice-contre-les-arrestations-preventives_5726282.html
https://www.20minutes.fr/justice/4029346-20230323-reforme-retraites-nasses-arretes-puis-places-20-heures-garde-vue-trois-manifestants-racontent

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