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Possible paralysie du système due à l'absence de majorité absolue ?

Quels pourraient être les risques de paralysie résultant dans l'hypothèse d'une dissolution et de la perte de davantage de sièges pour la majorité présidentielle ?

Possible paralysie du système due à l'absence de majorité absolue ?

Credit Photo : Assemblée nationale ©PIERRE ANDRIEU / AFP

Suite aux élections législatives, le Président de la République n’a pas remporté une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Il pourrait alors avoir des difficultés dans l’application effective de son programme. Certains commentateurs ont déclaré que l’exécutif pourrait être tenté de dissoudre l’Assemblée nationale alors même que les députés n’ont pas encore commencé à siéger. Si une dissolution intervenait, hypothèse exclue pour le moment par l’Elysée, le risque serait que la majorité présidentielle perde davantage de sièges, ouvrant peut-être la porte à une cohabitation. Quels pourraient être les risques de paralysie résultant d’une telle hypothèse ? Décryptage.

La cohabitation : de quoi parle-t-on ?

La cohabitation revêt la nature d’une situation politique qui oppose deux majorités issues de camps politiques distincts. La majorité présidentielle diffère en effet de la majorité parlementaire. Il s’agit ici d’une situation complexe pour le Président de la République puisqu’il est contraint par la Constitution de nommer un Premier ministre issu d’un autre bord politique que le sien. En d’autres termes, il doit le choisir, ainsi que le gouvernement, dans le camp ayant remporté le plus de sièges afin qu’ils bénéficient de la confiance des députés.
S’il s’agit d’une situation très exceptionnelle sous la Ve République, qui n’en connut que trois jusqu’à maintenant, elle a néanmoins deux conséquences majeures. La première est que la relation des deux têtes de l’exécutif est infiniment modifiée par rapport à une période de concordance des majorités, et surtout, la seconde est que de manière inouïe il existe un véritable retour à l’application de la lettre et de l’esprit du texte constitutionnel suprême.
Il est également opportun de retenir que le peu de cohabitations connues jusqu’à présent s’explique surtout par la modification du calendrier électoral qui implique que les élections législatives sont organisées quelques semaines après l’élection du Chef de l’Etat mais aussi par la fin du septennat.
Dernièrement, certains commentateurs avaient attiré l’attention sur les risques inhérents à une possible cohabitation au sommet de l’Etat. En vérité si pour le moment cette hypothèse est exclue par l’Elysée, il est utile de s’intéresser au réaménagement inévitable des pouvoirs au sein du pouvoir exécutif bicéphale pour comprendre que la paralysie politique et institutionnelle crainte semblerait plutôt exagérée.


Un réaménagement inévitable des pouvoirs au sommet de l’Etat

En période de cohabitation, les dispositions des articles 20 et 21 de la Constitution retrouvent tout leur sens et leur portée. En effet s’il revient au Gouvernement de conduire et de déterminer « la politique de la Nation », il revient au Premier ministre d’en diriger l’action. Autrement dit, les compétences constitutionnellement reconnues au Chef du gouvernement et à son équipe sont pleinement appliquées.
Ces dispositions ont deux conséquences principales. La relation de pouvoir s’effectue entre le Premier ministre et la majorité parlementaire tandis que la place du Chef de l’Etat semble amoindrie concernant la politique intérieure de l’Etat.
La Constitution est néanmoins empreinte d’une certaine ambivalence concernant la place effective des deux têtes de l’exécutif. Certains commentateurs considèrent en effet que le Président de la République disposerait d’un domaine réservé, notamment dans les affaires étrangères ou la défense. Toutefois force est de constater que la Constitution partage ces différents pouvoirs (cf. entre autres, art. 5, 15, 20, 21). Surtout ces textes constituent la volonté de compromis entre les rédacteurs du texte suprême puisque le Général de Gaulle désirait créer un Chef de l’Etat puissant tandis que Michel Debré considérait que cette puissance devait revenir au Premier ministre. Et ce compromis a pu s’appliquer, dans ces domaines, à chaque cohabitation.


Le Président de la République devient-il le premier opposant au gouvernement ?

Arbitre du jeu institutionnel, le Président de la République n’en est pas moins dans certains cas un réel chef de l’opposition même s’il est vrai que, par principe, il ne peut prendre part aux luttes politiques. De la sorte il peut profiter de son pouvoir de communication en direction des français pour fustiger plus ou moins fortement la politique menée par le gouvernement en place et ainsi attirer l’attention de ces derniers sur les dangers pouvant découler des réformes envisagées. Jacques Chirac y avait d’ailleurs recouru à de nombreuses reprises concernant l’action du gouvernement Jospin.
Par principe opposé aux orientations et doctrines gouvernementales, il peut tout à fait décider d’entreprendre une politique de blocage afin de freiner l’action du gouvernement. Cette question de savoir si le Chef de l’Etat devient, en période de cohabitation, le premier opposant au gouvernement et à la majorité parlementaire est intéressante à relever du point de vue de ce qu’on appelle « la querelle des ordonnances ». Effectivement celui-ci est en mesure d’utiliser son pouvoir signer les ordonnances ou tout simplement de ne pas l’utiliser et de fait refuser toute signature. Cette situation fut mise en place lors du précédent instauré par le Président Mitterrand, lors de la première cohabitation avec le gouvernement de Jacques Chirac, en juillet 1986. Il avait décidé de ne pas signer les ordonnances élaborées par le gouvernement sur des sujets qu’il qualifiait de « politiquement sensibles » notamment les projets de dénationalisations, alors même que le gouvernement avait préalablement obtenu, de la part de l’Assemblée nationale, la possibilité de légiférer par ordonnances de l’article 38 de la Constitution.
Toutefois le gouvernement prit acte et passa par la procédure législative ordinaire pour que les réformes qu’il souhaitait mettre en œuvre puissent accéder à la vie juridique. On voit donc bien ici que la paralysie semble de courte de durée, le gouvernement disposant d’autres outils pour faire passer ses projets de réformes.
Au surplus, le Chef de l’Etat en période de cohabitation continue de bénéficier de ses pouvoirs propres et notamment celui de dissoudre l’Assemblée nationale. Cependant cette mise en œuvre à des fins simplement politiques pourrait être considérée, par l’opinion publique déjà très critique à l’égard des institutions, comme un coup de force injustifiable porté à l’encontre la représentation nationale et la volonté du peuple souverain. Plus généralement, finalement, la possible utilisation de cette faculté d’empêchement de l’action politique du gouvernement par le Président de la République dépend de nombreux facteurs et notamment les relations personnelles entretenues par le Chef de l’Etat et le Premier ministre, le premier laissant le second gouverner, le second laissant le premier présider (Lionel Jospin, interview télévisée du 16 mars 2000).


Références
https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270319-les-cohabitations
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/05/07/cohabitation-en-france-le-risque-de-paralysie-politique-est-il-reel_6125100_4355770.html
https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/comment-la-constitution-organise-t-elle-la-cohabitation
https://www.publicsenat.fr/article/politique/ordonnances-une-procedure-classique-mais-mal-vue-des-parlementaires-60355

 

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