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Mise en examen du Ministre de la Justice : quelles sont les raisons exactes qui ont poussé à cette mise en examen ?

Dans cet article, nous allons nous intéresser aux raisons qui ont amené Eric Dupond-Moretti à être mis en examen, et accusé de « prises illégales d'intérêts ». Deux affaires nous intéressent plus particulièrement. Décryptage.

Mise en examen du Ministre de la Justice : quelles sont les raisons exactes qui ont poussé à cette mise en examen ?

Photo de eskay lim sur Unsplash

Propos introductifs

Notons tout d’abord que le procès du Ministre de la justice a débuté le 6 novembre dernier. Il doit être jugé par la Cour de justice de la République (ci-après désignée CJR), juridiction spécialement créée afin de juger les membres de l’exécutif pour des crimes ou des délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Celui-ci devra notamment répondre d’accusations liées à des prises illégales d’intérêts, le tout en ayant utilisé sa fonction de ministre.

La première affaire : celle du juge Edouard Levrault

Dans cette affaire il s’agit d’un juge français, en détachement à Monaco, et, qui a mis en examen divers individus de notoriété publique à l’occasion d’une affaire de corruption. Celui-ci ne sera finalement pas renouvelé à son poste en 2019 et considère que ce constat n’est que le résultat de ses décisions de mises en examen à l’occasion des enquêtes qu’il a menées contre lesdits individus. Ceux-ci ont pour avocat Eric Dupond-Moretti, et l’un d’eux demandera des sanctions pour « manquements » à l’encontre du juge auprès du Conseil supérieur de la magistrature.

Souvenez-vous, à l’été 2020, le Chef de l’Etat décide de nommer Eric Dupond-Moretti en qualité de Ministre de la justice. Cependant à l’époque, celui-ci est impliqué dans des dossiers politiques relativement importants, et cette nomination aura fait couler beaucoup d’encre, tant les suspicions de conflits d’intérêts étaient présentes. Il convient de retenir que peu de temps après son entrée en fonction, sa directrice de cabinet prescrira la mise en place d’une enquête administrative contre le juge Levrault relativement à ses enquêtes menées à Monaco, auprès de l’Inspection générale de la justice (ci-après IGJ). Cet ordre eut l’effet d’un coup de tonnerre au sein de l’institution judiciaire. Face à ces contestations, le Premier ministre de l’époque décidera de prendre deux décrets qui visaient à paralyser toute implication personnelle du Ministre de la justice dans les affaires pour lesquelles il aurait été « avocat » ou « impliqué ».

A l’automne 2021, le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM) considérera que le juge Levrault ne s’est pas rendu coupable de manquements à son devoir et sera finalement blanchi de tout soupçon. Dans le même temps, il est intéressant de noter qu’Eric Dupond-Moretti aura fait l’objet d’un suivi par le CSM, ce dernier considérant qu’il se trouve « dans une situation objective de conflit d’intérêts », ayant été partie prenante dans l’affaire du juge Levrault.

A l’occasion de l’enquête menée par la CJR, et plus exactement par la commission d’instruction, il est ressorti que le Ministre de la justice ne s’est pas distancé de ses anciens dossiers alors même que les décrets pris par le Premier ministre le lui ordonnaient. Il est notamment retenu contre lui de nombreux entretiens avec les individus concernés par cette affaire du juge Levrault. De ces constats, les membres de la commission d’instruction ont relevé que le Ministre de la justice a recherché de manière active à employer sa qualité, ses fonctions de ministre à l’effet de faire sanctionner le juge Levrault qui investiguait sur ses clients.

La seconde affaire : celle des poursuites disciplinaires contre le Parquet national financier (PNF)

Le Ministre de la Justice doit également répondre de sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de trois juges du Parquet national financier. Cette affaire intéresse la mise sous écoute de Nicolas Sarkozy dans le cadre de l’enquête menée concernant les soupçons pesant contre lui relativement au financement libyen de sa première campagne présidentielle. Rapidement cependant, le PNF s’aperçoit que les intéressés sont au courant de ces écoutes téléphoniques et décide par conséquent d’ouvrir une enquête afin d’en déterminer la source. Le détail des facturations de certaines lignes téléphoniques liées aux individus concernés par cette affaire est effectué, notamment celle de l’actuel Ministre de la justice, proche de l’avocat de l’ancien Chef de l’Etat.

Le 30 juin 2020, après des révélations par le journal Le Point concernant cette affaire, Eric Dupond-Moretti annonce qu’il portera plainte contre ces actions d’investigation dont il a fait l’objet. La Ministre de la Justice de l’époque annonce, le lendemain, que l’Inspection générale de justice investiguera sur l’enquête menée par le PNF. Or en l’espace de quelques jours, Eric Dupont-Moretti est nommé Ministre de la justice et partant, il devient le supérieur hiérarchique de l’institution contre laquelle il a effectivement déposé plainte. Face à de virulents commentaires, il décidera finalement de retirer cette plainte.

L’IGJ rendra ses conclusions quelques semaines plus tard à l’occasion desquelles elle indique que l’enquête menée par le PNF était bien légale. Dans la foulée, à nouveau, la directrice de cabinet du Ministre de la justice prescrit la tenue d’enquêtes administratives à l’encontre de trois protagonistes du PNF qui seront, par ailleurs, nommés publiquement et individuellement par le Ministre de la justice à l’occasion d’un communiqué de presse. Ces citations publiques feront effroi parmi les professionnels de la justice puisqu’elles sont constitutives d’une violation du secret de l’enquête administrative.
Ce qui est intéressant à noter concernant cette seconde affaire réside dans différentes actions menées de concert par le Ministre de la justice, et par Matignon, contre ces trois magistrats, alors même que le rapport rendu par l’IGJ se prononçait en leur faveur, considérant en effet qu’ils avaient en vérité agi conformément aux règles législatives.

Dans tous les cas le Conseil supérieur de la magistrature démentira, dans une décision rendue le 19 octobre 2022, les actions menées par les deux ministères en considérant qu’il n’était pas opportun de les sanctionner dans la mesure où « aucune faute disciplinaire » n’a été commise par eux. L’on voit donc bien, au vu des constatations effectuées dans ces deux affaires, que les actions du Ministre de la justice lui sont personnellement défavorables. A l’été 2021, il faut d’ailleurs mis en examen pour « prises illégales d’intérêts » et fut par la suite renvoyé en procès, en date du 3 octobre 2022. Lundi 6 novembre 2023 en a marqué son début, et, il devrait se clôturer le 17 novembre prochain. Eric Dupond-Moretti devra être jugé par six députés, six sénateurs et trois magistrats professionnels.

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