Consultez
tous nos documents
en illimité !

ABONNEZ-VOUS

à partir de
9.95 €
sans engagement
de durée

Voir les offres

La loi asile-immigration : des limitations qui ne seraient pas contraires à la Constitution

Dernièrement, dans le cadre du projet de loi asile-immigration, le Ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré qu'il était favorable à ce que certaines dispositions de ce projet « [limite] le regroupement familial » sans pour autant que ces dispositions ne soient contraires aux normes de nature constitutionnelle. Décryptage.

La loi asile-immigration : des limitations qui ne seraient pas contraires à la Constitution (Gérald Darmanin)

Crédit Photo : Gérald Darmanin, Ministre de l'Intérieur @europe1.fr

Le regroupement familial

En quelques mots, la procédure inhérente au regroupement familial autorise un ressortissant d’un autre Etat et qui dispose d’un titre de séjour valide sur le territoire français de pouvoir être rejoint soit par son époux, soit par son épouse ainsi que ses enfants. Néanmoins certaines conditions doivent être rencontrées, utilement remplies aussi bien par le ressortissant étranger que par les membres de sa famille.
Il apparait important de noter que le regroupement familial, et plus spécifiquement le droit au regroupement familial, constitue non seulement un droit de nature constitutionnelle mais celui-ci est également protégé par divers textes européens et internationaux. S’il est vrai que celui-ci ne saurait valablement être limité par une quelconque instauration d’un système dit de quotas, il n’en demeure pas moins qu’il existe une certaine flexibilité, certaines actions qui peuvent être menées au regard, plus spécifique, des conditions pouvant être exigées avant de procéder à un tel groupement.
Finalement, sous ce rapport, force est aujourd’hui de constater que bien que l’attention médiatique fut portée et continue d’être portée sur la réforme des retraites, qui connut par ailleurs un revirement soudain mais fortement prévisible le 16 mars 2023 par l’actionnement de la procédure de l’article 49, al. 3, de la Constitution par la Première ministre, le cheminement législatif du projet de loi « asile-immigration » porté par le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a poursuivi son bonhomme de chemin. Au début du mois de mars, celui-ci avait par ailleurs défendu le contenu de ce projet devant une commission de sénateurs. Gérald Darmanin a précisé qu’il ne s’agissait pas de supprimer ce droit, voire encore de le suspendre dans toute son application, mais bien de procéder à la modification des conditions desdits regroupements dans la pratique qui en est faite. Plus spécifiquement encore, il s’agit pour le Ministre de l’Intérieur de mettre à profit la possibilité d’exercer la marge de manœuvre au regard de ces conditions afin de mettre en place de réelles conditions qui se veulent beaucoup plus restreintes.
Ce qui apparait très intéressant, dans le cadre de cet article, réside non seulement dans les conditions restrictives qui ne sauraient valablement entrer en vigueur, tant elles seraient en contradiction avec les règles de nature constitutionnelle nationale mais aussi les règles de droit européen et de droit international en la matière, mais aussi et surtout dans les conditions qui, pour leur part, pourraient tout à fait entrer en vigueur sans pour autant être frappées d’incompatibilité avec la protection supranationale dont ce droit fait en effet l’objet.

L’ensemble des restrictions impossibles face au droit européen et au droit international

Le Ministre de l’Intérieur, de manière somme toute étonnante, avait évoqué l’idée selon laquelle le regroupement familial serait strictement limité aux travailleurs immigrants et à leur famille, ce qui de facto exclue les réfugiés. Néanmoins cette proposition ne pourrait pas cocher la case du contrôle de constitutionnalité a posteriori devant le Conseil constitutionnel. En effet, celle-ci procède à une distinction entre deux catégories distinctes d’immigrants : cette distinction est incompatible avec le droit au regroupement familial, protégé par le texte constitutionnel suprême, et par l’interprétation faite par le Conseil constitutionnel au début des années 1990. Les sages avaient en effet considéré que ce droit est valable, peu importe le statut de l’étranger, et donc y compris pour les personnes réfugiées. En sus de cette protection constitutionnelle nationale, le droit de l’Union européenne protège également ces étrangers sans procéder à une distinction entre les travailleurs et les réfugiés (cf. directive n°2003/86). Cette directive procède à une harmonisation de ce droit sur le territoire européen. Nous pouvons aussi relever la protection instaurée par la Convention européenne des droits de l’homme au regard du droit à la vie privée et familiale et qui intéresse également la situation des étrangers sans procéder à une distinction au regard de leur statut.
En outre, Gérald Darmanin avait suggéré que les membres de la famille de l’étranger apportent la preuve d’une certaine forme d’intégration avant leur arrivée sur le territoire national, et qui aurait pu passer par la preuve de certaines connaissances linguistiques françaises. Cette suggestion ne pourrait cependant être adoptée en ce qu’elle serait contraire au droit de l’Union européenne et à la directive susmentionnée.
Enfin, s’agit-il d’une preuve de démagogie de la part du Ministre de l’Intérieur mais ce dernier avait proposé de limiter les individus qui peuvent en effet profiter de ce droit au regroupement familial. Or il existe déjà, en droit français, une telle limitation puisque, pour rappel, les conjoints mariés ainsi que les enfants mineurs de ces derniers sont seuls autorisés à bénéficier dudit regroupement.
Ces précisions étant apportées, certaines restrictions pourraient utilement voir le jour.

Quelles sont les limitations possibles au regroupement ?

Certaines propositions sont en effet envisageables. Parmi celles-ci, le fait d’imposer une taille minimale de logement est concevable. En plus de cette superficie pourrait être envisagée le fait pour l’étranger de prouver qu’il dispose de ressources financières suffisantes pour l’accueil de sa famille. Cette catégorie de conditions inhérentes au regroupement familial pourrait aisément être validée par les juges du Conseil constitutionnel si elles sont considérées comme proportionnées. L’on peut aussi citer la suggestion visant à imposer une durée de résidence particulière sur le territoire français afin d’être en mesure de déposer une demande de regroupement. En fin de compte, cette dernière proposition ne serait-elle pas déjà appliquée dans la pratique ? En effet, soulignons le fait qu’il existe différentes durées accordées aux étrangers lorsqu’ils arrivent en France : certains se voit octroyer un titre de séjour de plusieurs années ce qui leur permet de demander un tel regroupement familial, tandis que d’autres sont dans une situation plus précaire puisqu’ils se voit octroyer des titres de séjour successifs d’une durée relativement faible (par exemple, de l’ordre de six mois), ce qui les empêche par conséquent de déposer une telle demande…

Références

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11166
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1993/93325DC.htm
https://www.actu-juridique.fr/ntic-medias-presse/cette-semaine-chez-les-surligneurs-le-blocus-challenge-de-l-boyard-est-il-legal/#:~:text=G%C3%A9rald%20Darmanin%20sur%20le%20projet,devant%20une%20commission%20du%20S%C3%A9nat.
https://defacto-observatoire.fr/Medias/Les-Surligneurs/Fact-checks/Gerald-Darmanin-sur-le-projet-de-loi-asile-immigration-Je-serais-favorable-a-des-dispositions-qui-pourraient-limiter-le-regroupement-familial-sans-etre-contraires-a-la-Constitution/?language=

Besoin d'un tuteur ? Nous pouvons vous aider !

Obtenir de l'aide pour mon devoir