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L'irresponsabilité présidentielle : le cas particulier de Nicolas Sarkozy

L'affaire des sondages a récemment été à la une des journaux. A cette occasion, fut notamment reconnue, au bénéfice de l'ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy, l'immunité présidentielle. L'ordonnance de renvoi a reconnu l'ancien Chef de l'État irresponsable des faits qui lui étaient reprochés en ce qu'il existe une « inévitable imbrication » entre d'une part « l'image » du Chef de l'État, et, « son activité politique et la conduite des affaires de l'État » d'autre part. Cette affaire est l'occasion pour nous de nous pencher sur cette question de l'immunité présidentielle.

L'irresponsabilité présidentielle : le cas particulier de Nicolas Sarkozy

Credit Photo : La Documentation française. Photo Philippe Warrin

 

Pourquoi une telle irresponsabilité présidentielle ? 

Pour que soient assurés la continuité de l’État ainsi que le respect de la séparation des pouvoirs, le Président de la République doit être nécessairement protégé sur le plan constitutionnel pendant l’exercice de son mandat. L’irresponsabilité présidentielle est alors prévue par les dispositions de l’article 67 de la Constitution du 4 octobre 1958. 

Cet article, en son alinéa premier, prévoit notamment que, par principe, le Chef de l’État « n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité. » 

Il faut cependant ici distinguer responsabilité politique et responsabilité pénale. Ces deux types de responsabilités impliquent des conséquences distinctes. Dans le cas de la responsabilité politique, il faut que tout détenteur d’un mandat politique bénéficie de la confiance de ceux de qui ils la tiennent, mais aussi de répondre devant ces derniers des actes qui sont accomplis dans l’exercice de leur fonction. Donc cette responsabilité politique s’exerce directement devant le peuple souverain, ou devant ses représentants. 

Dans le cas de la responsabilité pénale, enfin, celle-ci implique le fait d’assumer l’ensemble des conséquences pénales liées à tout type d’agissement fautif dans les conditions et les formes édictées par la loi. Néanmoins, ce principe est aménagé concernant les gouvernants. Cela s’explique d’abord par la nécessaire continuité de l’État, puis par le respect de la séparation des pouvoirs, et, en fin de compte pour protéger ces détenteurs du pouvoir contre de possibles manoeuvres de déstabilisations et d’accusations en tout genre et pouvant s’avérer mensongères. Partant, les gouvernants profitent d’un régime particulier de responsabilité ; ce régime leur est propre et il suppose des juridictions particulières pour connaître d’affaires qui les concernent, mais aussi et surtout de procédures spécifiques pour les juger, s’il y a effectivement lieu.

Le Chef de l’État bénéficie, en réalité et en d’autres termes, d’une véritable immunité ; ce dernier est d’ailleurs plus précisément protégé à deux niveaux.

Une protection à double niveau du Chef de l’État

Le Président de la République profite de l’inviolabilité de la personne présidentielle. Ainsi, le Président de la République ne peut, à l’occasion de son mandat présidentiel, être contraint à témoigner devant une juridiction ni être traduit devant celle-ci. Ici les actes du Chef de l’État sont ceux intervenant avant sa prise de fonction ou étant extérieurs à celle-ci. Ces règles sont prévues par les dispositions du deuxième alinéa de l’article 67 précité. Or, d’après les dispositions de l’alinéa suivant, un mois après la fin de son mandat, celui-ci peut être à nouveau l’objet de poursuites et de procédures, tout délai de prescription étant suspendu pendant l’exercice de ses fonctions. 

Le second niveau de protection intéresse enfin son irresponsabilité pour les actes accomplis en sa qualité de Chef de l’État. Celle-ci intéresse en vérité l’ensemble des actes qui se rapportent directement à sa fonction présidentielle sans considération de durée dans le temps. 

Néanmoins, force est de constater à la lecture de cet article 67 que des exceptions existent au regard de ce double niveau de protection ; celles-ci intéressent respectivement la destitution du Chef de l’État, « prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour » (cf. article 68 de la Constitution), et, une possible poursuite et condamnation par la Cour pénale internationale (CPI), dans les conditions prévues par le Traité de Rome portant Statut de la CPI (ce dernier fut ratifié par la France en 2000).

Le cas Nicolas Sarkozy : des sondages détachables de la fonction présidentielle ? 

Dans cette affaire des sondages, la question a notamment été de savoir si ces derniers étaient ou non détachables de la fonction présidentielle. Si la réponse avait été négative, alors, l’ancien Chef de l’État n’aurait pu valablement bénéficier de son immunité. 

À ce sujet Paul Cassia, Professeur de droit public à l’Université Paris 1 Sorbonne, a déclaré dans un article de Libération que « la commande de sondages sur des affaires privées » n’intéresse aucune des missions qui reviennent au Président de la République, missions elles-mêmes directement prévues par le texte constitutionnel suprême. Selon lui, l’ancien Président de la République n’aurait pu bénéficier de cette immunité, de cette irresponsabilité dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés ne sont en rien liés à l’exercice de ses fonctions.

Toutefois, ce n’est pas l’avis qu’aura finalement suivi le juge chargé de l’instruction. En effet, l’ordonnance de renvoi précise que lesdites commandes de sondages ne sont pas détachables des fonctions de l’ancien Président de la République. Et le juge chargé de l’instruction de préciser à ce sujet qu’il existe une « imbrication inévitable » entre d’une part « l’image » du Chef de l’État, et, « son activité politique et la conduite des affaires de l’État » d’autre part. Cela pouvait donc finalement « justifier [ces] commandes d’enquêtes. »

De ce fait, Nicolas Sarkozy fut déclaré irresponsable desdites commandes passées alors qu’il était Président de la République puisque d’un point de vue constitutionnel et selon les dispositions de l’alinéa premier de l’article 67 susmentionné, « le [Chef de l’État] n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité ».


Sources : Libération ; Conseil constitutionnel ; Légifrance ; Pauline Turk, Les Institutions de la Ve République, 6e édition 2013-2014, éd. Gualino, Paris, 2013, pp.44-48

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