Propos introductifs 

Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par le Conseil constitutionnel en date du 7 mai 2025, ce dernier a décidé de valider le contenu de la loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité à Mayotte. Cependant il a décidé de la valider en émettant une réserve. Cette décision a constitué pour ce dernier l’occasion de clarifier les impératifs qui résultent du principe d’indivisibilité de la République. 

Le Conseil constitutionnel a été saisi par un groupe de 60 députés et par un groupe de 60 sénateurs concernant ce projet de loi qui vise à modifier et à renforcer les conditions d’accès à la nationalité à Mayotte. La question qui lui était posée, était de savoir si cette loi est ou non conforme à la Constitution française. Pour lui, cette loi est conforme à la norme suprême mais il profite de cette décision pour émettre une réserve d’interprétation.

Il ressort des dispositions contenues au sein des articles 21-7 et 21-11 du Code civil que tout individu né en France de parents étrangers est en mesure d’acquérir la nationalité française dans deux cas : d’abord de plein droit dès sa majorité ; ou bien à partir de treize ou seize ans s’il en fait la réclamation -ici, l’individu doit avoir sa résidence sur le territoire national, mais également doit avoir eu sa résidence habituelle pendant au minimum 5 ans, depuis qu’il est âgé de 8 ou bien 11 ans en fonction des cas. 

Il nous faut toutefois noter que les dispositions de l’article 2493 du même code prévoient, depuis la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, une autre condition devant être respectée concernant Mayotte. Ces dispositions commandent que pour qu’un enfant né de parents étrangers puisse acquérir la nationalité française, ces derniers doivent disposer d’une résidence régulière en France (l’un ou l’autre de ses parents par ailleurs) pendant au moins 3 mois à la date de la naissance de l’enfant. 

En l’espèce, la loi soumise à l’examen de la conformité à la norme suprême intensifie considérablement cette disposition spéciale concernant Mayotte. Ainsi elle prévoit que les deux parents de l’enfant né à Mayotte résident sur le territoire national pendant au moins 1 an et ce, de manière non seulement régulière mais également ininterrompue. 

 

Qu’ont décidé les juges du Conseil constitutionnel en l’espèce ?

Dans notre cas d’espèce, le Conseil constitutionnel a souligné le fait que le principe d’indivisibilité de la République ne permet pas que des dispositions intéressant la détermination des conditions d’acquisition de la nationalité soient différentes sur le territoire national, sous la seule réserve que la Constitution puisse en prévoir autrement, notamment les dispositions relatives à certaines collectivités territoriales. L’on pense donc ici immédiatement aux dispositions contenues au sein de l’article 73 du texte constitutionnel qui permettent, pour les départements mais aussi pour les régions d’outre-mer, que les lois ainsi que les règlements soient adaptés compte tenu de leurs caractéristiques, de même que leurs contraintes éventuelles.


Cette constatation étant opérée, le Conseil constitutionnel poursuit son raisonnement en considérant que la population de Mayotte qui, pour rappel, revêt la nature d’une collectivité départementale qui relève expressément des dispositions de l’article 73 susmentionné, comprend un particularisme notable : en ce sens, en effet, celle-ci connait des flux migratoires majeurs, est constituée d’une proportion importante de ressortissants étrangers (dont un nombre important de personnes en situation irrégulière), ainsi qu’un nombre également important d’enfants qui y sont nés, de parents étrangers. 

Sans grande surprise, le Conseil constitutionnel a retenu ici, comme il l’avait fait à l’occasion de la loi de 2018 précitée, que ceci constitue des « caractéristiques et [des] contraintes particulières » qui peuvent justifier de telles règles concernant l’acquisition de la nationalité française. 


Celui-ci a également retenu que ce durcissement, retenu par le législateur, ne remet aucunement en question le principe de l’acquisition de la nationalité française par la naissance. Autrement dit, cette loi intervient à l’effet de la borner compte tenu du contexte spécial de Mayotte. Toujours selon le juge constitutionnel, la loi en cause ne contrevient pas au principe d’égalité devant la loi et ne méconnait pas non plus de droit ou de liberté protégés, garantis en effet par le texte constitutionnel suprême. 

Il ressort du contenu de cette décision que le principe d’égalité n’empêche pas les parlementaires de régler différemment des situations différentes, et n’empêche pas non plus que ceux-ci dérogent à l’égalité sur le fondement de raisons d’intérêt général à supposer que cette différence « [ait] un rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». 

 

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a donc jugé que la loi est conforme à la Constitution française en ce qu’elle vise à répondre aux difficultés migratoires actuellement rencontrées sur le territoire de Mayotte, ceci dans ce que permet en effet le texte suprême.        Il émet cependant une réserve d’interprétation concernant plus spécifiquement l’obligation pour les parents de présenter un passeport biométrique dès l’instant où ceux-ci font la demande que soit mentionné, sur l’acte de naissance de leur enfant, une preuve de leur résidence régulière sur le territoire français. Cette exigence de présentation d’un passeport biométrique méconnait la Constitution si elle est appliquée à des ressortissants d’Etats qui ne délivrent pas ce type de passeports. Il considère enfin que ces dispositions ne sauraient être interprétées autrement que comme permettant la production par tout individu intéressé par cette situation d’un document d’identité différent.

 

Références 

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/2025881DC.htm

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17t0096_texte-adopte-provisoire.pdf

https://www.vie-publique.fr/loi/297235-droit-du-sol-mayotte-loi-du-12-mai-2025-acces-la-nationalite-francaise#la-d%C3%A9cision-du-conseil-constitutionnel