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Décision du Conseil d'Etat concernant l'arrêté municipal de Grenoble autorisant le burkini dans les piscines

Le Conseil d'État a décidé de confirmer la suspension de l'arrêté municipal autorisant le port du burkini dans ses piscines municipales. Pourquoi cette décision ?

Décision du Conseil d'Etat concernant l'arrêté municipal de Grenoble autorisant le burkini dans les piscines

Credit Photo : Jasmin Merdan / Getty Images

Souvenez-vous il y a quelques semaines le Conseil municipal de la Commune de Grenoble avait décidé de prendre un arrêté autorisant le port du burkini dans ses piscines municipales, service public dont la commune est le gestionnaire. Cet arrêté fit l’effet d’une bombe, certains commentateurs y ayant vu une atteinte directe à la laïcité. Par une ordonnance rendue le 21 juin 2022, le Conseil d’Etat a décidé de confirmer la suspension de cet arrêté municipal. Pourquoi en a-t-il décidé ainsi ? Réponse.


Quels sont les faits ayant amené à cette affaire ?

Le 16 mai dernier, le préfet de l’Isère a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble afin de lui demander de suspendre l’arrêté municipal de la Commune de Grenoble qui autorisait, dans l’article 10 du règlement des piscines municipales, le port de certaines tenues de bain. La commune assure la gestion de ces piscines.
Quelques jours plus tard, par une ordonnance rendue le 25 mai (décision en référé n°2203163), le juge des référés a décidé d’accéder à la demande du préfet de l’Isère, les dispositions visées autorisant « l’usage de tenues de bains non près du corps moins longues que la mi-cuisse ».
Contre cette décision, la Commune de Grenoble a demandé au juge des référés du Conseil d’Etat de l’annuler mais également de rejeter la demande de suspension formulée par le préfet.
En vérité, ce qui est reproché aux dispositions litigieuses du règlement, qui régit les tenues de bains pouvant autoriser les usagers à utiliser les bassins, réside dans le fait que par principe et pour des raisons d’hygiène et de sécurité, il est obligatoire d’y accéder avec des tenues ajustées près du corps. Or à tout principe son exception, il fut mis en place une dérogation pour les tenues dites non près du corps moins longues que la mi-cuisse.
Cette affaire constitue par ailleurs la toute première application du « déféré-suspension laïcité ».


En quoi consiste ce nouveau « déféré-suspension laïcité » ?

Le « déféré-suspension laïcité » résulte directement de la loi n°2021-1109 du 24 aout 2021 confortant le respect des principes de la République. Ce dernier intéresse plus précisément les différents cas d’atteintes graves aux principes de laïcité et de neutralité inhérents aux services publics.
Plus encore, les dispositions de l’article 5 de cette loi ont modifié le contenu de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales. Celui-ci prévoit maintenant que pour le cas où l’acte en cause « est de nature (…) à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics », alors, il revient au président du tribunal administratif saisi, ou encore au magistrat effectivement délégué à cet effet, d’« en [prononcer] la suspension dans les quarante-huit heures. » Et d’ajouter que cette décision de suspension « est susceptible d’appel devant le Conseil d’Etat. »
C’est ce qui s’est passé dans notre cas d’espèce à l’occasion duquel le Conseil d’Etat a décidé de confirmer la suspension de cet arrêté municipal litigieux.Pourquoi en a-t-il décidé ainsi ?


Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il décidé de confirmer la suspension de cet arrêté ?

Dans cette décision rendue le 21 juin 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat a expressément rappelé qu’un gestionnaire de service public dispose de la possibilité d’adapter les règles inhérentes à l’organisation et au fonctionnement d’un tel service public afin d’en faciliter l’accès et ce, en prenant également en considération les convictions religieuses des usagers. Celui-ci a toutefois ajouté, sous ce rapport, qu’ « il n’est en principe pas tenu de tenir compte de telles conventions et les usagers n’ont aucun droit qu’il en soit ainsi » (cf. §8 de la décision).
Le Conseil d’Etat précise également que les dispositions de l’article premier de la Constitution prohibent à « quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses » dans le but de se soustraire aux principes communs qui régissent les relations entre les collectivités territoriales et les particuliers  (cf. §8 de la décision).
Le juge des référés du Conseil d’Etat a poursuivi son raisonnement en évoquant la règle selon laquelle l’utilisation de cette possibilité ne peut être utile si elle porte atteinte à l’ordre public ou nuit au bon fonctionnement du service public. Ici, il a explicitement rappelé sa jurisprudence du 11 décembre 2020, Commune de Châlons-sur-Saône, n°426483.
En ce sens, il est prévu dans cette ordonnance que le bon fonctionnement du service public ne permet pas des adaptations qui, du fait même de leur caractère dérogatoire vis-à-vis des règles de droit commun et sans qu’elles soient réellement justifiées, rendraient plus compliqué le respect desdites règles par les usagers qui ne profitent pas de cette dérogation. De même, celui-ci ne permet pas des adaptations qui se traduiraient par une rupture de l’égalité de traitement des usagers de ce service public et partant, ignoreraient l’obligation de neutralité du service public.
Dans notre cas d’espèce, le Conseil d’Etat en a conclu que la modification du règlement intérieur des piscines municipales visait directement à autoriser le port du burkini. Cette dérogation à la règle commune, pour une certaine catégorie d’usagers, « édictée pour des raisons d’hygiène et de sécurité, de port de tenues de bain près du corps, est destinée à satisfaire une revendication de nature religieuse » (cf. §9 de la décision). En fait, il faut comprendre que le juge des référés en a déduit que le règlement intérieur concerné prévoit une adaptation du service public « très ciblée » et extrêmement dérogatoire à la règle commune pour l’ensemble des autres tenues de bain.
De la sorte, la modification de ce nouveau règlement intérieur affecte le bon fonctionnement du service public et porte atteinte à l’égalité de traitement des usagers de ce service si bien qu’il est également porté atteinte à la neutralité dudit service.
Voici donc les raisons pour lesquelles le Conseil d’Etat a décidé de rejeter l’appel formulé par la commune de Grenoble.


Références
Conseil d’Etat, Statuant au contentieux, Ordonnance du 21 juin 2022, Commune de Grenoble, n°464648
https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-conseil-d-etat-confirme-la-suspension-du-reglement-interieur-des-piscines-de-la-ville-de-grenoble-autorisant-le-port-du-burkini
https://www.vie-publique.fr/en-bref/285195-piscines-municipales-burkini-et-laicite-ce-que-dit-le-conseil-detat
https://www.lagazettedescommunes.com/810618/tout-savoir-sur-le-defere-suspension-laicite/

 

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