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Débat juridique - Les ordonnances de l'article 38 : un mécanisme antidémocratique ?

Avant de s'intéresser et de répondre à la question de savoir si les ordonnances de l'article 38 sont antidémocratiques ou non, il paraît opportun de définir la notion d'ordonnance.

Les ordonnances de l'article 38

Credit Photo : Unsplash Fischer Twins


Qu'est-ce qu'une ordonnance ?

Les ordonnances visées par l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 instituant la Ve République constituent "des mesures qui sont normalement du domaine de la loi" prises par le Gouvernement après autorisation du Parlement.

Cette définition tout à fait générale est intéressante puisque par principe, et c'est le choix des constituants de 1958, le pouvoir législatif et donc le pouvoir de faire les lois revient au Parlement composé de l'Assemblée nationale et du Sénat. C'est en outre la Constitution qui prévoit que le domaine de la loi est distinct de celui du règlement respectivement en ses articles 34 et 37. De plus, selon la hiérarchie des normes, la loi a valeur (juridique) supérieure au règlement. Or l'article 38 de la même Constitution chamboule cet équilibre créé entre les normes, leur domaine et leur valeur.

Donc, par ces ordonnances, le Gouvernement est amené à intervenir dans des domaines qui selon le principe de la séparation des pouvoirs n'est simplement pas le sien, celui-ci intervenant en effet par la voie réglementaire.

Cet article instaure des conditions strictes pour que soient valablement utilisées ces ordonnances. En outre, le juge constitutionnel français, le Conseil constitutionnel, a été amené à préciser dans sa jurisprudence la notion d'ordonnance de l'article 38.

Ces ordonnances doivent être obligatoirement soumises au Conseil d'État pour que celui-ci rende un avis et doivent être prises en Conseil des ministres et signées par le Chef de l'État puis, in fine, publiées au Journal officiel consultable sur le site Légifrance.

Au regard de la définition susmentionnée, le Conseil constitutionnel a considéré que le Gouvernement est seul autorisé à demander au Parlement de l'autoriser à légiférer par voie d'ordonnance, notamment depuis une décision n°2004-510 DC. De même, sauf exception, les ordonnances de l'article 38 peuvent être utilisées dans toutes les matières qui ne relèvent pas du domaine des lois organiques ni celui des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. En outre, il sera obligatoire pour le Gouvernement de préciser "la finalité des mesures qu'il propose de prendre par voie d'ordonnances et [le] domaine d'intervention" (décision n°99-421 DC), mais il n'a pas à faire indiquer précisément la teneur desdites ordonnances.


Actualité au regard des ordonnances de l'article 38

Pour les détracteurs de cette procédure des ordonnances, il s'agirait d'un déni de démocratie ; pour d'autres, les ordonnances constituent un mécanisme entièrement démocratique.

Mais alors, comment s'y retrouver ?

Le Président de la République Emmanuel Macron avait précisé qu'il utiliserait le mécanisme des ordonnances de l'article 38 pour procéder à une grande réforme du droit du travail. Le 31 août 2017, le contenu des cinq ordonnances fut présenté.

Réformer par voie d'ordonnance serait-il constitutif d'un certain refus de la démocratie ?

Le refus de démocratie serait en réalité caractérisé pour les détracteurs de cet article par le fait que le Parlement ne serait pas "de la partie", autrement dit par le fait que le législateur n'est pas impliqué.

Cependant, il apparaît opportun de noter que le Gouvernement ne peut agir comme il l'entend par le biais de cette procédure des ordonnances de l'article 38, le cadre juridique étant tout à fait strict. Ainsi le Parlement est amené à voter une loi dite d'habilitation qui vise à autoriser expressément le Gouvernement à intervenir dans d'autres domaines que ceux qui lui sont réservés et donc à intervenir dans le domaine de la loi, et ce, précisément dans un temps déterminé. Lorsque le délai sera achevé, le Parlement sera amené à ratifier les ordonnances par une nouvelle loi portant la dénomination de loi de ratification. Or cette loi est d'une particulière importance puisqu'elle oblige le Gouvernement à présenter le(s) projet(s) de loi de ratification face au Parlement dans le délai susmentionné sous peine de quoi les ordonnances seront tout bonnement frappées de caducité.

Ainsi il n'est plus possible d'affirmer que le Gouvernement se passe du Parlement par l'utilisation de ces ordonnances en ce que le second est concerté à deux reprises par le vote de deux lois distinctes et il peut tout à fait discuter du contenu, mais aussi de l'étendue de l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances ces mesures. Sur le fond certainement le Parlement n'est pas amené à se prononcer, mais de manière formelle celui-ci est partie intégrante de la procédure des ordonnances.

En outre, à titre indicatif, les ordonnances permettent une certaine rapidité et efficacité quant à l'action voulue du Gouvernement, le travail législatif pouvant parfois être jugé (trop) long et inefficace même si cette constatation est constitutive d'un autre débat...


En bref, refus ou non de la démocratie ?

Clairement, la réponse apportée à cette question est négative puisqu'il est d'abord possible pour le Parlement de refuser l'habilitation au Gouvernement auquel cas celui-ci ne peut intervenir par la voie des ordonnances, mais surtout le représentant des citoyens français intervient à deux reprises dans cette procédure.


Sources : Conseil constitutionnel, Sénat


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