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CEDH, Zeggai c. France - Le droit à la nationalité française

Dans le cas d'espèce ici jugé et rapporté par la Cour européenne des droits de l'homme, les juges ont retenu que le fait de traiter différemment, en France métropolitaine, des personnes nées antérieurement ou postérieurement à l'indépendance de l'Algérie, des mêmes parents nés français en territoire algérien, ne revêt pas la nature d'une discrimination prohibée au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Décryptage.

Zeggai c. France

Credit Photo : CEDH

 

Quels sont les faits de l'espèce ?

En l'espèce, le requérant est né en France, en 1956, de parents nés français en territoire algérien avant l'accession de l'Algérie à l'indépendance. Ce dernier a résidé de manière continuelle en France depuis sa naissance.

Il est important de retenir que jusqu'à la proclamation d'indépendance de l'Algérie, toutes les personnes nées sur ce territoire détenaient la nationalité française. La majorité de ces personnes détenaient un statut civil de droit local tandis que ceux relevant du statut civil de droit commun, et donc du Code civil français, devaient avoir effectué une requête particulière préalable auprès d'un tribunal.

Deux ordonnances françaises ont prévu que tous les individus qui, au jour de la proclamation officielle des résultats de l'autodétermination de l'Algérie, relevaient du statut civil de droit commun ont conservé la nationalité française sans considération de leur situation inhérente à la nationalité algérienne. Pour leur part, ceux relevant du statut civil de droit local ainsi que leurs enfants ont eu la possibilité de se faire reconnaître, en France, la nationalité française en procédant à une déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Ces ordonnances ont prévu que cette faculté serait temporaire et courait jusqu'au 23 mars 1967.

Il ressort des faits de l'espèce qu'en 2005 le requérant s'est vu remettre par l'administration française une carte nationale d'identité française et une carte d'électeur. Toutefois, l'administration commit une erreur en délivrant ces deux cartes au bénéfice du requérant.

Puis, en 2011, celui-ci se vit opposer un refus de la part d'un tribunal d'instance au regard de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité. Mécontent, le requérant sollicita le ministre de l'Intérieur. Ce dernier lui a rappelé qu'il disposait de la possibilité de demander sa réintégration dans la nationalité française ; il lui a en outre assuré que le gouvernement français avait demandé aux préfets de porter une attention toute particulière à l'examen de telles demandes, effectuées par des individus se trouvant dans sa position (individus nés en France métropolitaine, avant l'accession de l'Algérie à l'indépendance, de parents nés français sur cet ancien territoire français).

Cette affaire concerne plus précisément le rejet de cette demande alors que le requérant est né en France avant la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, de parents nés français, et dont les frères et soeurs disposent de la nationalité française et sont nés suite à l'indépendance algérienne.

La question de droit posée à la Cour

La question de droit posée à la Cour fut celle de savoir si une distinction effectuée au regard des modalités d'accès à la nationalité française selon que des individus sont nés en France, des mêmes parents nés français en territoire algérien, antérieurement ou postérieurement à l'accession à l'indépendance de ce territoire, constitue une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La réponse de la Cour européenne des droits de l'homme

La Cour européenne des droits de l'homme retient, dans le cas d'espèce, que les parents du requérant sont tous deux nés sur le territoire français d'Algérie avant que ce territoire n'accède à l'indépendance suite au référendum d'autodétermination. Ces derniers disposaient du statut civil de droit local ; or ils n'ont procédé à aucune formalité administrative afin de se faire reconnaître la nationalité française à leur arrivée en France métropolitaine comme cela leur avait été rendu possible par des ordonnances prises par le gouvernement. N'ayant pas utilisé cette possibilité, les juges déclarent qu'ils ne doutent pas que la distinction, effectivement opérée entre les enfants mineurs d'individus relevant du statut civil de droit local en fonction de leur naissance, intervenue antérieurement ou postérieurement à l'indépendance de l'Algérie, était « en adéquation avec le but légitime poursuivi » (cf. §61 de la décision). Ce but réside précisément dans le fait que ces enfants mineurs empruntent la même condition opérée sur leurs parents au regard de la nationalité française puisque le « maintien de leurs parents dans la nationalité française était impacté en raison et dans le contexte de l'accession de l'Algérie à l'indépendance » (§61).

En outre, les juges retiennent que la différence de traitement opérée entre le requérant d'une part, ses frères et ses soeurs d'autre part, n'intéresse que les modalités d'accès à la nationalité française et non sur ce principe d'accès à ladite nationalité.

Même si la Cour européenne des droits de l'homme a bien relevé que l'administration française a délivré, par erreur, une carte nationale d'identité ainsi qu'une carte d'électeur au requérant, qui ne disposait d'ailleurs plus de la nationalité française, elle insiste sur le fait que la circonstance en cause n'intéresse pas la question à laquelle la Cour doit répondre, celle-ci étant inhérente au possible caractère discriminatoire de la différence de traitement dont se plaint le requérant.

En fin de compte, les juges de la Cour européenne des droits de l'homme concèdent le fait que les moyens employés par l'État français « étaient proportionnés au but légitime visé » (§68). Par voie de conséquence, ces derniers retiennent que la différence de traitement dont se plaint le requérant, au regard de la jouissance du droit au respect de la vie privée, se fonde sur une justification objective et raisonnable. D'où il suit, pour la Cour, qu'aucune violation de l'article 14 CEDH susmentionné n'est constatée dans le cas de l'espèce. En effet, la Cour a rappelé qu'une différence de traitement n’entraîne pas obligatoirement une violation de cet article 14 CEDH. De la sorte, si cette différence repose sur une justification objective et raisonnable, et donc qu'elle poursuit un but légitime ou qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés d'une part, ainsi que le but visé d'autre part, alors la reconnaissance d'une discrimination ne saurait être valable (§53 et 59). Tel est bien le cas ici.

 

Sources :

-
CEDH, Zeggai c/ France, 13/10/2022, n° requête 12456/19
- Communiqué de presse de la Greffière de la Cour, CEDH (321), 13.10.2022
- Délégation des Barreaux de France
- Actu juridique

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