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L'article 16 de la Constitution - les pleins pouvoirs au Président de la République

Dans un contexte tout à fait exceptionnel, du fait de l'expansion du coronavirus, en France mais aussi dans le monde, des mesures particulières sont prises. La question s'est posée de savoir si le Président de la République décidera de recourir aux dispositions contenues au sein de l'article 16 de la Constitution. Pour l'heure, au moment où cet article est publié, cette utilisation est écartée. Toutefois, pour le cas où celui-ci serait mis en oeuvre, en quoi consiste cet article si particulier ?

Article 16 Constitution et coronavirus

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L'article 16 de la Constitution

L'article 16 fut introduit au sein de la Constitution du fait de la débâcle de juin 40 mais également du fait de la crise algérienne intervenue en 1958. Le pouvoir constituant a donc décidé d'insérer un tel article, offrant les pleins pouvoirs au Président de la République, en cas de crise qualifiée de "grave". Cet article permet en fait, en pareil cas, au Chef de l'Etat, de pouvoir agir à la fois légitimement mais aussi efficacement pour mettre fin à cette crise et ce, en détenant l'ensemble des pouvoirs, à titre à la fois exceptionnel et transitoire.


Les conditions de mise en application

Au titre des conditions de mise en application de cet article, se retrouvent des conditions de fond et de forme.

Qu'en est-il des conditions de fond ? Il doit exister une menace grave et immédiate à l'encontre des institutions de la République ; ou bien à l'indépendance de la Nation, de l'intégrité territoriale ou de l'exécution des engagements internationaux de l'Etat. Il se trouve aussi que l'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels constituent une autre condition de fond. Ces deux conditions tenant à la "menace" ainsi qu'à "l'interruption" sont cumulatives ; elles sont toutes deux appréciées par le Chef de l'Etat.

Qu'en est-il des conditions de forme ? Le Chef de l'Etat doit avertir la Nation, par un message, de sa décision de mettre en oeuvre ces dispositions particulières. Il doit en outre consulter le Premier ministre, ainsi que les présidents de deux chambres du Parlement, et enfin le Conseil constitutionnel. Ce dernier rendra par ailleurs un avis à la fois motivé et publié concernant justement l'opportunité de cette mise en application. Or il faut immédiatement noter que ces avis, bien qu'obligatoires, demeurent des avis simples. Cela signifie, en d'autres termes, que le Président de la République dispose d'un réel pouvoir discrétionnaire au regard de ces mêmes conditions de fond, et n'est en rien contraint de les respecter.


La mise en oeuvre de l'article 16

Utilisé, jusqu'à présent, une seule fois, cet article 16 de la Constitution octroie au Chef de l'Etat de nombreux pouvoirs, fortement étendus, en ce que ceux-ci interviennent aussi bien dans le cadre du pouvoir exécutif mais aussi du pouvoir législatif. Dans tous les cas, bien que ces pouvoirs soient étendus, cette utilisation de l'article 16 doit permettre un retour à la situation normale et ce, le plus rapidement possible.

Au départ seul le Chef de l'Etat était compétent afin de considérer l'opportunité de poursuivre ou pas cette application ; or par la révision constitutionnelle de 2008, il est prévu qu'à l'issue d'une durée de 30 jours, les présidents des chambres, ou bien un groupe de 60 députés ou 60 sénateurs sont en mesure de saisir le Conseil constitutionnel afin que ce dernier procède à la vérification de la réunion des conditions d'utilisation de cette disposition constitutionnelle. Il rendra alors un avis public sur cette question. De même, à l'issue d'un délai de 60 jours, il pourra et à tout moment décider unilatéralement de vérifier ces mêmes conditions. Cette modification a permis de créer un garde fou concernant la durée d'utilisation de cet article 16 en ce que le Chef de l'Etat n'est plus le seul maitre de l'opportunité de poursuivre cette application, contribuant finalement à créer une autre règle relative à l'encadrement des pouvoirs détenus par le Président de la République.

Des garde-fous existent également ; ainsi, à chaque fois que le Président de la République décide de prendre une décision non contresignée, le Conseil constitutionnel rend un arrêt non public ; la dissolution de la Chambre basse du Parlement est impossible, et, en contrepartie, il est impossible pour les députés d'user du mécanisme de la motion de censure - le Parlement continue par ailleurs de se réunir de plein droit. La Constitution ne peut pas non plus être révisée en cas d'utilisation de ces dispositions (cf. Conseil constitutionnel, 2 septembre 1992, Maastricht II, n°92-312DC).

De même, au titre de ces garde-fous, nous pouvons tout à fait relever que le Président de la République, bien que disposant d'un pouvoir d'opportunité et d'appréciation fortement étendu au regard de la mise en oeuvre mais aussi de poursuivre l'application de cet article 16, pourrait tout à fait être se voir, en cas d'abus en la matière, l'objet d'une procédure de destitution, procédure elle-même visée à l'article 68 de la Constitution, pour "manquement à ses devoirs incompatibles avec l'exercice de son mandat".


Autres informations sur cet article 16

Le Conseil d'Etat, dans sa décision Rubin de Servens, du 2 mars 1962 (n°55049/55055), a rendu une décision tout à fait intéressante dans le cadre de cette problématique de l'article 16 de la Constitution. Il fait suite à l'utilisation, la seule par ailleurs, de cet article à la suite de la tentative de putsch en Algérie. Deux recours ont en réalité eu lieu : le premier concernant l'application de ces dispositions ; le second relativement à la création d'un tribunal de guerre.

Pour la Haute juridiction de l'ordre administratif français, la décision de mettre en oeuvre ces dispositions constitutionnelles constituant un acte de gouvernement, il ne lui appartient pas d'apprécier la légalité ni même encore de contrôler la durée d'utilisation de cet article. Ces actes de gouvernement sont en effet des actes, en dehors de la hiérarchie des normes, et intéressent non pas la fonction administrative du pouvoir exécutif mais bien sa fonction gouvernementale.

De même, les mesures prises par le Chef de l'Etat dans le cadre de l'utilisation de l'article 16, revêtant le caractère d'actes législatifs, il ne peut s'y intéresser.


Bien évidemment, ces dispositions constitutionnelles sont très lourdes de conséquences et constituent en quelque sorte une zone de non-droit ; toutefois, il faut ici noter que des garde-fous existent et surtout, elles ne furent utilisées qu'une seule fois, pour le moment.

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