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L'abandon de poste, synonyme de démission du salarié ?

Le mercredi 5 octobre 2022, les députés étaient amenés à se pencher sur un projet de loi qui avait pour objet de reconduire la convention d'assurance-chômage telle qu'elle est actuellement appliquée et qui devait expirer à la fin de ce mois. Or ces derniers en ont profité pour modifier les règles applicables en matière d'abandon de poste par les salariés. Qu'en est-il plus précisément ? Décryptage.

L'abandon de poste

Credit Photo : Unsplash Brusk Dede

 

L'abandon de poste : qu'est-ce que c'est ?

L'abandon de poste consiste pour un salarié à quitter son poste de travail alors même qu'il n'a pas obtenu d'autorisation de la part de son employeur, voire qui s'absente sans justificatif à l'occasion de ses heures de travail. Cette absence doit être à la fois prolongée et répétée. Néanmoins, il existe certaines situations, similaires à cette définition, qui ne permettent pas de les qualifier d'abandons de poste par les salariés. Il s'agira principalement du décès d'un proche du salarié, du droit de retrait ou encore le fait de consulter un médecin au regard de son état de santé.

Cette absence si particulière entraîne certaines conséquences juridiques au regard du contrat de travail du salarié. En effet, pour le cas d'une absence non légitime (c'est-à-dire hors cas présentés ci-dessus), le salarié ne perçoit plus de salaire de la part de son employeur ; en outre, son contrat de travail est suspendu dans son exécution.

Il est également opportun de retenir que l'employeur dans le cas d'un abandon de poste n'est pas contraint de licencier le salarié absent. Il peut tout d'abord décider de le mettre en demeure de reprendre son poste, mais aussi de justifier cette absence. Ensuite si le salarié ne revient pas sur son lieu de travail ou qu'il ne justifie pas de son absence auprès de l'employeur, ce dernier était en mesure d'actionner une procédure dite disciplinaire. Autrement dit, l'employeur pouvait décider d'une sanction disciplinaire, voire d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse (ici, ce dernier pouvait éventuellement ouvrir droit aux indemnités de licenciement au bénéfice du salarié). Aussi, l'employeur pouvait prononcer le licenciement du salarié pour faute grave : celui-ci n'ouvre droit à aucune indemnité de licenciement.

Ce qui est en fin de compte notable réside dans le fait que l'employeur n'était pas autorisé à considérer que ces absences étaient assimilables à une démission de la part de son salarié. Toutefois, l'état du droit à cet égard a évolué suite au vote par les députés de la majorité et des Républicains qui ont décidé d'assimiler abandon de poste et démission.

Une mesure visant à limiter les droits des salariés

La mesure votée la semaine dernière intervient afin de mettre en place une présomption de démission lorsque le salarié s'absente et que cette absence revêt la nature d'un abandon de poste. Cette mesure qui, lors de l'examen du texte, n'était pas amenée à être effectivement votée, est lourde de conséquences pour les salariés dans la mesure où ces derniers n'obtiendront pas d'indemnités chômage lorsqu'ils auront été licenciés conséquemment à un abandon de poste. Il s'agit donc ici d'une perte de droits au détriment des salariés.

Pourquoi avoir voté une telle mesure ? Cet amendement qui a été présenté par le groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale fut soutenu par le Gouvernement et sa majorité relative. Sous ce rapport, l'actuelle ministre déléguée chargée de la formation professionnelle, Carole Grandjean, a justifié ce soutien parce que selon elle ce qu'elle qualifie de "phénomène [serait] en augmentation constante". Le député Jean-Louis Thiériot, auteur de cet amendement, affirme pour sa part que les employeurs sont les premières victimes de ces abandons de poste par leurs salariés avant d'ajouter que ces derniers utilisent les règles applicables jusqu'alors "pour obtenir le chômage". Ces règles étaient trop favorables aux salariés et pénalisaient les employeurs. Toutefois, de nombreuses critiques se sont élevées contre cette nouvelle mesure votée.

Les critiques apportées contre cette mesure

Les détracteurs de cette mesure qui vise de nouveau à amoindrir les droits des salariés rappellent tout d'abord qu'il n'existe aujourd'hui en France aucune étude qui démontrerait objectivement que ce phénomène existe réellement, encore moins que celui-ci porterait effectivement préjudice aux employeurs. Ces détracteurs ajoutent par ailleurs qu'aucune étude d'impact ne fut menée au regard des effets et les résultats que cet amendement, visant à amoindrir les droits des salariés abandonnant leur poste, aura effectivement sur les bénéficiaires de ces indemnités.

Qu'à cela ne tienne pour Olivier Dussopt, Ministre du Travail, le vote de cette mesure se veut pleinement justifié parce que les conditions d'indemnisation des salariés démissionnaires sont jusqu'aujourd'hui moins favorables que celles des salariés procédant à un abandon de poste. Il justifie alors cette mesure par une assimilation entre démission et abandon de poste. L'objectif est donc clair : il faut que les conditions d'indemnisation en cas d'abandon de poste soient les mêmes que les conditions en cas de démission, à savoir : la privation d'indemnités chômage pendant quatre mois.

On voit donc clairement que la majorité à l'Assemblée nationale et Les Républicains considère tout type d'abandon de poste comme la solution de facilité pour obtenir les allocations chômage. Il s'agirait sûrement pour eux d'un véritable stratagème mis en place par les salariés pour contourner les règles applicables en matière d'indemnisation. Or ce qui peut être intéressant à relever réside dans le fait que, pour Denis Gravouil, syndicaliste de la CGT, de nombreux employeurs incitent actuellement leurs salariés à abandonner leur poste afin qu'employeurs et salariés n'aient pas à signer de rupture conventionnelle lorsque les conditions de la relation de travail sont telles que l'une ou l'autre des parties au contrat de travail ne souhaite plus continuer l'exécution.

En fin de compte, les députés de la NUPES se sont offusqués d'une véritable perte de droits, d'une perte de protection au détriment des salariés pour qui l'abandon de poste peut revêtir la seule et unique porte de sortie de l'entreprise dès lors qu'ils sont dans une situation de souffrance au travail, ou encore dès lors que la rupture conventionnelle qu'ils ont pu demander leur a été rejetée.

 

Sources : Service public, Humanité, Le dauphiné, Sud Ouest

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