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Le refus de la Cour de cassation d'extrader des citoyens italiens pourtant condamnés pour terrorisme (arrêt du 28 mars 2023)

C'est par une décision rendue le 28 mars 2023 que les juges de la Cour de cassation ont décidé de refuser l'extradition de citoyens italiens qui avaient été condamnés pour terrorisme (cf. n° de pourvoi : 22-84.382). Dans cet article, nous allons revenir sur ce fastidieux épisode judiciaire. Décryptage.

Le refus de la Cour de cassation d'extrader des citoyens italiens pourtant condamnés pour terrorisme (arrêt du 28 mars 2023)

Crédit Photo : Thomas Samson AFP

Quels étaient les faits de l’espèce ?

Dix nationaux italiens ont été condamnés pour terrorisme et firent l’objet d’une demande d’extradition par les autorités italiennes. Il y eut plusieurs demandes de la part notre voisine transalpine ; celle effectuée en 2020 raviva les débats entourant de la célèbre doctrine Mitterrand. Ces différentes demandes faisaient également écho à la terrible période des années de plomb en Italie.

La décennie 1972 – 1982 constitue les années de plomb en Italie. A la suite de cette période, dix ressortissants italiens, appartenant à divers groupes armés, furent reconnus coupables de terrorisme, de subversion de l’ordre démocratique ou encore meurtres aggravés. Les peines qui avaient été prononcées par les autorités n’étaient pas minces puisque la réclusion criminelle à perpétuité avait été décidée.
Or ces dix ressortissants quittèrent l’Italie pour séjourner définitivement dans l’Hexagone, profitant ainsi que l’application de la doctrine Mitterrand.

Qu’est-ce que la doctrine Mitterrand ?

Cette doctrine fut mise en place par le Président Mitterrand. Celui-ci avait retenu que les demandes d’extradition ne pourraient être acceptées par les autorités françaises pour le cas où les individus visés, objets de ces dernières, avaient tout bonnement décidé de ne plus poursuivre leurs exactions. A la même époque, les autorités transalpines demandèrent l’extradition de ces dix ressortissants italiens mais elles reçurent à chaque fois et par application de cette doctrine par les autorités françaises une fin de non-recevoir.

Pourquoi une nouvelle demande eut lieu en 2020 ?

Néanmoins, une nouvelle demande portant le même objet fut de nouveau formulée le 28 janvier 2020 et ce, en vertu d’un élément juridique nouveau en l’espèce.
Ce qui est intéressant à relever ici est que chaque demande d’extradition est effectuée en application de trois textes : la Convention européenne d’extradition de 1957 ; la Convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977 et enfin la Convention de Dublin de 1996 qui prévoit la procédure d’extradition uniquement entre les Etats membres de l’Union européenne. C’est bien ce dernier texte qui nous intéresse ici car s’il est effectivement entré en vigueur dans l’Hexagone en 2005, il entra en vigueur le 5 novembre 2019 en Italie.

Informés de cette demande, et le Président Macron, et son Ministre de la Justice, avaient décidé de l’appuyer entièrement. C’est toutefois sans compter sur le suivi des juges de la Chambre de l’instruction qui, en juin dernier, ont décidé d’y répondre défavorablement. Pour fonder cet avis, ces derniers avaient argué des dispositions contenues au sein des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protègent respectivement le droit à un respect équitable, et, le droit à la vie privée et familiale.

Des pourvois furent formés et les juges de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français motivèrent leur décision en arguant tout d’abord des nouvelles dispositions inscrites aux articles 696-1 et suivants du Code de procédure pénale. Ces articles s’appliquent directement en matière d’extradition. La Cour de cassation, dans cette décision du 28 mars 2023, a relevé que la France avait expressément prévu une réserve selon laquelle pour le cas où un Etat procède à une demande d’extradition à un autre Etat afin qu’une peine ou bien une mesure de sûreté soit exécutée à l’encontre d’un individu jugé « par défaut », alors la partie requise, dans notre cas d’espèce la France, est en mesure de « refuser d’extrader à cette fin » si et seulement si elle considère que la procédure entourant le prononcé du jugement n’a pas permis la rencontre « des droits minimaux de la défense », droits explicitement reconnus à tout individu qui est accusé d’avoir commis une infraction. Sous ce rapport, les juges de la Cour régulatrice ont relevé que les juges de la Cour d’appel avaient relevé que les dispositions légales italiennes ne pouvaient, en l’état actuel du droit transalpin, garantir à ces personnes condamnées par défaut la possibilité d’être à nouveau jugées après les avoir entendues « sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit. »

Ensuite, les juges de la Chambre criminelle de la Cour de cassation sont revenus sur le contenu des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et ont cherché à répondre à la question de savoir dans quelles mesures est-ce que l’extradition en cause aurait eu pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale, et donc, de porter une telle atteinte à ce droit conventionnellement protégé ?

Ils y ont procédé eu égard à la sévérité des faits reprochés et pour lesquels les 10 ressortissants italiens furent condamnés. Ensuite, ils ont retenu ces faits remontent à plus de 40 ans aujourd’hui et a souligné les liens que ces mêmes ressortissants italiens ont pu nouer dans l’Hexagone après avoir quitté l’Italie.

Sous ce rapport et « à présent », les juges du Quai de l’Horloge ont considéré que les demandes d’extradition effectuées par les autorités italiennes porteraient en effet une atteinte disproportionnée au contenu des dispositions de l’article 8 susmentionné. De ce fait, les juges ont tout simplement décidé d’écarter le grief visant à faire reconnaitre des motifs d’insuffisance, de contradiction ou d’erreur manifeste.

Par voie de conséquence, la Cour de cassation a permis d’affirmer le caractère définitif de ces avis défavorables aux demandes formulées par les autorités italiennes. Nul doute que ces arrêts ne permettront pas de calmer les relations quelque peu tendues entre les deux voisins transalpins…

Références
Cass., crim, 28/03/2023, n° de pourvoi : 22-84.382
https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/28/la-cour-de-cassation-confirme-le-refus-d-extrader-dix-militants-italiens-d-extreme-gauche_6167305_3224.html#:~:text=Justice-,La%20Cour%20de%20cassation%20confirme%20le%20refus%20d%27extrader%20dix,deux%20femmes%20et%20huit%20hommes.
https://www.lefigaro.fr/international/anciens-militants-italiens-la-cour-de-cassation-confirme-le-refus-d-extradition-vers-rome-20230328
https://www.lefigaro.fr/flash-actu/la-cour-de-cassation-examine-l-extradition-d-anciens-militants-italiens-20230207

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