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Levée des dérogations sur certains pesticides par la CJUE

La Cour de justice de l'Union européenne est intervenue afin de mettre fin aux dérogations en vigueur concernant certains pesticides, les néonicotinoïdes. Décryptage.

Droit européen - arrêt CJUE et Néonicotinoïdes

Credit Photo : © Gyorgy Varga/AP/SIPA

Par une décision rendue le jeudi 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne est intervenue afin de mettre fin aux dérogations en vigueur concernant certains pesticides, les néonicotinoïdes (cf. Aff. C-162/21 – Pesticide Action Network Europe e.a). Les Etats membres de l’Union européenne ont dorénavant interdiction d’autoriser des dérogations, même temporaires, pour ces pesticides. Cette décision a fait couler beaucoup d’encre et fait réagir vivement l’industrie sucrière européenne. Décryptage.

Le cas de la France : autorisation temporaire de ces pesticides

Souvenez-vous l’automne 2020 : la récolte des betteraves sucrières avait été terrible pour les professionnels de la filière. En cause, la jaunisse. Face à ces difficultés, le Parlement français avait alors décidé d’autoriser de manière temporaire l’utilisation de ces pesticides décriés. Cette dérogation avait été décidée, précision faite qu’elle ne pourrait pas être autorisée au-delà de juillet 2023 et qu’elle ne serait valable qu’à l’égard des semences de betteraves sucrières.
Toutefois, dans leur décision du 19 janvier, les juges de la Cour de justice de l’Union européenne ont décidé qu’il ne pouvait exister de dérogation valable au regard de l’utilisation de ces pesticides. Ces derniers ont par ailleurs indiqué qu’aucune circonstance de nature exceptionnelle ne serait de nature à autoriser, même de manière strictement temporaire, leur usage.
Or cette décision intervient alors que de nombreux Etats membres de l’Union européenne ont, à l’image du cas français, décidé d’autoriser temporairement leur utilisation pour venir en aide aux professionnels en difficulté.

Que dit le droit de l’Union européenne ?

C’est à la suite de mises en garde contre l’utilisation de certains pesticides de la famille des néonicotinoïdes que l’Union européenne a décidé, en 2018, d’interdire l’usage de trois d’entre eux pour toutes les cultures en plein champ.
La raison invoquée et sur laquelle l’Union européenne s’est basée afin d’en interdire toute utilisation réside dans les griefs portés contre lesdits pesticides qui sont accusés de participer activement et de manière conséquente au déclin des populations d’abeilles sur le continent européen. Plus spécialement, il faut bien retenir le mode de fonctionnement de ces pesticides : parce qu’ils altèrent le système nerveux des insectes responsables de la jaunisse des betteraves, ce qui résulte sur des récoltes désastreuses, ceux-ci s’attaquent par là même aux insectes pollinisateurs.

Les règles du droit de l’Union européenne à demi respectées ?

En dépit de la règlementation de l’Union européenne en vigueur, 11 de ses Etats membres ont décidé de mettre en place des dérogations qui consistaient à autoriser de manière temporaire l’utilisation des pesticides en cause. Ces Etats membres, dont la France mais aussi la Belgique, avaient invoqué, pour permettre de meilleures récoltes et finalement de sauver leur filière nationale, le caractère de l’urgence pour justifier leur décision d’autorisation.
D’ailleurs, cette décision est intervenue alors même que le Parlement français était sur le point de procéder à une nouvelle autorisation temporaire pour les professionnels de l’industrie sucrière. Au surplus, cette décision a vivement fait réagir la Confédération générale des planteurs de betteraves. D’après un communiqué rendu par celle-ci, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne est brutale et celle-ci « risque d’entrainer des conséquences désastreuses et irréversibles dans [les] territoires ruraux [français] ». Celui-ci pointe également du doigt la très difficile conciliation entre la souveraineté alimentaire encouragée par les politiques et les décisions de justice rendues sur une même problématique.
Toutefois et pour rappel, le droit de l’Union européenne mais aussi les décisions rendues par les juges de la Cour de justice de l’Union européenne s’imposent aux Etats membres. Dans sa décision du 19 janvier dernier, la Cour avait été questionnée sur six dérogations adoptées en la matière par la Belgique. Les ayant estimées illégales et non conformes au droit de l’Union européenne, de telles dérogations ne peuvent plus être utilement prises par les Etats membres.
Le gouvernement français n’a pas réellement réagi à ce sujet et a déclaré qu’il analysait la décision en question. Pour sa part, son homologue belge a affirmé que les dérogations dont il était question, bien que celles-ci étaient dans les faits combinées à de rigoureuses mesures quant à l’utilisation de ces pesticides, n’ont pas été autorisées depuis 2020.
Les juges de la Cour de justice de l’Union européenne, bien que n’ayant pas nié la possibilité pour tout Etat membre d’accorder de manière dérogatoire et strictement temporaire l’usage de produits qui contiennent des substances interdites par la réglementation européenne, ont indiqué que le droit de l’Union européenne ne saurait « [permettre] de déroger aux réglementations visant expressément à interdire la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de tels produits. »(cf. §39 de la décision).
Ils précisent également que l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne sont incités à favoriser des procédures insecticides « non chimiques » si possible, à tout le moins « à faible apport en pesticides » (cf. §44). Ils ajoutent finalement que ceux-ci doivent avoir recours à ces produits parmi ceux qui présentent « le risque le plus faible pour la santé humaine et l’environnement ».

Une victoire pour les défenseurs de l’environnement

Antoine Bailleux, avocat de l’ONG PAN Europe, s’est félicité de cette décision importante rendue par les juges de Luxembourg. Il a en effet déclaré que ces derniers ont clairement mis à un coup d’arrêt à une pratique devenue classique pour nombre d’Etats membres, à savoir : la réintroduction et la réutilisation, de façon contournée, de produits pourtant prohibés par la réglementation européenne sur la base de justifications de diverses natures, soit environnementales, soit sanitaires.
Le directeur de cette ONG a par ailleurs souligné le sens mais aussi et surtout la portée d’une telle décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne en précisant que celle-ci a rappelé aux Etats membres que « le droit doit primer sur les intérêts de l’industrie des pesticides. »

Références

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=0B4B8E99DC381B631740E3FF982D90B5?text=&docid=269405&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=16037
https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2023-01/cp230012fr.pdf
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=265085&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=72250
https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/lindustrie-sucriere-sinsurge-contre-linterdiction-des-pesticides-toxiques-pour-les-abeilles/

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