"On ne peut manquer d'être sensible aux conséquences préjudiciables qui s'attachent, pour les personnes concernées, au prononcé de sanctions disciplinaires et corrélativement, au considérable progrès du droit que représenterait la soumission de telles mesures [d'ordre intérieur] au contrôle du juge...". Tels furent les mots prononcés par Patrick Frydman, commissaire du gouvernement, dans ses conclusions, suivies par le Conseil d'Etat dans son raisonnement, en ce qui concerne les arrêts "Marie" et "Hardouin", liés par le thème commun d'une distinction entre mesures d'ordre intérieur et décisions faisant grief.
En effet, ces actes administratifs unilatéraux, entendus comme les actes émanant de l'Administration ou de personnes privées, dans une optique de service public ou par l'emploi de prérogatives exorbitantes du droit commun, et qui entraînent des conséquences juridiques pour les tiers, se différencient essentiellement par le fait que seules les décisions faisant grief peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge administratif pour excès de pouvoir. Autrement dit, ce recours n'est possible que si l'acte contesté revêt un caractère décisoire car il n'est pas juste de croire que tous les actes administratifs unilatéraux engendrent, nécessairement, des conséquences contraignantes vis-à-vis de personnes extérieures (...)
[...] La scolarité constitue un des domaines privilégiés des mesures d'ordre intérieur, tout comme les domaines militaires et pénitentiaires, ce qui amène le commissaire du gouvernement à préciser que si l'on touche à l'un de ces champs, rien ne sembler empêcher de revoir les deux autres. L'évolution sociologique de plus, conduit les juges à reconnaitre que les détenus devaient être considérés comme des hommes avant toute chose, en le laissant aucune place à une rancœur du fait de leurs actes. Egalement, ce refus d'accéder aux requêtes contre des sanctions disciplinaires semble être en décalage avec les engagements internationaux pris par la France, et notamment avec la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH). [...]
[...] En effet, la sanction disciplinaire de l'espèce apparait comme dangereusement tachée d'arbitraire, et l'encrage dans le temps d'une immunité juridictionnelle dans ce domaine a conduit certains à prendre de mauvaises habitudes. Devant cet abus caractérisé, le juge se pose donc en défenseur des droits et des libertés fondamentales des détenus. La formule, que l'on retrouve un petit peu partout lorsqu'il est question de droit en milieu carcéral, selon laquelle le droit ne s'arrête pas aux portes des prisons, est ardemment gardée par le Conseil d'Etat. [...]
[...] En témoigne, notamment, sa formation en assemblée mais aussi une décision rendue le même jour, le 17 février 1995, et allant dans le même sens, à savoir l'arrêt ‘'Hardouin''. En l'espèce, M. Marie, détenu à la prison de Fleury-Mérogis, s'est plaint, par l'envoi d'une lettre adressée au chef de service de l'inspection générale des affaires sociales le 4 juin 1987, du fonctionnement du service médical de l'établissement pénitentiaire en question. Suite à cette plainte, le directeur de la maison d'arrêt lui infligea, le 29 juin 1987, la sanction de mise en cellule de punition pour une durée de huit jours avec sursis, une décision implicitement approuvée par le directeur régional des services pénitentiaires. [...]
[...] B Le rétrécissement du champ d'application des mesures d'ordre intérieur Si la définition des juges quant aux mesures d'ordre intérieur peut laisser perplexe la réduction de leurs domaines trouvent de nombreuses justifications justifications qui témoignent d'un changement nécessaire. Une définition jurisprudentielle somme toute assez floue Les mesures d'ordre intérieur sont donc, dans un premier temps, on l'a vu, des actes administratifs unilatéraux non-exécutoires, c'est à dire qui ne peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir. Ainsi, deux critères jurisprudentiels se sont dégagés au fil du temps pour apprécier plus amplement ces mesures d'ordre intérieur. Le premier concerne ‘'l'intimité'' de la mesure. [...]
[...] Autrement dit, l'intéressé ne bénéficiera que du strict minimum, la décence et la dignité ne semblant constituer que les seuls critères. Il est également stipulé, au sein de cet article, que ‘'sa (la punition) durée ne peut excéder quarante-cinq jours '', ce qui est bien au dessus de la moyenne européenne (il est question de 15 jours en Italie par exemple) et ce qui témoigne une nouvelle fois du retard de la France dans ce domaine. De plus, le second article visé, l'article D du même code, dispose que ‘'la mise en cellule de punition entraîne, pendant toute sa durée, la privation de cantine et des visites'' ainsi que ‘'des restrictions à la correspondance''. [...]
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