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10 arrêts à connaître en droit administratif

Cette liste de 10 arrêts à connaître en droit administratif n'est bien évidemment pas exhaustive. Bien d'autres pourraient être ajoutés et étudiés. Il s'agit en outre de ne retenir que les faits les plus importants ainsi que la portée de ces arrêts sans en faire le commentaire précis.

10 arrêts à connaître en droit administratif

Credit Photo : VisualHunt Callistta


1. Tribunal des conflits, BLANCO, 8 février 1873

Une manufacture de tabac est exploitée en régie directe par l'État et la petite Agnès Blanco est renversée par un wagon lui-même poussé par des ouvriers travaillant dans la manufacture. Son père qui souhaite obtenir réparation du préjudice subi par sa fille se tourne vers le juge civil puisqu'à l'époque l'administration est irresponsable. Se déclarant incompétent, le préfet élève le conflit pour que celui-ci soit effectivement tranché par le Tribunal des conflits. Qui est compétent ? Le juge civil ? Le juge administratif ?

Dans cet arrêt Blanco, le Tribunal des conflits considère que l'État peut en réalité être responsable, mais cette responsabilité répond à un droit spécial qui n'est pas celui de l'actuel article 1240 du Code civil (article 1382 ancien dudit code). N'étant ni générale, ni absolue, cette responsabilité dispose de ses propres règles. Le Conseil d'Etat et donc le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité de l'Etat et a d'ailleurs activement participé à l'élaboration des principes de cette responsabilité.


2. Conseil d'État, CANAL, 19 octobre 1962

Dans cet arrêt Canal, il est question des accords d'Evian qui ont permis de mettre fin à la guerre d'Algérie. Ils sont ratifiés et approuvés par référendum qui d'ailleurs a prévu qu'une loi serait adoptée pour prendre « toute mesure législative ou réglementaire » pour appliquer lesdits accords. Ici, la loi donne autorité au Président de la République de prendre toute mesure législative ou réglementaire pour appliquer ces accords : il est donc autorisé à intervenir dans les domaines des articles 34 et 37 de la Constitution et donc les domaines respectifs de la loi et du règlement.

Le Président de la République a alors décidé de créer une cour militaire de justice par ordonnance et celle-ci a par ailleurs condamné à mort des personnes qui ont demandé l'annulation de cette ordonnance.

Or l'ordonnance est prise en application d'un référendum : la question qui est donc posée au Conseil d'État est celle de savoir où celle-ci se trouve dans la hiérarchie des normes ?

Le Conseil d'État a retenu qu'en tant qu'autorité administrative, le Président de la République lorsqu'il prend des actes par voie d'habilitation référendaire - des ordonnances - n'est pas transformé en législateur : il n'intervient donc pas dans les domaines de la loi. Les décisions qu'il prend sur le fondement de cette habilitation référendaire gardent leur caractère administratif : ce sont des actes administratifs soumis au principe de légalité.


3. Conseil d'État, SYNDICAT GENERAL DES INGENIEURS CONSEILS, 26 juin 1959

L'article 37 de la Constitution constitue le pouvoir réglementaire autonome. Il est autonome puisque dans certains domaines la loi ne trouve pas à s'appliquer : seul le règlement s'applique en effet.

Or où se trouve ce règlement par rapport à la loi dans la hiérarchie des normes ?

Cette question est intéressante, car le juge administratif ne serait pas en mesure de contrôler la légalité d'un règlement si celui-ci se trouvait au même niveau que la loi dans la hiérarchie des normes. Cependant dans cet arrêt, le Conseil d'État a ici fait prévaloir le critère organique et donc, le règlement autonome, dans la hiérarchie des normes, se trouve au même niveau que le règlement d'application : il est alors soumis au principe de légalité et peut être connu par le juge administratif.


4. Conseil d'Etat, JAMART, 7 février 1936

La Constitution ne confère pas aux ministres de pouvoir règlementaire sauf éventuellement lorsque l'on pense au contreseing des ministres, lui-même prévu au sein des dispositions de l'article 22 de la Constitution.

Pourtant, dans quelle mesure les ministres disposent-ils d'un pouvoir réglementaire ?

Le sieur Jamart est médecin dans des établissements de soins et s'est vu interdire son accès à un centre de réforme par le ministre.

Le Conseil d'État retint que tout chef de service est autorisé à prendre des mesures ainsi qu'en dehors de toute disposition législative. Ainsi, il est reconnu aux ministres un pouvoir réglementaire concernant les actes d'organisation, mais aussi de fonctionnement du service. Toutefois, ces règles édictées par les ministres doivent intervenir dans le pur intérêt du service. Ces mesures sont en outre soumises au principe de légalité.


5. Conseil d'Etat, HEYRIES, 28 juin 1918

Cet arrêt participe à la mise au jour de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles.

Cet arrêt concerne des faits qui se sont déroulés durant la Première Guerre mondiale. Le pouvoir réglementaire avait en effet suspendu une loi.

La question qui s'est posée au Conseil d'État était celle de savoir dans quelle mesure il était possible pour le pouvoir réglementaire d'intervenir en la matière ?

Le Conseil d'État retint que si en temps ordinaire, il est effectivement impossible pour le pouvoir réglementaire de suspendre une loi, il en est tout autrement dans certains cas. Toutefois, trois conditions doivent être rencontrées pour que soit reconnue cette possibilité. Ainsi, l'évènement doit être exceptionnel et donc grave et imprévu ; il doit être impossible d'agir de façon légale, et enfin, le but des mesures doit être justifié par un intérêt suffisant. Ce n'est que lorsque ces trois conditions sont toutes remplies que l'atteinte à la légalité est justifiée dans un but strictement nécessaire (!)


6. Conseil d'État, SYNDICAT GENERAL DES FABRICANTS DE SEMOULE DE FRANCE, 1er mars 1968

Un règlement européen est intervenu concernant le régime douanier. Toutefois, une loi française a prévu que le régime douanier français continuerait d'être appliqué.

La question qui s'est posée a été celle de savoir si ce règlement européen prévaut sur la loi interne ?

Dans le cas d'espèce, le Conseil d'État avait considéré que le traité n'avait pas de valeur supérieure à la loi dans la mesure où le traité était intervenu avant l'adoption de la loi française. Autrement dit, la loi spéciale déroge à la loi générale et donc la loi française déroge au traité intervenu antérieurement.

Le Conseil a donc considéré que le traité n'avait pas valeur supérieure à la loi et n'a donc pas fait primer les dispositions contenues à l'article 55 de la Constitution, chose qu'il fera cependant en 1989 dans sa décision NICOLO.


7. Tribunal des conflits, PELLETIER, 30 juillet 1873

Dans cette décision, le Tribunal des conflits s'est montré tout à fait audacieux et a été à l'origine de la distinction qui existe entre la faute personnelle et la faute de service.

Pour comprendre cet arrêt Pelletier, il faut savoir que l'article 75 de la Constitution de l'An VIII prévoit que l'agent public qui commettrait une faute de service est personnellement irresponsable. La responsabilité de l'État sera alors engagée. Il y a une règle de procédure (autorisation ministérielle) et une règle de compétence (le juge judiciaire ne peut connaître de ces affaires) qui trouve son origine dans une loi de 1790. Cet article (pas la loi) ayant été abrogé, toutefois le Tribunal a considéré que l'abrogation n'intéresse pas la règle de compétence, uniquement la règle de procédure. Comment cette décision a-t-elle participé à la distinction faute personnelle-faute de service ?
Lorsque le fonctionnaire commet une faute et que cette faute concerne le service, le juge judiciaire ne peut pas connaître de l'affaire.
Lorsque le fonctionnaire commet une faute et que cette faute ne concerne le service, alors le juge judiciaire est en mesure de connaître de l'affaire.
En fait, la loi de 1790 n'est pas abrogée et donc le juge administratif est compétent pour connaître des litiges qui révèlent une faute de l'administration.


8. Conseil d'Etat, LEMONNIER, 26 juillet 1918

Les époux Lemonnier ont tout d'abord obtenu réparation du sieur Lemonnier devant le juge civil. Toutefois, ces derniers décident de se porter devant le juge administratif pour obtenir une indemnité supplémentaire. Pour eux, la faute personnelle (du maire) a été rendue possible par la faute de service.

La question qui s'est posée a été celle de savoir si, parce que la responsabilité personnelle de l'agent a été engagée, celle de l'État le sera elle aussi ? En d'autres termes, existe-t-il un cumul de fautes ?

Le Conseil d'État a retenu qu'il n'y a pas eu de faute de service, uniquement une faute personnelle, mais cette dernière a été rendue possible par le service. Toutefois, ce n'est pas parce que les victimes ont obtenu réparation devant le juge civil qu'ils ne peuvent pas obtenir réparation devant le juge administratif. Ainsi, une faute personnelle engage la responsabilité de l'État même en absence de faute de service. En effet, le service ayant rendu possible cette faute, l'Etat peut être reconnu responsable.


9. Conseil d'État, CALA, 5 juin 1992

Il faut savoir que l'ouvrage public peut être dangereux. Un ouvrage public est un ouvrage immobilier, spécialement aménagé et correspond à un but d'intérêt général. Cet ouvrage peut être dangereux. L'ouvrage public par excellence est la route. En effet, la route mal entretenue entraîne la responsabilité pour faute de l'administration. Toutefois, certaines routes même bien entretenues présentent des risques - chutes de pierres, par exemple. Dans le cas de l'espèce, le Conseil d'État a reconnu qu'une route, située près d'une falaise, est constitutive d'un ouvrage public dangereux et peut engager la responsabilité de l'État en cas de préjudices.


10. Conseil d'Etat, COMMUNE DE ST-PRIEST LA PLAINE, 22 novembre 1946

Le maire d'une petite commune demande à deux habitants de cette commune de participer au tir d'un feu d'artifice. Or ces deux personnes sont touchées et blessées.

Ils demandent donc à la commune de réparer leurs préjudices respectifs et demandent alors au Conseil d'État de leur accorder cette indemnité. Cette jurisprudence participe en réalité à la construction de la responsabilité sans faute des collaborateurs occasionnels qui nécessite la rencontre de trois conditions : ainsi, il est nécessaire qu'il y ait la présence d'un service public ; une condition de réquisition assouplie de nos jours, et enfin, il faut prendre part à une collaboration effective, peu importe la réussite de la mission de service public - cette condition est par ailleurs ajoutée par certains auteurs, mais mise en avant par la jurisprudence du Conseil d'État comme dans son arrêt GAILLARD de 1970.


Source : Conseil d'Etat


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